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Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 8 juillet 2008 à 15h00
Rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Muzeau :

Après une négociation interprofessionnelle de plusieurs mois en vue de modifier les règles actuellement applicables en matière de représentativité syndicale, de dialogue social et de financement du syndicalisme, la CGT, la CFDT, le MEDEF et la CGPME étaient parvenus, le 9 avril dernier, à une position commune que d'aucuns n'hésitaient pas à qualifier d'historique.

Ce texte appelait à une réforme fondant la représentativité des syndicats sur le vote des salariés de l'entreprise et prenant en compte cette audience électorale pour la validation des accords collectifs. Comme les débats l'ont souligné, les principales carences portaient sur la durée trop longue de sa mise en oeuvre et surtout sur l'absence de dispositions concrètes concernant l'expression de plus de quatre millions de salariés des TPE. Le texte de la position commune ne conditionnait pas l'extension des possibilités de déroger au droit du travail. Il stipulait qu'à titre expérimental, le contingent des heures supplémentaires au sein de l'entreprise pouvait être déterminé sur la base d'un accord signé par des syndicats représentant une majorité absolue de salariés. Cet accord devait respecter les dispositions du code du travail et de la convention collective, notamment en ce qui concerne les taux de majoration des heures supplémentaires et les droits des salariés aux repos compensateurs.

Lors de la réunion des organisations du 16 mai dernier avec vous, monsieur le ministre, la CGT et la CFDT vous avaient expressément demandé que le projet de loi gouvernemental reprenne à la lettre ce point de la position commune ; c'est également ce que ces syndicats ont dit à M. Copé et au groupe UMP. Le représentant du MEDEF avait confirmé l'interprétation du texte et s'était associé à cette demande.

Or, bien que le Président de la République et le Gouvernement ne cessent de louer les mérites du dialogue social, votre décision a été de passer outre la position commune approuvée par les deux confédérations représentant une majorité de salariés et d'imposer en catimini, dans le texte relatif à la représentativité syndicale, une réforme en profondeur de la durée du travail.

Le Gouvernement a décidé arbitrairement d'ajouter toute une série de graves dispositions fort éloignées des principes pourtant âprement négociés entre partenaires sociaux. Avec ma collègue Martine Billard, nous avons fait la démonstration que votre texte conduisait aux 48 heures par semaine, à la suppression des jours fériés hors 1er mai pour les forfaits-jours, à 17 jours de travail supplémentaires, soit un samedi sur trois. Il signifie également la monétisation du repos compensateur quand il en reste, les jours RTT qui s'évaporent, et la porte ouverte à tous les abus pour certains employeurs à qui vous offrez désormais un outil de dumping social dans la sphère économique. L'avis des CE, des délégués du personnel, la consultation de l'inspection du travail, tout cela disparaît largement. La hiérarchie des normes est inversée, l'ordre public social remis en cause, la Charte européenne à nouveau bafouée comme notre Constitution.

À plusieurs reprises dans nos débats vous avez, monsieur le ministre, été pris en flagrant délit de mensonge (« Eh oui ! » sur les bancs de la Gauche démocrate et républicaine. – Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) avec un aplomb qu'apprécieront les partenaires sociaux pour vos futures rencontres. Votre réforme vise à faire mentir cette célèbre phrase qui veut qu'entre le fort et le faible, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit.

Votre texte ne maintient la durée légale hebdomadaire du temps de travail de 35 heures qu'à titre d'anecdote. Il va à l'encontre de l'intérêt des salariés, invités à tout sacrifier – santé, sécurité et vie familiale – pour quelques hypothétiques euros de plus.

En généralisant la négociation de gré à gré entre employeur et salarié, en tirant un trait sur la reconnaissance du lien de subordination qui caractérise les relations de travail, vous condamnez notre pays à connaître l'une des plus graves régressions sociales de son histoire. La clef de voûte du droit du travail que représente la durée légale du travail n'aura plus demain pour limite que les seuils sociaux européens, portés à 60 ou 65 heures par le projet de directive.

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