Je réponds d'abord à la question de Mme Quéré concernant le droit de plantation pour la vigne. Je disais tout à l'heure que, lorsque je suis arrivé, il y a deux ans, au Gouvernement, nous avons reçu la proposition de la Commission sur l'OCM vitivinicole, proposition qui était incroyablement libérale, avec des mesures de dérégulation, d'arrachage général, de suppression des droits de plantation. J'avais dit à cette époque – je crois d'ailleurs que c'était l'une de mes toutes premières déclarations, à l'occasion de mon premier Conseil des ministres à Bruxelles – que cette proposition était insensée.
Nous sommes finalement parvenus, madame Quéré, à force de conviction, et en constituant des majorités qualifiées pour faire bouger la Commission, à un vote quasiment unanime sur la proposition finale.
Je pense que l'existence durable des droits de plantation est, s'agissant du vin, un élément essentiel de régulation, au même titre que d'autres outils de régulation dans d'autres domaines comme le lait ou le porc.
Au moment des discussions autour de l'OCM vitivinicole, la Commission proposait, je le rappelle, de supprimer totalement, à partir de 2013, le régime des droits de plantation. Je m'y suis vigoureusement opposé. Dans le compromis final, nous avons finalement obtenu le report à 2015 de la date prévue pour la suppression de ce régime, la possibilité pour les États membres qui le souhaiteraient de le maintenir au niveau national jusqu'en 2018, ainsi qu'une clause de rendez-vous. Il est en effet très important, dans les négociations européennes, de fixer des clauses de rendez-vous. Je disais tout à l'heure à ceux qui se préoccupent, comme moi, de la production laitière que les deux rendez-vous de 2010 et 2012 sont très importants. Je ne dis pas que, dans ces rendez-vous, l'on puisse tout démolir, revenir en arrière sur tout, mais au moins tout le monde se trouve-t-il réuni autour de la table, si bien que l'on peut obtenir des réorientations. Il y a donc une clause de rendez-vous communautaire en 2012, ce qui permettra d'examiner si le scénario de démantèlement de ce régime en 2015 est pertinent ou non.
Je pense que ce que nous avons obtenu est raisonnable, pour la production de cognac comme pour d'autres, et que nous avons là une architecture qui nous permet de travailler pour les années qui sont devant nous.
Monsieur Plisson, je veux vous rappeler, s'agissant du bio, que nous avons obtenu une mesure de maintien dans le premier pilier. C'était une demande très forte que celle de la reconnaissance de la place du bio dans le pilier économique. La modulation va permettre d'amplifier les moyens consacrés à la conversion. Nous avons fait le choix de conserver un taux de cofinancement communautaire à 55 %, pour mobiliser davantage de contreparties nationales. Et ces moyens vont nous permettre d'accompagner la montée en puissance de l'agriculture biologique.
Pour moi, c'est une priorité. Je n'ai d'ailleurs pas attendu d'être interpellé sur ce sujet pour proposer un plan de développement du bio à l'horizon de 2012, avec les moyens que j'ai évoqués tout à l'heure. Je me permets de les rappeler : s'agissant de la conversion, trois fois 12 millions supplémentaires ; un appel au fonds de structuration ; 120 millions supplémentaires dans le cadre du bilan de santé de la politique communautaire.
Monsieur Plisson, je travaille, donnez-m'en acte, pour une agriculture économiquement productive –je ne dis pas : productiviste – et écologiquement responsable. Ce défi est inscrit dans la stratégie du plan « Terre 2020 », la place du bio devant être triplée.
Je réponds enfin à M. Fruteau sur les DOM, et plus généralement, puisque nous parlons de politiques européennes, sur les régions ultra-périphériques, auxquelles je suis très attaché. Je rappelle d'ailleurs à l'Assemblée nationale que seuls trois pays sur vingt-sept ont des régions ultra-périphériques : le Portugal, l'Espagne et la France. Et trois sur vingt-sept, c'est beaucoup moins que trois sur quinze ! Le débat sur les prochaines perspectives financières sera donc très difficile. Raison de plus pour que les élus, nationaux et européens, issus de ces régions ultra-périphériques parlent d'une seule voix et se battent ensemble. Et là où je serai, je serai à vos côtés, comme je l'ai été, vous pouvez d'ailleurs le reconnaître, monsieur Fruteau, lorsque j'ai suivi ces questions en tant que commissaire européen chargé des politiques régionales.
Ces régions font partie intégrante de l'Union européenne, avec les droits et obligations qui en découlent, mais aussi, comme cela est prévu dans le traité, avec une spécificité dans l'application des politiques communautaires. C'est ainsi que les DOM bénéficient d'un certain nombre de mesures spécifiques, déclinées dans des programmes qui leur garantissent des soutiens pour développer leur agriculture locale, je pense notamment à POSEIDON.
Dans le domaine agricole, nous avons bien entendu les préoccupations exprimées récemment dans votre région, mais aussi aux Antilles. Nous voulons porter cette nécessité de prendre à bras-le-corps la question de la protection des terres agricoles, ce qui suppose notamment de densifier les zones urbaines et d'enrayer le mitage de ces terres agricoles.
Il y a d'autres demandes que nous voulons accompagner, qui sont justes, et qui expliquent en partie l'explosion sociale de ces dernières semaines. S'agissant des prix imposés aux consommateurs, il faut rappeler que les produits consommés dans les DOM sont pour l'essentiel des produits importés. Je pense comme vous, monsieur Fruteau, que nous devons réduire la dépendance alimentaire de nos régions ultra-périphériques, et que c'est possible : votre département l'a prouvé. J'ai été très frappé, en effet, de ce qui s'est passé à La Réunion : de mémoire, en matière de consommation de viande de porc, de poulet et de boeuf, vous en étiez, il y a quelque temps, à 70 % de produits importés. J'ai visité le pôle viande de La Réunion, subventionné par la région, le département, l'État et des crédits européens. Vous avez quasiment renversé la proportion, puisque les produits locaux représentent maintenant 65 % des produits consommés. Vous avez même à présent la capacité d'exporter à votre tour, notamment vers Madagascar.
Je veux que l'on fasse cela partout, y compris en tenant compte des productions traditionnelles, comme les fruits et légumes tropicaux, qui ont des qualités nutritives, voire thérapeutiques, particulières. J'ai d'ailleurs organisé avec le professeur Joseph une conférence, à la direction générale de l'alimentation, sur le soutien à apporter au développement de la pharmacopée tropicale et des produits issus des productions traditionnelles.
En tout cas, soyez assuré, monsieur Fruteau, que je continuerai, dans l'exercice de mes fonctions comme plus tard, à soutenir ces efforts qui vont dans le sens, non pas de l'autonomie, encore moins de l'autarcie, mais d'une plus grande souveraineté alimentaire des régions ultrapériphériques.
(Mme Danièle Hoffman-Rispal remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)