Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, madame, monsieur les secrétaires d'État, mes chers collègues, le 23 janvier 2008, la Commission européenne a présenté un paquet « énergie-climat » composé de quatre textes qui visent la réalisation, d'ici à 2020, d'un triple objectif, ambitieux et nécessaire : diminuer de 20 % les émissions de gaz à effets de serre, réduire de 20 % la consommation d'énergie, et augmenter la part des énergies renouvelables jusqu'à 20 % de la consommation totale.
Nous ne pouvons qu'approuver la décision de l'Union européenne de s'engager dans une réduction de 20 % de ses émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2020. L'urgence est d'autant plus grande que, pour la première fois de notre histoire, l'activité humaine accélère un bouleversement climatique dont les conséquences pourraient être dramatiques. Ainsi, le rapport publié en février 2007 par le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, le GIEC, a démontré qu'il était urgent d'agir.
Si aucune mesure correctrice n'est prise au cours de ce siècle, l'augmentation de la température mondiale devrait atteindre 1,8 à 4 degrés Celsius. Les politiques européennes de l'énergie et des transports devraient, quant à elles, entraîner une augmentation d'environ 5 % des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030. Le rapport Stern indique que la poursuite sans aucun contrôle de ces phénomènes causerait, à long terme, des dommages dont les coûts, compris entre 5 et 20 % du PIB mondial, seraient bien supérieurs à ceux de leur éventuel traitement. Dès lors, le choix est clair.
Nous sommes aujourd'hui à la veille de deux conférences importantes. En effet, la conférence de Poznan, les 1er et 2 décembre 2008, lancera la négociation de l'accord international sur le climat devant aboutir à la conférence de Copenhague, en 2009, au cours de laquelle le protocole de Kyoto doit être remplacé, pour la période de l'après 2012. Afin de préparer ces échéances, tous les États européens affichent – et j'insiste sur ce terme – la nécessité de prendre des mesures fortes pour, d'une part, réduire, les émissions de gaz à effet de serre et, d'autre part, adapter leurs pays aux évolutions climatiques en cours. Tel est le sens, en France, de la loi du Grenelle de l'environnement.
La France a fait du paquet « énergie-climat », « l'un des grands enjeux de la présidence française de l'Union Européenne », selon les termes même de la communication gouvernementale. L'objectif est de parvenir à un accord avant la fin de l'année. Cependant, il ne faudrait pas que des visées politiciennes prennent le pas sur les nécessités à court, moyen et long terme. L'argument selon lequel la crédibilité de l'Union européenne sur la scène internationale en matière de lutte contre le changement climatique dépendra, en grande partie, de sa capacité à trouver un accord sur le paquet « énergie-climat » a déjà été utilisé pour hâter – et le terme est faible – l'examen du projet de loi. Le fait qu'il nous soit à nouveau opposé signifie-t-il qu'il faudrait accepter à tout prix ce qui nous est présenté comme une solution sans alternative ?
Pourtant, nous le savons, aujourd'hui, ces textes ne font pas consensus en Europe. Ainsi, l'Italie et la Pologne, notamment, réclament des changements fondamentaux dans les directives du paquet qui, selon la ministre italienne de l'environnement, « est insupportable et demande des changements profonds ». Toutefois, un accord européen a minima serait contre-productif s'il ne répondait pas aux enjeux auxquels notre planète est confrontée. La plupart des associations parties prenantes du Grenelle de l'environnement redoutent que cette solution soit retenue, tandis que d'autres regrettent le manque d'ambition de l'objectif que s'est assigné l'Union européenne en matière de réduction des gaz à effet de serre.
Certes, l'Union européenne a accepté, lors de la dernière conférence des parties prenantes au protocole de Kyoto, qui s'est tenue à Bali, en 2007, de suivre les recommandations du dernier rapport du GIEC qui préconise, pour les pays industrialisés, une réduction des émissions comprise entre 25 et 40 %, pour 2020.
II est également vrai que la loi du 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique, dite loi POPE, engage la France à diminuer de 3 % par an ses émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2020. Cela étant cette bataille de chiffres n'est-elle pas secondaire ? Ne faudrait-il pas plutôt se demander si les mesures contenues dans le paquet « énergie-climat » sont vraiment de nature à permettre une réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre ? La question a son importance puisque, ces dernières années, dans les principaux pays développés, les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté et non diminué.
Il faut aussi tenir compte du constat suivant : si la maîtrise de la consommation énergétique est présentée comme un objectif central – comment, d'ailleurs, ne pas partager cette analyse ? –, elle pourrait néanmoins entraîner une augmentation des émissions de gaz à effet de serre. En effet, cet objectif ne peut être isolé d'un contexte global et il faut aussi veiller aux modes de production et à la réduction de l'utilisation des énergies fossiles. Nous pourrions ainsi réduire de 20 % notre consommation énergétique tout en augmentant, de façon considérable, nos émissions de gaz à effet de serre en raison de la production d'une électricité provenant de l'énergie primaire carbonique. Évidemment, la question des énergies renouvelables est posée, mais aussi, et pour longtemps encore – ne nous cachons pas derrière notre petit doigt – celle du développement de la production d'électricité d'origine nucléaire.
Surtout, comment ne pas s'interroger sur le système d'échanges de quotas d'émissions de gaz à effet de serre, mis en place en 2005, qui a largement démontré ses insuffisances ? La proposition de la Commission européenne d'étendre ce dispositif et de centraliser sa gestion au niveau européen ne va pas inverser la donne. Nous connaissons tous, dans cet hémicycle, les limites de ce dispositif et ses conséquences, dès lors que la taxe ainsi prélevée est répercutée sur l'ensemble de la filière et finalement sur le consommateur. Ce système reviendrait, en fait, à accroître la charge pesant sur les ménages dont on sait les difficultés qu'ils connaissent, pour la grande majorité d'entre eux, en termes de pouvoir d'achat. Monsieur Ollier, vous avez raison : aujourd'hui, 150 euros ce n'est pas rien !