Non, l'informatique, mais j'ai aussi quelques notions de physique... À propos d'énergie nette, disais-je, j'ai consulté le World Energy Outlook, publié par l'Agence internationale de l'énergie, qui fait référence dans le monde, ou tout au moins dans les pays de l'OCDE. Après une quinzaine d'années d'obscurantisme mental, de fétichisme de la croissance, ses responsables admettent enfin la possibilité de la déplétion des hydrocarbures. C'est la première fois qu'ils reconnaissent cette éventualité, alors que la plupart des gens l'ont intégrée depuis des décennies. Leur modèle reste le même, mais le changement d'attitude est intéressant : ils reconnaissent la possibilité d'une raréfaction, voire d'une décroissance de l'accessibilité aux énergies fossiles. Reste que leur scénario de référence est fondé sur une augmentation d'environ 1,6 % par an de la demande – et donc de l'offre – d'énergie primaire jusqu'en 2030, ce qui est en totale contradiction totale avec l'hypothèse de la déplétion, mais ce n'est pas la première fois que l'AIE est en contradiction avec elle-même…
L'Agence propose tout de même, reconnaissons-le d'investir quelque 24 000 milliards de dollars jusqu'en 2030 dans le domaine énergétique, pour garantir l'accès à l'énergie. C'est un chiffre considérable, et il faut l'adapter au « paquet énergie-climat » européen.
La clef du problème ne réside pas entièrement dans l'investissement énergétique, mais aussi dans la géologie. On ne négocie pas plus avec la géologie qu'avec la nature : quand il y a moins de ressources, on ne peut rien y faire, et il faut en tenir compte dans le « paquet énergie-climat ». M. Le Déaut a dit que le plus grand défi était la question du climat, mais ce n'est que la moitié du problème, l'autre étant l'énergie. On parle beaucoup de ce qu'il y a en aval de la consommation d'énergie : le carbone, le climat, les gaz à effet de serre ; mais il y a aussi, je ne cesse de le dire, tout ce qui est en amont, et que j'ai évoqué lors du Grenelle de l'environnement. Or dans le « paquet énergie-climat », il n'y a pas un mot sur l'amont du carbone, c'est-à-dire la déplétion des hydrocarbures. Cela relève de l'aveuglement ! Soyons ouverts et parlons de politique énergétique en amont et en aval. Il y a d'abord une source d'énergie, qui se trouve pour l'essentiel dans le sous-sol, et ensuite une poubelle de l'énergie, qui se situe dans l'atmosphère. Mais si l'on n'a pas en tête l'ensemble des maillons de la chaîne, on perd le fil logique.
Ainsi, quand on parle de capter, de stocker et de séquestrer le carbone, on s'occupe de l'aval, mais pas de l'amont. Il est donc possible d'avoir, selon que les négociations portent seulement sur le climat ou aussi sur l'énergie, des politiques très différentes.
J'en reviens à la notion d'énergie nette, pour l'expliquer. La question à poser est celle de la quantité d'énergie qu'il faut consommer en amont pour disposer in fine, par exemple, d'une certaine quantité d'essence dans une voiture. Il faut faire le rapport entre l'énergie disponible finale et celle qu'il a fallu pour cela. Sur ce plan, les hydrocarbures sont les champions du monde : le rapport est de quinze pour un. Pour les agrocarburants, par contre, le rapport est quasiment d'un pour un, c'est-à-dire que, pour fabriquer un baril d'agrocarburant, il faut en moyenne – cela varie selon qu'il s'agit d'éthanol et de diester, mais passons – l'équivalent d'un baril de pétrole. Ce n'est plus une source d'énergie, c'est un puits sans fond – et je ne parle pas de la pile à combustible, dont le rendement est négatif : il faut deux barils de pétrole pour fabriquer un baril d'hydrogène !
Comme vous le voyez, l'énergie nette est une donnée fondamentale pour tous les raisonnements en matière de politique énergétique, en amont et en aval. J'espère que, sur ces bases, vous pourrez défendre le « paquet énergie-climat » qui, malgré tout, est assez intéressant. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)