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Intervention de Pierre Lequiller

Réunion du 18 novembre 2008 à 9h30
Paquet énergie-climat — Déclaration du gouvernement et débat sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lequiller, président de la commission chargée des affaires européennes :

Je souhaite d'abord me féliciter, monsieur le ministre d'État, madame la secrétaire d'État, que la France soit en tête de ce débat, avec le Grenelle de l'environnement, et qu'il en aille de même de l'Europe dans le monde.

J'aurais, vous le comprendrez, un mot tout particulier pour Jean-Pierre Jouyet, avec qui nous avons travaillé très étroitement. Je tiens à lui dire que je peux témoigner de son excellente image auprès de nos partenaires européens. Il a, de plus, efficacement contribué au succès de la présidence Française de l'Union européenne, qui n'est d'ailleurs pas encore terminée, et a toujours entretenu des relations très étroites avec les parlements nationaux, et notamment avec nos commissions.

Je me félicite également de l'organisation de ce débat sur le « paquet énergie-climat », débat que Patrick Ollier et moi-même avons ensemble souhaité. Nous nous efforcerons, avec l'accord du Président de l'Assemblée et du secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, de faire en sorte que les débats sur les textes européens soient portés dans l'hémicycle. C'est tout à fait essentiel.

Dans quelques heures, après la séance des questions au Gouvernement, Bernard Deflesselles et Jérôme Lambert présenteront aux membres de la commission chargée des affaires européennes les conclusions de leur excellent rapport d'information sur le « paquet énergie-climat ». Nous voterons à cette occasion une proposition de résolution qui, en vertu du règlement de notre Assemblée, sera transmise à la commission des affaires économiques, laquelle, à l'initiative de son président, l'examinera à son tour, je crois le savoir, la semaine prochaine.

Chacun le sait, les quatre propositions regroupées dans ce nouveau « paquet » visent à concrétiser la règle des « trois fois vingt » arrêtée par les chefs d'État et de gouvernement en mars 2007. Plus concrètement, il s'agit de mettre l'Europe en ordre de bataille dans le combat qu'il lui appartient de mener contre le réchauffement climatique et ses conséquences.

Je me bornerai à rappeler sommairement les conclusions des scientifiques du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, qui a obtenu l'an passé le prix Nobel de la paix. Dans le cas où la température moyenne du globe viendrait à augmenter de plus de 2 ou de 2,5 degrés, de nombreux écosystèmes seraient menacés, la biodiversité subirait des pertes irréparables, des centaines de millions de personnes seraient exposées à une diminution des ressources en eau, les catastrophes naturelles – crues, inondations, tempêtes, vagues de chaleur... – ne se limiteraient pas à l'Aquitaine et seraient plus fréquentes dans le monde. Encore ne s'agit-il là que de quelques-unes des incidences prévisibles de la catastrophe annoncée.

L'Europe, sous la présidence française, souhaite assumer face à ces menaces la part des responsabilités qui lui incombe. Elle se propose donc d'agir vite. Les réformes ont pour horizon 2020, conformément aux recommandations du GIEC, sans renvoyer les décisions à des dates éloignées, où il sera à la fois plus coûteux et moins efficace d'agir. L'Europe se fixe aussi des objectifs ambitieux, dont nous avons parlé : réduire de 20 % ses émissions de gaz à effet de serre, diminuer de 20 % sa consommation d'énergie et disposer de 20 % d'énergie renouvelable dans le mix énergétique. Au passage, je signale à M. Cochet que la présentation qu'il a faite de la position de la France comporte une légère inexactitude. Nous sommes, en effet, nettement en tête de l'Europe, s'agissant des énergies renouvelables – puisque nous atteignons 10,3 %, contre 5,8 % pour l'Allemagne et 8,7 % pour l'Espagne – tout simplement parce que nous avons pris une grande avance en matière d'hydroélectricité.

Ces trois ambitions sont à la hauteur du défi à relever. Tous les spécialistes le disent et le répètent, et le rapport Stern a largement martelé ce message : la communauté internationale se doit de réagir rapidement.

Mais l'Europe, qui ne produit que 15 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, ne peut être le seul acteur à s'imposer des règles aussi contraignantes et ambitieuses. L'analyse faite par Bernard Deflesselles des positions américaine et japonaise m'a semblé, à cet égard, très intéressante.

En 1997, le protocole de Kyoto a imposé à la plupart des pays industrialisés des obligations d'un niveau somme toute assez modeste – moins 5 % par rapport à 1990 –,sur la seule période 2008-2012. En outre, chacun sait que les États-Unis ont finalement refusé de ratifier ce protocole.

De nouvelles négociations sont en cours pour définir un régime post-Kyoto, à compter de 2013. La conférence de Bali, en décembre 2007, a établi un plan d'action qui devrait déboucher sur un accord lors du sommet de Copenhague, en décembre 2009. Une importante réunion préparatoire se tiendra à Poznan, en Pologne, dans deux semaines.

