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Intervention de Jérôme Cahuzac

Réunion du 16 octobre 2007 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2008 — Question préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Cahuzac :

Ainsi, les changements relatifs au crédit seraient suffisants pour alourdir la charge de l'État, mais n'affecteraient en rien la situation des entreprises ? Quelle conclusion en tirer, sinon que les discours des ministres n'ont pas été écrits par la même personne ? (Sourires.)

En réalité, et chacun le sait, il est impossible que la crise financière partie des États-Unis ne conduise pas, en France comme ailleurs, à un durcissement du crédit. Dans un tel contexte, les entreprises ne risquent guère d'investir suffisamment pour stimuler la croissance, d'autant qu'aucune disposition n'est prévue dans le projet de budget pour infléchir cette évolution.

Troisième élément, le commerce extérieur : les chiffres du ministère de l'économie et des finances sont tout à fait éclairants. Le commerce extérieur continuera de se dégrader l'année prochaine et ne contribuera donc pas au renforcement de la croissance. À cet égard, je me permets de vous signaler, mes chers collègues, que la situation s'est sensiblement aggravée ces derniers temps, alors que nos importations croissent six fois plus vite que nos exportations. Rien n'est fait, me semble-t-il, dans ce projet de budget pour empêcher une évolution que je considère néfaste pour l'économie de notre pays. C'est une des raisons supplémentaires pour laquelle je crois effectivement légitime de considérer ce budget comme un intermède quelque peu inconsistant et pâlichon. En dépit des efforts des ministres qui mettent beaucoup de coeur à l'ouvrage et ne cessent d'expliquer qu'il est décisif, personne sur ces bancs n'y croit. Certains le diront ici, d'autres le penseront ailleurs.

Mais la réalité est bien là, car la croissance économique ne sera pas au rendez-vous et le dire n'est pas faire preuve d'un quelconque pessimisme et encore moins manquer de patriotisme : c'est simplement jouer notre rôle de parlementaires consistant à étudier les chiffres que vous nous fournissez pour en déduire un certain nombre de principes difficilement contestables. Ce n'est pas faire preuve de pessimisme que d'affirmer que, non seulement ce projet de loi de finances n'engage aucune politique publique majeure nouvelle, mais que, de surcroît, il n'assume même pas celles qui ont été engagées, il y a quelques mois pour l'essentiel, voire ces dernières années.

Alors que faire ? Les motions de procédure ont au moins ceci de bon qu'elles permettent de poser un certain nombre de questions. Au fond, le principal reproche que nous puissions adresser aujourd'hui au Gouvernement, c'est de ne pas avoir saisi l'occasion de ce projet de budget pour faire les choix importants. De la même manière qu'en 2002, il semble qu'il n'ait pas tiré en 2007 les conséquences des textes adoptés dans l'été et dans l'urgence. C'est en tout cas l'impression que donne le Gouvernement à la représentation nationale. Ce projet de budget s'avère donc quelque peu inconsistant, car le propre d'un budget, c'est tout de même de faire des choix importants, non seulement pour l'année qui vient, mais, plus structurellement, pour toutes les années à venir. Ce projet de budget ne correspond pas à ce critère. Ces choix ne sont pas faits. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, là encore, avec une franchise qui, finalement, vous honore, vous indiquez ce que sera – peut-être devrais-je dire : ce que serait – la croissance de ce pays l'année prochaine. Vous nous annoncez une croissance à 2,25 %, donc quasiment identique à la croissance moyenne de la zone euro qui sera, l'année prochaine, de 2,3 %. Or, mes chers collègues, ces cinq dernières années, la croissance de notre pays a systématiquement été inférieure de 0,8 à un point de PIB à la moyenne de la zone euro. Je vous renvoie, mes chers collègues, aux annexes économiques et financières que l'on peut facilement se procurer au service de la distribution, grâce aux bons soins du ministère de l'économie et des finances. Au nom de quoi l'écart de croissance entre la moyenne de la zone euro et la nôtre serait soudain de 0,05 point l'année prochaine quand elle a été de plus ou moins un point ces cinq dernières années ? Pouvez-vous m'expliquer quelles mesures de ce budget, ou quelles mesures prises auparavant pourraient expliquer que nous réduisions tout d'un coup notre écart avec la moyenne de la zone euro ? Il n'y a pas d'explications, sauf à contester les chiffres du ministère de l'économie et des finances qui convient lui-même qu'il n'y aura pas de pouvoir d'achat supplémentaire, qu'il n'y aura pas d'investissement dans les entreprises et que le commerce extérieur continuera à se dégrader. Comment, dans ces conditions, allons-nous combler notre retard, d'autant que, on l'a vu, au-delà du durcissement des conditions du crédit et au-delà de la parité entre l'euro et le dollar, c'est bien évidemment le prix du baril qui finira par poser de très sérieuses difficultés à notre économie.

Le Gouvernement ne fait donc pas ces choix. Il ne fait pas davantage un choix souhaité par Didier Migaud. En effet, quelle politique économique menez-vous ? Est-ce une politique de la demande, une politique de l'offre ou les deux ? Il ne s'agit pas de porter un jugement sur les avantages ou les inconvénients de l'une et de l'autre. Ces deux politiques ont leurs avantages et inconvénients respectifs. Chacune peut apporter un plus à notre pays. La seule chose qui n'apporte rien, c'est de ne pas choisir ! Or, dans ce budget, vous ne choisissez pas : pas de pouvoir d'achat, pas d'investissement !

Vous avez la majorité, chers collègues, c'est-à-dire que vous avez le pouvoir de faire ou de défaire la loi.

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