En abaissant le seuil de déclenchement du « bouclier fiscal », que vous me permettrez de dénommer plus justement « bouclier antifiscal », tout en intégrant au dispositif deux prélèvements aujourd'hui non pris en compte, la réforme que vous nous proposez s'apparente, nous l'avons dit, à une pure et simple exonération d'ISF pour les plus fortunés de nos concitoyens.
J'en ferai rapidement la démonstration, en me fondant sur les simulations très pertinentes qu'a effectuée le Syndicat national unifié des impôts.
Prenons tout d'abord le cas d'un célibataire salarié déclarant 500 000 euros et payant 10 000 euros de taxe d'habitation et de taxe foncière sur sa résidence principale.
Si notre célibataire dispose d'un patrimoine net imposable de 10 millions d'euros, le montant de la restitution que vous proposez aujourd'hui de lui accorder s'élèvera à environ 108 000 euros, soit quasiment le montant de son ISF de 116 000 euros.
S'il dispose d'un patrimoine de 20 millions d'euros, le montant de la restitution sera de 280 000 euros, soit, là encore, un chiffre assez proche de son ISF qui s'élève à 288 000 euros.
Pour un patrimoine de 40 millions, la restitution sera de 640 000 euros – excusez, là encore, du peu –, soit un montant équivalent, à peu de choses près, à celui de l'ISF : 648 000 euros.
Cette concordance des chiffres n'est pas le fruit du hasard. La ficelle que vous avez employée est d'ailleurs un peu grosse.
Le fait n'a du reste pas échappé à notre commission des finances qui, sans proposer, comme nous, la suppression pure et simple de votre article, s'est légitimement émue d'une mesure qui, pour reprendre les propos de notre collègue Charles de Courson, revient ipso facto « à supprimer l'impôt de solidarité sur la fortune pour les riches ».
On comprend le coup de sang du président du groupe UMP. Il sait qu'il n'est pas bon, en effet, que les masques tombent et que les Français découvrent le pot aux roses.
Car c'est bien de cela qu'il s'agit : leurrer les Français en déguisant une réforme profondément injuste et uniquement destinée à garnir plus encore le portefeuille des plus riches en l'habillant de pseudo-motifs d'intérêt général, qui ne peuvent évidemment résister à l'examen.
Je vous rappelle que le coût de ce bouclier fiscal représente la réalisation de 100 maisons de retraite – on pourrait multiplier les comparaisons.
Avant-hier, j'ai dit que vous commettiez une double erreur : celle de penser que ce sont les riches qui créent les richesses et celle de penser qu'ils contribuent à un juste partage de ces richesses.
Je veux aujourd'hui, face à cette croyance que la richesse est le moteur de la croissance et de l'économie, faire une citation : « Nous connaissons aujourd'hui un capitalisme sans projet qui ne fait rien d'utile de ses milliards. L'argent coule à flots et alimente plutôt la voracité des investisseurs dans une course aux rendements financiers à court terme. » Ces propos sont de M. Patrick Artus, professeur d'économie à la Sorbonne.
Lorsqu'on sait que, en quatre ans, les profits des entreprises du CAC 40 ont augmenté de 250 %, les dividendes de plus de 100 % et les salaires des employés de seulement 6,6 %, on voit où se trouve le parasitisme : du côté de ce monde cynique de la finance que vous êtes en train de favoriser. Voilà pourquoi il est urgent de supprimer cet article. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)