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Intervention de Michel Barnier

Réunion du 26 mars 2009 à 15h00
Bilan de santé de la politique agricole commune — Débat d'initiative parlementaire

Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche :

Mesdames, messieurs les députés, je suis très heureux de m'exprimer aujourd'hui devant vous sur le bilan de santé de la politique agricole commune, dans le cadre des nouveaux pouvoirs attribués au Parlement par la Constitution : j'apprécie la culture du contrôle, de l'évaluation.

L'évolution de la politique agricole commune est un sujet important : c'est la première politique économique européenne. Je traiterai de l'évolution de cette politique dans le cadre de la métropole, mais je n'oublierai pas d'autres agricultures spécifiques, celles de nos départements d'outre-mer : j'y suis très attaché, car je suis le ministre des agricultures de France.

Au nom du Gouvernement, j'ai annoncé le 23 février dernier plusieurs décisions sur la révision de la PAC en 2010. Le sens de ces décisions n'est pas de prendre aux uns pour donner aux autres ! Elles donnent non seulement un cap à la PAC jusqu'en 2013, mais aussi des arguments à ceux qui la défendront, ici et ailleurs, pour qu'elle puisse durer au-delà de 2013.

Cette discussion était fixée dans l'agenda européen : c'est une sorte de rendez-vous à mi-parcours de la période 2007-2013. Nous n'avons pas voulu l'aborder en position défensive : le Président de la République nous a demandé d'anticiper ; c'est ce que nous avons fait en obtenant, le 20 novembre, lorsque j'ai eu l'honneur de présider le conseil des ministres européens, un accord à la quasi-unanimité sur le bilan de santé de la politique agricole commune. Il s'agit du premier accord à vingt-sept sur l'agriculture.

Comme le souhaitait le Président de la République, nous avons également ouvert une discussion – tôt, mais pas trop tôt – sur l'avenir de la politique agricole commune. J'ai alors pu vérifier que vingt-trois de nos partenaires s'accordaient sur la nécessité de préserver une politique agricole commune ambitieuse au-delà de 2013.

Je voudrais rappeler le point de départ de ces discussions. Nous nous sentions très éloignés des propositions faites par la Commission européenne en novembre 2007 : démantèlement des mécanismes d'intervention, découplage total des aides et, au fond, transformation progressive de la politique agricole commune en une simple politique de développement rural. Nous voulons au contraire, pour notre part, préserver une politique économique agricole.

L'accord finalement obtenu le 20 novembre est assez différent de cette première esquisse. Nous avons préservé les fondamentaux de la PAC – je pense à la régulation sur les marchés et aux mécanismes d'intervention pour les céréales et les produits laitiers. On mesure d'ailleurs toute leur utilité dans la dépression actuelle du marché laitier, puisque la Commission européenne utilise ces outils d'intervention pour la poudre de lait et le beurre.

Avec l'appui de l'Allemagne, nous avons prévu deux nouveaux rendez-vous de pilotage politique de la production laitière, au cours desquels toutes les questions pourront être posées. Je le disais avant-hier lors des questions au Gouvernement : pour ma part, je ne me résous pas à voir disparaître les quotas laitiers à l'horizon 2014, et je ne considère pas cette question comme taboue.

Cet accord prépare également l'avenir en ouvrant des voies nouvelles : il met en place des outils de couverture des risques climatiques et sanitaires et dégage des marges pour faire évoluer les aides.

En un mot, nous avons conservé ce qui fait une politique commune en Europe : une gouvernance et des outils de régulation. C'était essentiel dans la perspective de 2013, dont chacun connaît les enjeux, les risques et les difficultés. Nous aurons à en reparler. Mais je veux d'ores et déjà vous dire qu'à partir de 2010, le débat budgétaire et politique pour l'Europe sera extrêmement difficile, notamment en ce qui concerne la politique agricole commune.

Par cette réforme, j'ai voulu que nous nous donnions toutes les chances de préserver cette grande politique agricole en lui donnant de la légitimité, d'abord dans le monde agricole, dans toute la société ensuite.

Pouvions-nous encore défendre la politique de 1992, avec ses références historiques, ses sédimentations successives, ses écarts d'aides dans notre propre pays ? Je rappelle que ces aides s'échelonnent, suivant les exploitations, de cinquante à cinq cents euros par hectare !

Nous sommes le pays dans lequel les décisions, quel que soit le gouvernement qui les ait prises, ont consisté à préserver les acquis. Aujourd'hui, il aurait sans doute été plus facile, pour le ministre qui s'exprime devant vous, de ne rien faire. Mais c'eût été irresponsable. Pour reprendre un mot d'une personnalité politique pour laquelle j'ai toujours eu de l'admiration, Pierre Mendès France, je pense que notre devoir est de ne pas sacrifier l'avenir au présent.

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