Vous avez le pouvoir de décider ce qui sera ou ne sera pas en vous astreignant naturellement à une certaine fidélité ou loyauté à l'égard du pouvoir exécutif. Mais si le pouvoir législatif existe, c'est qu'il a tout de même une autonomie. Vous êtes tous dépositaires d'une partie de la légitimité du suffrage universel, et donc rien ne vous oblige à accepter les non-choix faits aujourd'hui par ce gouvernement. La situation est intéressante car vous avez la possibilité de choisir et par suite d'assumer les conséquences des décisions votées cet été, à commencer, de façon conjoncturelle, par un train massif de privatisations. Certains parlent d'EDF, d'autres de la Caisse des dépôts – mais on a pu constater que ce grand organisme public pouvait avoir quelque utilité quand il s'agissait de tirer d'affaire celui qui est plus qu'un ami et presque un frère ! Tout cela est tout à fait temporaire. On sait bien que les privatisations sont une bouée qui ne se gonfle qu'une fois et qu'elle ne permet guère de surnager qu'une année, et encore même pas toujours. Ce n'est donc pas évidemment dans cette direction que je vous conseillerai, pour ma part, de vous orienter. Il vous est, en revanche, possible de faire un choix que le Gouvernement ne veut pas faire publiquement. Mais nous sommes en droit de vous le demander. Voulez-vous revenir sur des dispositions non financées, non gagées et qui lestent les finances publiques dans des conditions tout à fait insupportables, ou acceptez-vous, par anticipation, dès l'année prochaine – naturellement après les élections locales – de voter un plan de rigueur ? L'expression n'est pas de moi, mais de Mme Lagarde, cédant à un accès de franchise aussi rafraîchissante, reconnaissons-le, que brève. Si vous acceptez de maintenir les mesures votées cet été, alors vous devrez voter le plan de rigueur l'année prochaine après les élections locales et vous en serez comptables, évidemment devant l'ensemble des Français, mais peut-être d'abord et avant tout devant celles et ceux qui vous ont fait confiance et qui, probablement, n'attendaient pas ce type de décision de votre part.
Vous devez faire un deuxième choix, puisque le Gouvernement s'y refuse : il est naturellement impensable que ce pays ne connaisse pas d'orientation économique bien définie. Faites-vous une politique de la demande ou de l'offre ? Débattons-en ensemble, puisque c'est dans cette enceinte que les choses finissent par se décider.
Si je vous demande d'adopter la question préalable, c'est parce que vous ne pourrez faire ces choix que si elle est votée. À supposer que je ne vous aie pas convaincus – ce que je regretterais naturellement –, je me permettrai de vous livrer un dernier argument qui, je l'espère, vous permettra peut-être de réfléchir un peu plus avant d'émettre votre vote.
Nous le savons tous, une commission ad hoc a été constituée pour réfléchir à un éventuel renforcement des pouvoirs du Parlement. Ses membres n'ont jamais siégé dans cet hémicycle, ou y ont siégé, mais n'y siégeront plus. (Sourires.) Ce sont, pour l'essentiel, des gens qui ne se sont jamais présentés devant les électeurs. Vous avez la possibilité de leur montrer que vous n'avez finalement pas besoin de gens qui n'ont aucune expérience de la vie publique, non pour prendre le pouvoir, mais tout simplement pour exercer celui qui est le vôtre. C'est à ce choix, mes chers collègues, que je vous engage.