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Intervention de Michel Barnier

Réunion du 26 mars 2009 à 15h00
Bilan de santé de la politique agricole commune — Débat d'initiative parlementaire

Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche :

Nous nous donnons quatre objectifs : l'emploi, le développement durable, l'élevage à l'herbe et la gestion des risques.

Nous voulons d'abord consolider l'emploi agricole, et ce sur l'ensemble du territoire – nos agricultures sont en effet riches de productions très diverses. C'est pour cette raison que nous n'avons pas fait le choix d'un système d'aide unique à l'hectare. Certains plaidaient en ce sens ; j'ai étudié objectivement cette proposition : c'était l'idée de la convergence ou de la régionalisation. J'ajoute, pour l'information de chacun, que plus de la moitié des États membres de l'Union pratiquent aujourd'hui ce système : c'est le cas des douze pays entrés dans l'Union depuis 2004, de l'Allemagne ou encore du Danemark. Mais un tel schéma aurait fragilisé certaines filières, et détruit des emplois en favorisant la concentration des exploitations ; il aurait rendu plus difficile l'installation des jeunes, que je veux au contraire faciliter.

Pour aider l'emploi sur tous les territoires, nous avons décidé de soutenir la production ovine et caprine, le lait en montagne ainsi que des productions spécifiques à certains territoires ou encore soumises à des distorsions de concurrence – je pense aux légumes de plein champ qui entrent dans les rotations sur les exploitations de grandes cultures. Mais nous allons conditionner ce soutien à une structuration des filières, afin d'en faire un levier de performance pour l'avenir.

Au titre de l'emploi encore, nous allons revaloriser l'indemnité compensatoire de handicaps naturels sur les vingt-cinq premiers hectares. Nous avons enfin fait le choix de privilégier les entreprises qui ont su se diversifier et créer de la valeur. Ainsi les aides seront-elles renforcées sur les cinquante premiers hectares et les prélèvements atténués pour les exploitations mixtes comprenant des céréales et des productions animales.

Deuxième objectif : instaurer un nouveau mode de soutien pour l'élevage à l'herbe. Il s'agit d'une orientation forte, définie par le Président de la République. Les surfaces herbagères, qui couvrent plus de 45 % de notre territoire, sont un atout pour notre pays. Le soutien que nous créons au sein du premier pilier répond à une logique économique. Nous multiplions quasiment par quatre le soutien aux surfaces en herbe. Ainsi, 700 millions d'euros dans le premier pilier viendront s'ajouter à la prime herbagère agro-environnementale – la PHAE –, que nous conservons dans le second pilier. Au total, ce sont près d'1 milliard d'euros que nous consacrerons à l'herbe en 2010 et au-delà. Dans le même temps, nous découplons les aides animales, y compris la PMTVA, à hauteur de 25 %. Chacun le voit bien, cette décision engage dans la durée une prise en compte économique de ce mode de production herbager. C'est une orientation lourde, qui comble ce que certains avaient appelé le « trou de l'herbe ».

Troisième objectif : accompagner un mode de développement durable de l'agriculture. C'est la traduction de notre engagement volontariste dans le Grenelle de l'environnement, que les agriculteurs et le ministre de l'agriculture n'ont pas subi. En effet, que ce soit dans le domaine des phytosanitaires dans ceux de l'agronomie, de l'eau, des sols, du « bio », de la certification ou de la valorisation énergétique, nous avons pris des initiatives, que vous retrouverez dans le plan Terre 2000 que je viens d'évoquer.

Nous encouragerons, au titre de cette politique, la production de protéines végétales et l'agriculture biologique ; nous y consacrerons plus de 100 millions d'euros. Nous accompagnerons également l'agriculture pour qu'elle relève les nouveaux défis que sont la gestion de l'eau, la performance énergétique et la biodiversité.

Quatrième objectif : instaurer des outils de couverture des risques climatiques et sanitaires. Depuis deux ans que j'ai l'honneur d'être ministre de l'agriculture et de la pêche, j'ai pu constater que, chaque semaine, nous affrontons des crises, derrière lesquelles il y a des hommes et des femmes qui souffrent. Or les exploitations agricoles sont les plus vulnérables et les moins bien protégées. Ainsi que l'ont souhaité le Président de la République et le Premier ministre, le bilan de santé nous permettra de financer dans la PAC les premiers outils de couverture des risques climatiques et sanitaires, en mobilisant 140 millions d'euros. Nous ouvrons ainsi la voie à la création, en 2013, de dispositifs plus larges prenant en compte les risques économiques. C'est d'ailleurs pour anticiper cette échéance que le Président de la République m'a demandé, ainsi qu'au ministre de l'économie, d'engager, dès 2010, une expérimentation élargie des assurances contre les aléas économiques.

