Il est exact qu'un tel ensemble de mesures implique un effort considérable. Tous en sont d'accord, la question du financement est cruciale. La Commission européenne estime le coût direct de la réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre et du passage à 20 % de la part des énergies renouvelables dans la consommation finale à 0,58 % du PIB de l'Union européenne, soit 91 milliards d'euros à l'horizon 2020, soit encore 150 euros par personne et par an – l'équivalent de trois pleins d'essence pour une voiture familiale. Ce n'est pas rien, et il faut donc y réfléchir, mais l'inaction aurait un coût dix fois supérieur, et c'est l'idée que je retiens au nom de la commission des affaires économiques ; c'est celle que nous devons garder présente à l'esprit lors des décisions que nous prenons.
Nous avons eu le plaisir de vous recevoir, monsieur le secrétaire d'état chargé des affaires européennes, et celui de vous auditionner, monsieur le ministre d'État, madame la secrétaire d'État, à plusieurs reprises, ainsi que l'ensemble des acteurs concernés. Au fur et à mesure de ces auditions, la commission a constaté que le développement durable état un vrai facteur de croissance. Je souhaite que nous nous inscrivions dans cette logique : oui, des investissements importants doivent être faits ; oui, il y aurait dix fois plus à faire demain si nous n'agissions pas aujourd'hui ; oui, ces investissements sont des facteurs de croissance importants.
L'année dernière, les investissements dans les sources d'énergie viables sur le plan environnemental ont augmenté de 43 % au niveau mondial. Les recettes commerciales de l'énergie solaire, de l'énergie éolienne, des biocarburants et des piles à combustible devraient augmenter, pour atteindre environ 150 milliards d'euros d'ici à 2016. Le secteur des énergies renouvelables dans l'Union européenne représente un chiffre d'affaires de 30 milliards d'euros et emploie quelque 350 000 personnes.
Au niveau français, l'étude d'impact du Grenelle, que vous avez rendue publique, monsieur le ministre d'État, chiffre à 440 milliards d'euros entre 2009 et 2020 le financement des engagements pris dans le cadre de la loi de programme, et évalue à 535 000 le nombre des emplois créés ou maintenus grâce à elle d'ici à 2020. C'est l'un des bénéfices essentiels de ces mesures : elles sont à l'origine d'un gisement d'emplois non délocalisables.
Mais l'intérêt d'une telle politique dépasse largement les raisonnements en termes de montants financiers et d'emploi, aussi importants soient-ils. Il faut toutefois choisir avec une grande prudence les mécanismes à mettre en oeuvre, pour orienter l'économie dans le bon sens. C'est l'un des enjeux du « paquet énergie-climat ». Si le marché automobile français, par exemple, est aujourd'hui nettement moins déprimé que celui de nos voisins européens, c'est grâce au bonus que vous avez mis en place, monsieur le ministre d'État. Nous pouvons donc influer sur le choix des consommateurs par des décisions courageuses, qu'il nous revient de prendre.
Ce faisant, nous devrons toujours veiller à ne pas pénaliser, du fait de ces décisions, les entreprises européennes, et en particulier françaises. Il faut à tout prix éviter les délocalisations, notamment dans les secteurs industriels les plus consommateurs d'énergie. Je pense ici à la fameuse question de la «fuite de carbone », c'est-à-dire au risque que les entreprises européennes les plus exposées à la concurrence internationale perdent des parts de marché au profit de pays moins vertueux, ou décident de délocaliser, pour les mêmes raisons, une grande partie de leur production. La vertu peut se fonder sur la croissance, mais le manque de vertu dont feraient preuve d'autres pays est susceptible de porter atteinte aux dispositions que nous prendrions en faveur de la croissance. Monsieur le ministre d'État, nous attendons de votre part une grande vigilance pour y parer.
Parmi les conditions du succès de ce paquet, figure naturellement le prix de l'énergie qui en résultera. L'étude d'impact de la Commission européenne prévoit, dans le meilleur des cas, une augmentation des prix de l'électricité de 10 à 15 % d'ici à 2020.
J'en profite pour rappeler solennellement notre attachement à plusieurs principes, et tout d'abord aux tarifs réglementés – je sais que tout le monde n'est pas d'accord sur ce sujet –, qui permettent à nos entreprises, comme aux consommateurs, de bénéficier d'un prix de l'électricité attractif. Je ne veux pas rouvrir le débat sur le nucléaire, mais lorsque le général de Gaulle, après Pierre Mendès France, a décidé de nous engager dans cette voie, il a rendu un immense service à la France.