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Intervention de Nicolas Sarkozy

Réunion du 22 juin 2009 à 15h00
Déclaration de m. le président de la république

Nicolas Sarkozy, Président de la République :

Je veux le dire solennellement : la burka ne sera pas la bienvenue sur le territoire de la République française. Nous ne pouvons pas accepter dans notre pays des femmes prisonnières derrière un grillage, coupées de toute vie sociale, privées de toute identité. Ce n'est pas l'idée que la République française se fait de la dignité de la femme. (Applaudissements.) Le Parlement a souhaité se saisir de cette question. C'est la meilleure façon de procéder. Il faut qu'il y ait un débat et que tous les points de vue s'expriment. Où ailleurs qu'au Parlement pourraient-ils mieux le faire ? Mais je vous le dis, nous ne devons pas avoir honte de nos valeurs. Nous ne devons pas avoir peur de les défendre.

Où en sommes-nous avec la liberté ? Qu'en avons-nous fait ?

La liberté, ce n'est pas le droit pour chacun de faire ce qu'il veut. Être libre, ce n'est pas vivre sans contrainte et sans règle. Quand il n'y a pas de règles, quand tous les coups sont permis, ce n'est pas la liberté qui triomphe, c'est la loi de la jungle, la loi du plus fort ou celle du plus malin.

C'est le débat que nous avons sur l'école : rendre service à nos enfants, c'est leur enseigner qu'il n'y a pas de liberté sans règle.

C'est le débat que nous avons sur l'économie, sur la finance, sur le capitalisme. Nous voyons bien que le capitalisme devient fou quand il n'y a plus de règles.

C'est le débat aussi que nous avons sur le droit d'auteur. Car enfin, comment pourrait-il y avoir dans notre société de zones de non-droit ? Comment peut-on réclamer en même temps que l'économie soit régulée et qu'Internet ne le soit pas ? Comment peut-on accepter que les règles qui s'imposent à toute la société ne s'imposent pas sur Internet ? En défendant le droit d'auteur, je ne défends pas seulement la création artistique, je défends aussi l'idée que je me fais d'une société de liberté, où la liberté de chacun est fondée sur le respect du droit des autres. C'est aussi l'avenir de notre culture que je défends. C'est l'avenir de la création. Voilà pourquoi j'irai jusqu'au bout. (Applaudissements.)

Le débat sur la liberté, c'est aussi le débat sur la sécurité et sur les prisons. Quelle est la liberté de celui qui a peur de sortir de chez lui ? Quelle est la liberté pour les victimes si leurs agresseurs ne sont pas punis ? Comment peut-on parler de justice quand 82 000 peines ne sont pas exécutées parce qu'il n'y a pas assez de places dans les prisons ?

Comment accepter à l'inverse que la situation dans nos prisons soit aussi contraire à nos valeurs de respect de la personne humaine ? La détention est une épreuve dure, elle ne doit pas être dégradante. Comment espérer réinsérer dans la société ceux qu'on aura privés pendant des années de toute dignité ?

L'état de nos prisons, nous le savons tous, est une honte pour notre République, quel que soit, par ailleurs, le dévouement du personnel pénitentiaire. (Applaudissements.) Nous construirons donc d'autres prisons, nous construirons des places dans les hôpitaux pour les détenus souffrant de troubles psychiatriques. C'est une nécessité pour la liberté de tous. C'est une nécessité morale. Ce sera un impératif du prochain Gouvernement.

Mesdames et messieurs les députés, mesdames et messieurs les sénateurs, comment pouvons-nous espérer redonner à notre modèle social toutes ses chances de réussite si nous ne sommes pas au rendez-vous des décisions difficiles ?

Ces décisions, nous les connaissons tous : le lycée, l'université, la formation professionnelle, les retraites, la dépendance, les services publics, l'organisation de nos structures territoriales et, bien sûr, les déficits.

