L'examen de cette proposition de loi de nos collègues socialistes aura été l'occasion d'avoir, dans cet hémicycle, un débat important et utile pour tous ceux de nos concitoyens qui, touchés par le film Welcome, se sont passionnés pour ce « délit de solidarité » qui semble contraire aux principes les plus fondamentaux de notre pacte républicain.
Ce débat est important, en effet, car il aura permis à la représentation nationale toute entière de se rassembler autour de ce véritable impératif que constitue la lutte contre les réseaux mafieux de passeurs clandestins, ces criminels qui font leur lit dans la misère et dans la détresse d'hommes, de femmes et d'enfants prêts à tout risquer pour le rêve d'une vie meilleure. Alors que ces réseaux semblent à l'heure actuelle en pleine recrudescence sur notre territoire, tout particulièrement dans la région de Calais, il importe que soit réaffirmée notre pleine et entière détermination dans la lutte contre les filières d'immigration clandestine.
Ce débat est également utile, car il aura permis d'établir que le désormais célèbre article L. 622-l du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'était en rien à l'origine de l'existence, au sein de notre ordre juridique, d'un quelconque « délit de solidarité ». Nos collègues socialistes en sont eux-mêmes convenus : bien qu'en vigueur depuis plus de soixante ans, depuis une ordonnance prise par le gouvernement provisoire du général De Gaulle, cet article n'a jamais permis la condamnation d'une personne venue spontanément en aide à un clandestin en situation de détresse, et ce grâce aux exemptions expressément visées à l'article L. 622-4 de ce même code.
Comment un tel délit pourrait-il d'ailleurs exister alors que l'État et les collectivités locales viennent en aide à ces migrants en leur proposant une assistance, notamment sanitaire, et en subventionnant ces mêmes associations humanitaires qu'on les suspecte de combattre ?
S'il n'existe pas de délit de solidarité, il existe par contre des limites au-delà desquelles la simple solidarité ne permet plus de justifier l'assistance apportée à un migrant clandestin. Entrer dans la chaîne des passeurs, par exemple en transportant de l'argent pour eux, revient ainsi à se rendre complice de ce véritable trafic d'êtres humains et constitue incontestablement un délit. De même, aider un étranger en situation irrégulière à s'installer durablement dans notre pays dépasse largement le champ de la solidarité et revient à s'élever contre les lois de la République, qui demeure seule légitime à fixer les conditions de l'entrée et du séjour des étrangers sur son territoire.
Aussi, je le dis à nos collègues socialistes, en supprimant un délit dénué d'existence réelle, leur proposition de loi est purement superflue. J'ajouterai que, en conditionnant le délit à la preuve du but lucratif poursuivi par les passeurs, ils prennent le risque de fragiliser dangereusement l'assise juridique de la lutte qu'il est de notre devoir de mener contre ces véritables esclavagistes modernes. Pour ces raisons, les parlementaires du Nouveau Centre ne voteront pas ce texte.
Je conclurai en revenant sur l'un des points évoqués lors de notre débat : celui des interpellations et des placements en garde à vue de personnes n'étant en rien liées aux passeurs et qui ont le sentiment d'avoir vu leur droits bafoués.
Ce débat n'a rien à voir avec un prétendu délit de solidarité. Il concerne la nécessaire réforme de notre procédure pénale, qui, aujourd'hui, c'est un fait, n'accorde pas toute sa place à la présomption d'innocence et aux droits individuels. Ce chantier, que le Président de la République a souhaité ouvrir, est vaste et je forme le voeu qu'il nous offre l'occasion de nous retrouver afin de donner à notre pays une procédure pénale plus respectueuse des libertés individuelles. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)