Il est souhaitable que ces négociations internationales débouchent sur un accord où chacune des parties assumera ses responsabilités à la mesure de ses capacités. Cela concerne les pays industrialisés, y compris les États-Unis. Cela vise aussi les pays en développement et notamment les pays émergents – Chine, Inde, Afrique du Sud, Mexique, Brésil – qui doivent pleinement assumer leurs nouvelles responsabilités mondiales.

Les résultats de ces négociations internationales, sous l'égide des Nations unies, ne sont pourtant pas acquis d'avance. Dans ces conditions – et dans un contexte aggravé par les crises financières et économiques – plusieurs États membres ont mis l'accent sur les risques que le « paquet énergie-climat » pourrait faire supporter à l'économie européenne.

En octobre dernier, lors d'une réunion, à l'Assemblée nationale, de la commission chargée des affaires européennes et des commissions des affaires européennes du Triangle de Weimar, j'ai ainsi eu l'occasion d'entendre nos amis polonais s'inquiéter des répercussions économiques et sociales de la mise aux enchères de l'intégralité des quotas du secteur de la production électrique. De leur côté, nos amis allemands ont fait part de leurs inquiétudes pour la compétitivité de celles de leurs industries, l'industrie automobile notamment, qui sont grandes consommatrices d'énergie.

Ces questions sont actuellement au coeur des négociations communautaires que vous allez mener, monsieur le ministre d'État.

J'observe néanmoins que les craintes formulées par la Pologne, d'une part, et par l'Allemagne et l'Italie, d'autre part, ne sont pas forcément partagées par tous avec la même intensité. J'étais ainsi, la semaine dernière, à Prague et les responsables tchèques m'ont assuré de leur soutien au « paquet énergie-climat », alors même qu'ils appartiennent au groupe des nouveaux États membres et ne sont pas particulièrement réputés pour leur volontarisme européen. J'ajoute que l'Allemagne elle-même s'oppose à la demande polonaise de mise aux enchères progressive des quotas du secteur de la production électrique.

Toutefois, ces questionnements ne sont pas infondés : je pense notamment à l'ajustement qu'il serait opportun d'effectuer aux frontières pour éviter les délocalisations, comme l'a très justement souligné Patrick Ollier. Il nous appartiendra d'y trouver collectivement des réponses lors des réunions du conseil des ministres et du Conseil européen ainsi que du vote du Parlement européen dans la première quinzaine de décembre.

La présidence française – et je sais que telle est votre intention – doit maintenir fermement le cap. L'Europe doit demeurer le phare du monde dans le domaine de l'énergie et du climat. Avant même ces échéances décisives, les parlementaires français auront la possibilité d'en discuter avec leurs collègues jeudi et vendredi prochains à Strasbourg, à l'occasion d'une rencontre interparlementaire entre les parlements nationaux et le Parlement européen sur l'énergie en Europe. Il est essentiel que vous puissiez vous appuyer sur le très fort soutien de l'Assemblée nationale au moment où vous abordez ces négociations européennes.

Le « paquet énergie-climat » ne constitue, en effet, que l'un des volets de l'action communautaire dans le domaine énergétique.

Lorsque le pétrole et le gaz naturel ont connu une hausse brutale de leur prix, lorsque des menaces sont clairement apparues contre la sécurité d'approvisionnement de nos économies, de nombreuses voix se sont élevées pour exiger une politique énergétique européenne. Cette exigence est plus que jamais d'actualité. Il n'existe pas, bien sûr, une proposition de directive ou une proposition de règlement établissant une politique énergétique commune, mais il y a désormais tout un ensemble de propositions qui, tel un patchwork, finissent par former un ensemble cohérent.

Le « paquet énergie-climat » définit 1'intégration des politiques énergétiques et environnementales et satisfait ainsi, par avance, à une orientation figurant à l'article 194 du Traité de Lisbonne.

Un peu plus tôt, la Commission européenne nous a soumis le « troisième paquet énergie », visant à améliorer le fonctionnement du marché intérieur de l'énergie. Cet ensemble de textes a été examiné, au sein de notre Assemblée, par un groupe de travail associant des membres de la commission chargée des affaires européennes et de la commission des affaires économiques, à partir de l'excellent rapport d'André Schneider et de Jean-Claude Lenoir. Je me réjouis d'ailleurs que l'accord politique dégagé le 10 octobre dernier par les ministres européens de l'énergie aille dans le sens de la résolution que nous avons adoptée.

Enfin, la semaine dernière, les autorités européennes ont présenté un « paquet sécurité énergétique ». Comme l'a déclaré le Président Barroso, « si nous ne pouvons pas parler d'une seule voix, en tant qu'Européens nous devons au moins avoir un message unique ». Il propose donc une diplomatie active à l'égard de nos principaux fournisseurs, et en premier lieu de la Russie.

Tous les événements que nous avons connus cet été – notamment la guerre entre la Russie et la Géorgie – ne font que mettre en exergue la menace de la Russie et l'utilisation par ce pays de l'arme énergétique comme moyen de pression sur ses voisins. Je voudrais témoigner de l'extrême inquiétude des pays membres de l'Union de l'Europe centrale et de l'Est face à la politique d'agression menée par la Russie.

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