Beaucoup a été fait depuis deux ans : le RSA, l'autonomie des universités, la réforme des régimes spéciaux, le service minimum, la carte judiciaire, la réforme hospitalière, la restructuration de notre appareil militaire, la réduction des effectifs de la fonction publique, la fusion de l'ANPE et de l'UNEDIC, la fusion des impôts et de la comptabilité publique, la réforme de la représentativité syndicale.

C'étaient des décisions difficiles à prendre. Nous les avons prises. Je ne critique personne de ne pas les avoir prises auparavant. Je me pose simplement la question de savoir pourquoi, oui, pourquoi il est si difficile de réformer notre pays.

Pourquoi est-il si difficile de résoudre les problèmes structurels que, par ailleurs, chacun d'entre nous connaît parfaitement ?

La fusion de l'ANPE et de l'UNEDIC attendait depuis vingt ans, celle de la comptabilité publique et des impôts depuis dix ans. Quant au Livre Blanc sur les retraites de Michel Rocard, qui fait autorité, il a aujourd'hui dix-huit ans.

Comment se fait-il que, malgré les efforts de tous – je ne fais pas de ce point de vue de différence entre la droite et la gauche car ce serait trop réducteur –, comment se fait-il que l'on ait obtenu si peu de résultats structurels en matière de chômage ? Comment se fait-il qu'il y ait autant d'exclus ? Comment se fait-il que le malaise des jeunes soit si persistant ? Comment se fait-il que le malaise des classes moyennes soit si grand ? Comment se fait-il que nous ne soyons pas arrivés depuis vingt ans à mieux nous préparer au vieillissement de la population, qui n'est quand même pas une nouvelle que nous avons apprise il y a quelques semaines ?

Comment se fait-il que nous ayons autant tardé à entreprendre la révolution verte du Grenelle de l'environnement, dont nous savions pourtant depuis longtemps qu'elle était absolument inéluctable ? Comment se fait-il que nous ayons autant de mal dans notre pays à préparer l'avenir ? Au fond, comment se fait-il que, tous ensemble, nous ayons pris autant de retard ?

Quand on regarde tout ce que la société civile a fait, quand on voit comment la société française s'est transformée, quand on voit la capacité d'innovation dont elle fait preuve, quand on voit ce que le courage, l'énergie, l'intelligence des Français sont capables d'accomplir, on se dit que si l'État avait joué son rôle de force d'entraînement, de force de progrès, comme il l'a fait si souvent dans notre histoire, s'il avait été davantage du côté des entrepreneurs, des créateurs, des inventeurs, la France aurait résolu beaucoup de ses problèmes et les Français regarderaient de nouveau l'avenir avec confiance.

La France, en vérité, a fait dans la durée un double mauvais choix. Nous aurions dû faire beaucoup d'économies de gestion : nous ne l'avons pas fait. Nous aurions dû concentrer beaucoup de moyens sur les dépenses d'avenir : nous ne l'avons pas fait.

Je ne mets pas en cause telle ou telle famille politique, tel ou tel gouvernement : c'est une responsabilité incontestablement partagée.

J'y ai beaucoup réfléchi. Je crois que, la crise aidant, le moment est venu de remettre en cause les principes d'une politique qui nous a enfermés dans des contradictions de moins en moins soutenables. Je ne fuirai pas mes responsabilités devant la grave question des déficits de nos finances publiques, mais je ne ferai pas la politique de la rigueur, parce que la politique de la rigueur a toujours échoué. Je n'augmenterai pas les impôts, parce que l'augmentation des impôts retarderait longtemps la sortie de crise et parce qu'en augmentant les impôts quand on est au niveau de prélèvements où nous nous trouvons, on ne réduit pas les déficits, on les augmente. (Applaudissements.)