Pour atteindre ces objectifs, nous mobiliserons plusieurs outils du bilan de santé de la PAC, de manière juste et efficace. Nous allons ainsi prélever, à partir de 2010 – et je parle bien des aides qui seront versées le 1er décembre 2010 –, 8 % sur toutes les aides, dont 3 % au titre de la modulation, 14 % sur les aides grandes cultures et 12 % sur les aides animales, que nous allons découpler en 2010, essentiellement pour financer le soutien à l'herbe.

Cette politique de l'herbe, qui représente 50 % de la réorientation, est financée de façon équilibrée par les exploitations céréalières et les éleveurs. Au total, moins de la moitié des 700 millions d'euros seront payés par les exploitations céréalières spécialisées, le reste étant financé par des exploitations mixtes ou des éleveurs de viande bovine ou laitiers spécialisés. Je précise que, derrière ces prélèvements, dont je sais qu'ils représentent des efforts pour certains, il y a des retours pour beaucoup d'exploitations, y compris celles de grandes cultures – je pense notamment au plan protéines, aux légumes de plein champ et au système d'assurance.

Ces décisions dessinent une PAC plus solidaire, comprenant des aides mieux équilibrées. Elles conduisent à une convergence de leurs taux et de leurs niveaux : à partir de 2010, plus d'une exploitation sur deux aura un montant moyen d'aides compris entre 200 et 350 euros par hectare. Cette réduction des écarts était indispensable. Nous franchissons une première étape, tout en gardant des soutiens différenciés pour répondre à la diversité de nos agricultures. Nous contribuons ainsi à construire une politique agricole plus légitime pour le monde agricole lui-même et pour la société tout entière.

J'entends bien les questions des agriculteurs ; je ne sous-estime pas l'impact des décisions sur certaines exploitations. Mais nous travaillons – et j'aurai l'occasion de le confirmer en répondant à vos questions – à l'élaboration de mesures d'accompagnement d'un certain nombre de ces exploitations, notamment dans les zones intermédiaires.

Ces mesures ne relèvent pas d'un « plan Barnier », comme je l'entends dire : elles ont été prises, en accord avec le Président de la République, par le Gouvernement. Celui-ci est déterminé, mais il n'est pas rigide s'agissant de leur mise en oeuvre.

Ces décisions préparent également l'avenir. Elles nous engagent sur la voie d'une sortie progressive des références historiques. Elles préfigurent de nouveaux modes de soutien pour notre agriculture qu'il s'agisse des productions animales ou de la couverture des risques. Elles prennent en compte la diversité de nos agricultures. Elles lient l'attribution des soutiens à une contractualisation des débouchés, à des démarches de qualité ou encore à l'amélioration des performances techniques.

Une telle réorientation participe à une meilleure légitimation de la PAC, en rééquilibrant les aides au regard des revenus et en augmentant le soutien aux systèmes de production durables.

Nous préparons les orientations françaises de la PAC de 2013. Nous avons déjà franchi une étape, mais nous devons être vigilants dans la préparation des suivantes. Les délais ne sont pas très longs : 2010, c'est demain. Après les élections européennes et le renouvellement de la Commission, nous n'aurons pas longtemps à attendre avant que soient présentées les orientations budgétaires pour la période 2013-2020.

C'est pourquoi le Président de la République a eu raison de nous demander de préparer un projet de loi de modernisation de l'agriculture et de réfléchir dès maintenant à ce que nous souhaitons et à ce que nous voulons dire à nos partenaires européens au sujet du projet agricole européen pour cette période. Encore une fois, les délais étant très brefs, mieux vaut que nous ayons les idées claires dès le mois de janvier, car c'est à ce moment-là que nous devrons convaincre nos partenaires.

Parmi les propositions qui figureront dans ce projet de loi d'orientation agricole, figurera, tout d'abord, la préférence communautaire, qui n'est pas un gros mot. Nous n'avons pas à nous excuser de préférer l'Europe : les Américains ne s'excusent pas de préférer l'Amérique !

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