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Intervention de Daniel Paul

Réunion du 18 novembre 2008 à 9h30
Paquet énergie-climat — Déclaration du gouvernement et débat sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Paul :

La Commission a évalué le coût du paquet à « 3 euros par citoyen et par semaine », soit 150 euros par an. D'ici à 2020, cela correspondra à une facture d'un peu plus de 842 milliards d'euros, soit 70 milliards d'euros par an, ou encore 0,5 % du PIB européen. Il s'agit de sommes considérables.

Par ailleurs, le risque est grand que la lutte contre le réchauffement climatique soit menée, dans notre pays, au détriment des financements nécessaires à l'ensemble des dispositifs de protection sociale. Ainsi, monsieur Borloo, le projet de loi Grenelle I, adopté à l'Assemblée nationale, vous le souligniez, à une large majorité – avec rappelons-le, tout de même, un certain nombre d'abstentions – prévoit que la contribution dite « énergie-climat » sera strictement compensée par une baisse des prélèvements obligatoires des entreprises afin de préserver leur compétitivité. Cependant les « charges » patronales en question contribuent à la protection sociale, et si ce dispositif était retenu, cette dernière ferait donc les frais de l'opération.

Plutôt que de poursuivre dans cette voie, ne faudrait-il pas envisager d'autres solutions ? Une taxation sur les transactions financières contribuerait, par exemple, utilement à faire face, aux niveaux européen et international, à une grande partie des besoins d'investissement. Faut-il rappeler que les seuls paradis fiscaux, évoqués du bout des lèvres il y a quelques jours à Washington, abritent, selon les magistrats qui mènent des enquêtes à ce sujet, entre 1 000 et 1 600 milliards d'euros qui échappent à toute fiscalité ? Le moment n'est-il pas venu d'envisager de mettre à contribution ces milliers de milliards d'euros détournés de toute utilisation sociale, qui pourraient être utiles dans la lutte que nous souhaitons tous mener afin de limiter les effets du réchauffement climatique ?

Peut-on défendre l'environnement en transformant les quotas de pollution en un marché favorisant le dumping environnemental et dominé par les plus riches ? Trente ans de dérégulation et de promotion du libre-échange ont organisé la concurrence libre et non faussée entre des pays ayant des niveaux de protection sociale et environnementale radicalement différents. Les grandes firmes ont pu délocaliser leurs activités, au point que 20 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre sont aujourd'hui le fait de produits fabriqués dans les pays en voie de développement, mais consommés dans les pays riches.

Les patronats des branches concernées ont évidemment alerté sur les risques de délocalisation. Ils ont demandé que des compensations et que des délais supplémentaires leur soient accordés, comme ce fut le cas pour le secteur énergétique qui dispose de quotas gratuits jusqu'en 2013. Certains réclament, à juste titre, l'inscription dans le paquet « énergie-climat » de mesures de protection des entreprises européennes les plus exposées. Les États eux-mêmes mettent en avant leurs contraintes, en particulier ceux dont l'activité industrielle est fortement dépendante du charbon. Ils demandent des délais supplémentaires, des compensations financières et une autre répartition des milliards d'euros que rapporterait, au niveau européen, le système des quotas.

Il faut aussi compter avec les conséquences de la crise et son impact sur l'activité économique. La volonté des États-Unis de défendre son industrie automobile menacée trouve des échos en Europe et, à la fin du mois de septembre, Angela Merkel annonçait qu'elle ne cautionnerait pas « la destruction d'emplois allemands du fait d'une politique inappropriée sur le climat ». En fait, ce qui serait, en réalité, tout à fait « inapproprié », c'est que les dispositions prises au niveau de l'Union européenne en matière d'émissions de gaz à effet de serre ne soient pas appliquées aux importations provenant de pays tiers ne respectant pas des règles identiques. Je pense, évidemment, à l'industrie automobile, mais aussi, au-delà, à toutes nos filières qui seraient compromises par une application trop libérale du dispositif.

Dans ce contexte, il n'est évidemment pas question d'accepter une union sacrée autour de propositions qui se situeraient dans le cadre européen actuel. Je constate, d'une part, que la poursuite dans la voie de la libéralisation à marche forcée ne permet pas de répondre aux urgences écologiques auxquelles nous sommes confrontés et, d'autre part, que le productivisme capitaliste détruit les deux sources de la richesse sociale : le travail, par l'exploitation effrénée ; la nature et les ressources naturelles, par leur pillage et leur gaspillage.

Dès lors, pour nous, le combat est clair : un autre mode de croissance et de développement, tout à la fois durable et soutenable, social et solidaire, n'est possible qu'en s'affranchissant des politiques libérales européennes et internationales actuelles. Or, dans le système qui nous est proposé, même le gaz carbonique est considéré comme une marchandise : cela n'est pas acceptable.

Nous estimons qu'il est possible et nécessaire de construire une autre Europe en intégrant le dépassement de la crise écologique comme l'un des éléments majeurs de la transformation sociale. Il faut tout d'abord tirer un bilan des politiques de dérégulation menées depuis Maastricht. Elles ont libéralisé le secteur énergétique et plongé les secteurs publics dans la privatisation et la concurrence. Ont-elles été efficaces ? Sont-elles acceptées par les peuples ? Si l'on en juge par l'état actuel des différents réseaux européens, et par les votes lors des référendums sur le projet de Constitution européenne – du moins, pour ceux qui ont eu la chance de pouvoir voter –, la réponse est non.

On ne peut défendre l'environnement sans faire des services publics le bras armé de cette ambition. L'eau, l'énergie, le traitement des déchets, la biodiversité sont des biens communs qui doivent échapper à toute marchandisation, au même titre que l'école, la santé ou la recherche. C'est notamment la raison pour laquelle nous demandons la création, dans notre pays, d'un pôle public de l'énergie.

En outre, la lutte contre le réchauffement climatique nécessite un effort plus important de la part des pays industrialisés. En 2005, l'Union européenne était le troisième émetteur mondial de CO2, derrière la Chine et les États-Unis. Quatre pays – l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Italie et la France – sont responsables de la moitié des émissions européennes. Ces grands pays doivent montrer l'exemple aux pays émergents, mais il faut également mettre en place des financements pour aider ceux-ci à s'équiper de technologies propres, peu productrices de gaz à effet de serre. Le paquet « climat-énergie » pourrait être l'occasion de démontrer que l'Europe n'a pas vocation à être seulement un outil économique, mais qu'elle peut être aussi un outil de solidarité dans les rapports nord-sud.

Un programme de recherche et de production d'énergies renouvelables de grande ampleur doit être mené afin de remplacer progressivement les énergies fossiles. À ce propos, ne convient-il pas de ne pas donner suite aux projets de centrales privées à charbon, qui fleurissent avec la libéralisation du secteur ? Certes, le Grenelle oblige ces centrales à prévoir les locaux permettant de recevoir les dispositifs de captage et de séquestration du CO2 quand ceux-ci seront possibles. Toutefois est-il sérieux de procéder ainsi ? Ne faudrait-il pas plutôt décider qu'aucune nouvelle centrale à charbon ne peut être construite sur notre territoire tant que ces dispositifs ne sont pas immédiatement opérationnels ?

Par ailleurs, il faut promouvoir un nucléaire sécurisé par la recherche, la transparence et la démocratie. Rappelons qu'il s'agit d'une énergie non carbonée qui est indispensable, au même titre que les énergies renouvelables, si nous voulons respecter les objectifs d'émissions de gaz à effet de serre et répondre aux besoins de nos sociétés.

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