Je ne sacrifierai pas l'investissement, parce que sans investissement il n'y a plus d'avenir et que la politique du rationnement aveugle de la dépense est une politique qui conduit à ne pas choisir et qui, au bout du compte, ne permet pas de maîtriser la dépense. Cette politique a trop souvent conduit à couper dans les bonnes dépenses tout en laissant parallèlement filer les mauvaises.

Chaque fois que l'on a fait la politique de la rigueur, on s'est retrouvé à la sortie avec moins de croissance, plus d'impôts, plus de déficits et plus de dépenses.

Oui, nous avons un problème de finances publiques. Oui, nous avons un problème de déficits. Mais nous ne le résoudrons pas de cette manière. Nous devons, me semble-t-il, changer radicalement notre façon de poser le problème.

Il y a le mauvais déficit : c'est celui qui finance les mauvaises dépenses, les gaspillages, l'excès de bureaucratie, les frais de fonctionnement trop élevés. Ce déficit structurel doit être ramené à zéro par des réformes courageuses que nous mettrons en priorité du calendrier d'action du prochain Gouvernement. (Applaudissements.)

Il y a un deuxième déficit : le déficit qui est imputable à la crise, à la diminution des recettes, à l'augmentation des dépenses sociales. C'est un amortisseur social. Il a bien fonctionné. Il a permis à la France de limiter les effets de la crise. Après celle-ci, il faudra résorber ce déficit imputable à la crise en y consacrant l'intégralité des recettes de la croissance.

Il y a enfin le déficit qui finance les dépenses d'avenir. Il n'est pas anormal de financer l'investissement par l'emprunt. Ce peut être un bon déficit, à la condition expresse qu'il permette de financer de bons investissements.

La question centrale est donc celle de la qualité de la dépense publique. La logique de la rigueur l'occulte parce qu'elle conduit à ne plus s'interroger que sur les conséquences budgétaires à court terme des décisions que l'on prend. Mais quand on ne met pas de moyens suffisants dans la lutte contre l'exclusion, quand on ne veut pas investir dans les internats d'excellence, quand on ne veut pas investir dans les écoles de la deuxième chance, quand on n'a rien à proposer aux jeunes entre seize et dix-huit ans qui sortent de l'école sans diplôme, sans formation, sans perspectives, quand on perd la trace des enfants en difficulté, qui se trouvent de facto exclus du système scolaire avant d'avoir achevé leur scolarité obligatoire, parce que l'on n'a pas de structures adaptées pour eux, on ne fait pas d'économies. On prépare une augmentation considérable des dépenses futures, parce que l'on paiera très cher le coût de cette désocialisation. (Applaudissements.)

Je proposerai donc aux partenaires sociaux de prendre des mesures massives en faveur de l'activité partielle, et d'étendre encore le contrat de transition professionnelle.

J'affirme que tout licencié économique – je dis bien : tout licencié économique – doit pouvoir garder son salaire et recevoir une formation pendant un an. Je dis qu'au lieu de se résigner à ce que la crise produise de l'exclusion, du désespoir, de la souffrance, il vaut mieux en profiter pour investir dans les hommes, dans leurs compétences, pour que demain ils travaillent mieux, qu'ils aient de meilleures perspectives de promotion. C'est l'intérêt de tous. C'est un investissement.

Je veux dire à ceux qui s'étonnent que l'on puisse s'endetter pour doter le Fonds stratégique français d'investissement que ce fonds nous aide à créer des emplois, à préserver des avancées technologiques et que, de surcroît, il rapportera de l'argent à l'État, parce que les actifs qu'il achète vont se valoriser. C'est un investissement.

Le choix de ne pas le faire, qui coûterait moins cher aujourd'hui, nous coûterait infiniment plus cher demain.

Je veux dire à ceux qui trouvaient que le Grenelle de l'environnement coûtait trop cher que c'est la dépense la plus rentable que l'on puisse imaginer. Elle va créer 600 000 emplois. Elle va donner à la France une avance considérable dans ce qui est appelé à être au coeur du nouveau modèle de la croissance mondiale. Nos finances publiques ne s'en porteront que mieux. C'est un investissement.

