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Intervention de Pierre Cardo

Réunion du 11 février 2009 à 15h00
Réforme de l'hôpital — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Cardo :

Dans le cadre de la préparation de ce texte, Mme la ministre de la santé a eu l'excellente idée de mener nombre de concertations avec les professionnels de santé, mais aussi avec de nombreux élus.

Pour ma part, c'est en tant qu'élu d'une zone urbaine sensible que j'ai été consulté et que je me permets aujourd'hui d'intervenir, afin de résumer certaines de nos préoccupations et, plus précisément, celles de nos administrés. Les populations dont je veux vous parler sont celles qui, le plus souvent contraintes et forcées, habitent le logement social. Ces populations disposent, pour la plupart, de ressources très inférieures à la moyenne, d'une éducation sanitaire souvent insuffisante et d'une autonomie nettement inférieure à celle des habitants de quartiers plus favorisés. Leurs problèmes de santé sont souvent aggravés en raison d'une prévention insuffisante, de problèmes de communication et d'expression, lesquels résultent de différences de culture ou d'une insuffisante maîtrise de la langue.

Les difficultés d'accès aux soins courants, les délais d'attente dans les cabinet médicaux ou l'absence, dans le quartier, de professionnels spécialisés, de médecins ou de nutritionnistes, ne font qu'aggraver l'absence de prise en charge, sans même parler des difficultés liées aux situations administratives des intéressés. Pour un habitant de banlieue, l'accès aux spécialistes est rendu plus difficile encore du fait de l'éloignement géographique et de l'insuffisance des transports en commun. Aller, par exemple, de Chanteloup-les-Vignes à Saint-Germain en transport en commun est une expédition ! Pour se rendre à la préfecture ou à l'hôpital de Versailles, il faut prendre le train jusqu'à la gare Saint-Lazare à Paris et, de là, attraper la correspondance pour Versailles : trajet qui demande entre une heure trente et deux heures, et autant pour le retour. C'est un frein pour les personnes autonomes, et un obstacle quasi insurmontable pour les familles issues de quartiers enclavés qui, de surcroît, maîtrisent mal la langue.

Même lorsque ces personnes accèdent aux spécialistes, il est à déplorer que nombre d'entre eux refusent la prise en charge de patients qui ne disposent que de la CMU ou rencontrent des difficultés avec la sécurité sociale. Ces problèmes sont encore renforcés par l'absence, dans nos quartiers, d'une permanence des soins, notamment pour les urgences de nuit et de week-end. Ainsi, des praticiens de villes voisines refusent les visites à domicile dans les quartiers sensibles, notamment la nuit, obligeant les patients à se déplacer vers des services hospitaliers d'urgence, souvent difficilement accessibles faute de transports en commun et évidemment d'autant plus débordés qu'un grand nombre de ces patients ne relèvent pas d'un service d'urgence. Je passe sur le coût que représentent les nombreux appels aux pompiers et aux services d'urgence liés à une méconnaissance de nos dispositifs et à une absence de moyens de transport individuels. Contrairement à ce que l'on peut penser, et malgré tout le travail d'éducation et de prévention, la situation ne semble pas s'améliorer puisque, récemment encore, les pompiers de ma commune me signalaient avoir dû se spécialiser dans l'accouchement d'urgence !

À tous ces problèmes s'en ajoutent d'autres, liés à la démographie médicale. Tout d'abord, on constate un manque de praticiens en banlieue. Selon une étude récente de l'association Ville et banlieue, nos quartiers ne comptent que 0,59 généraliste pour 1 000 habitants, contre 1,56 sur l'ensemble de la France. Pour les spécialistes, c'est pire : 0,47 en banlieue contre 1,62 dans le reste de l'Hexagone.

Ces ratios risquent de s'aggraver dans les années à venir, puisque 70 % des médecins de notre secteur partent en retraite dans les cinq prochaines années, et il est de plus en plus difficile de trouver des volontaires pour s'installer dans nos quartiers compte tenu du resserrement, il y a des années, du numerus clausus et du choix des jeunes médecins, lesquels préfèrent s'implanter dans des zones géographiques en apparence plus attractives. Cette désertification de nos quartiers réduit fortement la capacité des professionnels comme des services municipaux à mener une véritable politique de prévention ; il est à craindre que cela soit quasiment mission impossible à l'avenir.

En effet, dans le contexte que je viens de décrire, les professionnels installés sont confrontés à de multiples problèmes, liés à une suractivité qui ne permet pas une prise en charge complète du patient mais se limite, le plus souvent, à une réponse ponctuelle dans l'urgence. Comment s'étonner, dès lors, qu'un grand nombre des personnels médicaux ou paramédicaux installés dans nos quartiers – personnels qui, pour la plupart d'entre eux, ont la certitude d'accomplir une mission auprès de nos concitoyens souvent les moins favorisés – éprouvent aujourd'hui un sentiment d'impuissance et d'isolement, confrontés qu'ils sont à cette masse de pathologies économiques et sociales ?

Quand je vois la souffrance, tant des habitants de nos quartiers que de ces professionnels qui, courageusement et avec un dévouement sans faille, assurent avec tout leur coeur et toute leur énergie ce service de santé de première ligne, je me dis qu'il était temps qu'arrive un texte qui apporte un cadre peut-être plus exigeant, mais tout de même plus adapté aux réalités qu'une société comme la nôtre se doit de regarder en face.

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