Quand je m'engage sur le projet du Grand Paris, sur la métropole de l'après-Kyoto, qui sera le laboratoire du Grenelle et une vitrine mondiale pour le savoir-faire et pour les technologies françaises, c'est un investissement.

Nous mobiliserons des moyens nouveaux pour la réindustrialisation des bassins d'emploi en difficulté. Je dis que cela vaut mieux que de subventionner l'inactivité en condamnant les chômeurs à l'assistanat. (Applaudissements.) La réindustrialisationest un investissement.

Je souhaite que l'on propose une solution à tous les adolescents qui sortent du système scolaire à seize ans sans rien. Je dis que cela nous fait dépenser davantage aujourd'hui, mais que cela nous permettra de dépenser beaucoup moins demain, parce que ces jeunes seront alors capables de trouver un emploi, de fonder une famille, d'élever leurs enfants, plutôt que de rester en marge de la société. C'est un investissement incontournable pour la société française.

Je souhaite que l'État prenne à sa charge, dans des internats d'excellence, les enfants de milieu modeste qui ont le goût de l'étude, pour leur fournir de bonnes conditions de vie et de travail. Je dis que c'est mieux pour nos finances publiques de valoriser toutes les intelligences, tous les talents plutôt que d'en laisser perdre une partie. Le gaspillage des intelligences et des talents, c'est le pire des gaspillages pour un pays. (Applaudissements.)

Je souhaite que soient créées les conditions d'une vie meilleure dans les lycées, parce que des lycéens heureux, responsables – responsabilisés –, considérés, feront de meilleurs élèves et donc de meilleurs citoyens. La réforme du lycée sera l'un des meilleurs investissements que l'on puisse faire pour l'avenir.

Je veux revaloriser l'apprentissage, la filière professionnelle, la filière technologique, la filière littéraire. Je veux que l'on mette les moyens nécessaires pour en faire des filières d'excellence, au même titre que la filière scientifique, avec des passerelles, avec des diplômes de haut niveau. J'affirme que c'est une bonne dépense et que ce qui nous coûte cher, c'est d'avoir trop tardé à le faire.

Il faut poursuivre dans la voie de l'autonomie des universités. Il faut investir dans les campus pour mettre nos universités à un niveau mondial. Il faut investir dans les logements pour les étudiants. Je veux que l'on mette les moyens pour que, dans notre pays, les jeunes puissent conquérir leur autonomie par leur travail, par leur mérite. Ainsi, nous pensons à la croissance de demain.

Au fond, nous sommes placés devant une alternative.

Ou bien on continue à prendre des décisions qui ont pour effet que le nombre de ceux qui sont à charge ne cesse de croître, et nous serons rapidement dans une impasse.

Ou bien nous changeons notre manière de voir les choses en nous efforçant de faire en sorte que ceux qui contribuent, d'une manière ou d'une autre, à la création de richesses soient de plus en plus nombreux. Alors nous pourrons d'autant mieux être solidaires avec les plus fragiles, et avoir la protection sociale et le système de santé que nous souhaitons.

Nous serons donc au rendez-vous des réformes, au rendez-vous de la réforme de l'État. Nous irons jusqu'au bout de la réforme de la carte administrative, parce que la proximité du service public ne saurait justifier la déperdition de nos moyens.

Nous ne reculerons pas sur la règle du non-remplacement d'un départ en retraite sur deux dans la fonction publique. Non pour des raisons idéologiques, mais parce que c'est une condition de l'efficacité de notre administration et de l'amélioration des conditions de vie et de carrière de nos fonctionnaires.

Nous irons plus loin dans la maîtrise des dépenses de santé, parce que j'ai parfaitement conscience de l'immensité des besoins financiers, et qu'à ce titre, nous n'avons pas le droit de laisser gaspiller un seul euro.

Nous irons jusqu'au bout de la réforme des collectivités locales. (Applaudissements.)

Nous ne nous déroberons pas devant la réduction du nombre des élus régionaux et départementaux. Nous ne nous déroberons pas devant le problème de la répartition des compétences. Nous ne nous déroberons pas devant l'effort qui sera demandé à toutes les collectivités. On ne peut pas exiger de l'État d'être seul face au défi gigantesque qui consiste à faire de l'économie française à nouveau une économie de production. Ce qui est en cause, c'est la même nation, c'est le même citoyen, c'est le même contribuable. L'effort doit être partagé.

Nous n'éluderons pas la question des niches sociales, qui font perdre à la sécurité sociale des recettes dont elle a tant besoin. (Applaudissements.)

Nous serons au rendez-vous de la réforme des retraites. 2010 sera un rendez-vous capital. Il faudra que tout soit mis sur la table : l'âge de la retraite, la durée de cotisation et, bien sûr, la pénibilité. Toutes les options seront examinées. Les partenaires sociaux feront des propositions. Je n'ai nullement l'intention de fermer le débat au moment même où je l'ouvre. Mais quand viendra le temps de la décision, à la mi-2010, que nul ne doute que le Gouvernement prendra ses responsabilités. C'est une question d'honneur, c'est une question de morale à l'endroit des générations qui vont nous suivre. (Applaudissements.)

Nous ne laisserons pas un euro d'argent public gaspillé. Je demande au Parlement de se mobiliser pour identifier tous les dispositifs inutiles, toutes les aides dont l'efficacité n'est pas démontrée, tous les organismes qui ne servent à rien. Prenez le temps d'en débattre avec le Gouvernement à la rentrée, afin que des décisions fortes puissent être prises avant la fin de cette année.

Mesdames et messieurs les députés, mesdames et messieurs les sénateurs, nous ne pouvons plus nous fixer des priorités et ne pas mettre les moyens financiers nécessaires pour les atteindre. C'est un problème de crédibilité de la parole publique.

Cette crise doit être pour nous l'opportunité de rattraper nos retards d'investissements, et même de prendre de l'avance. Il est beaucoup de domaines très importants pour notre avenir – aménagement du territoire, avenir de la ruralité, éducation, formation professionnelle, recherche, santé, innovation – qui vont demander des moyens considérables. Nous ne pourrons pas les satisfaire dans le strict cadre budgétaire annuel. Si nous ne changeons pas nos pratiques, nous continuerons alors à scander des priorités sans pouvoir les réaliser.

Mercredi, avec le Premier ministre, nous procéderons à un remaniement du Gouvernement. Son premier travail sera de réfléchir à nos priorités nationales et à la mise en place d'un emprunt pour les financer.

Ces priorités nationales, nous n'avons nullement l'intention de les fixer tout seuls. Ces priorités nationales, c'est-à-dire les secteurs qui vont préparer l'avenir de la France, elles concernent le pays tout entier. Le Parlement doit être associé à leur définition. Les partenaires sociaux y seront associés. Nous en parlerons avec eux dès le 1er juillet. Les responsables économiques, les acteurs du monde de la culture, de la recherche, de l'éducation seront également consultés.

Pendant trois mois, nous en discuterons tous ensemble. Quels sont les quelques secteurs stratégiques et prioritaires pour préparer l'avenir de la France une fois la crise refermée ?

Les décisions ne seront prises qu'au terme de ce débat. Ce à quoi j'appelle, c'est à une révolution de nos mentalités, à un changement radical dans notre rapport à l'avenir.

Quant à l'emprunt, son montant et ses modalités seront arrêtés une fois que nous aurons fixé ensemble les priorités. Nous le ferons soit auprès des Français, soit sur les marchés financiers, et je prendrai les dispositions nécessaires pour que cet emprunt soit affecté exclusivement à ces priorités stratégiques pour l'avenir. Je dis bien exclusivement, car j'entends, dans le même temps, porter le fer dans les dépenses de fonctionnement, dans celles qui s'avéreront inutiles ou non prioritaires. (Applaudissements.)

Notre avenir va se jouer sur l'investissement. Notre avenir va se jouer sur la place que nous allons donner à la production et au travail dans notre nouveau modèle de croissance.

Je veux bien sûr poser la question de la fiscalité : allons-nous continuer à taxer la production et à taxer le travail alors que nous savons bien qu'en faisant peser des charges fixes trop lourdes sur le travail et sur la production, nous détruisons nos emplois et nos industries ? Les délocalisations systématiques sont devenues insupportables aux Français. Notre fiscalité entièrement ciblée sur la production et sur le travail en est responsable.

Le but est-il donc que toutes nos usines s'en aillent ? Le but est-il qu'il n'y ait plus d'ouvriers dans notre pays ? Je ne veux pas m'y résigner, parce que ce serait absolument suicidaire. Ce serait gâcher nos meilleurs atouts. L'idée d'une France sans usines et sans ouvriers est une idée folle. C'est un choix stratégique que je vous propose. (Applaudissements.)

Et c'est au nom de ce choix stratégique en faveur du travail et de la production que la taxe professionnelle doit être supprimée. Cette réforme sera l'occasion de repenser notre système de fiscalité locale, qui en a bien besoin.

C'est avec la même détermination que je souhaite que nous allions le plus loin possible sur la taxe carbone. Plus nous taxerons la pollution et plus nous pourrons alléger les charges qui pèsent sur le travail. C'est un enjeu immense. C'est un enjeu écologique. C'est un enjeu pour l'emploi.

Enfin, comment revaloriser le travail si la valeur, si le profit ne sont pas équitablement partagés ? Comment espérer que le travail soit productif, que le travailleur se sente impliqué dans son travail, se sente responsable, concerné par la performance de son entreprise, s'il ne se sent pas récompensé pour ses efforts ? L'actionnaire doit être justement rémunéré, mais le travail doit être justement considéré. (Applaudissements.) C'est un débat que j'ai ouvert. Je le conduirai jusqu'au bout. Et là aussi, je prendrai mes responsabilités, parce que c'est un problème de justice.

C'est aussi un problème d'efficacité. Tout le monde a quelque chose à gagner dans un nouveau partage, plus équitable, plus valorisant, plus motivant. C'est aussi cela, le nouveau modèle de croissance. Il n'y aurait rien de pire, dans la situation actuelle, alors que dans le monde tout change, que de pécher par manque d'ambition, par manque d'audace, et finalement par manque d'imagination.

Je le dis à nos amis et à nos partenaires européens, la France change. Mais je leur dis également : l'Europe doit changer aussi. L'Europe ne pourra plus fonctionner après la crise comme elle fonctionnait avant. Ce n'est pas le moment de parler du projet européen de la France, mais l'Europe doit se donner les moyens de participer à la transformation du monde. Le changement de l'Europe et le changement de la France doivent aller de pair.

Vous l'avez compris, mesdames et messieurs les députés, mesdames et messieurs les sénateurs, ce que je vous propose, c'est le mouvement. Ayons le courage de changer.

Nous sommes un vieux pays, sur un vieux continent, avec une vieille civilisation. L'histoire nous a beaucoup appris. Retournons-nous un instant. C'est quand la France s'est convaincue que tout était possible qu'elle a été la plus grande. C'est quand la France a épousé l'avenir qu'elle a été la plus forte.

Mesdames et messieurs les députés, mesdames et messieurs les sénateurs, cet avenir, les Français nous ont confié la responsabilité de le construire ensemble. Eh bien, c'est ce que nous allons faire.

Vive la République, et vive la France ! (Applaudissements prolongés.)

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