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Intervention de Martine Billard

Réunion du 31 octobre 2008 à 15h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 — Article 55

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartine Billard :

Cet article introduit trois modifications du minimum contributif. Il en est deux que j'accepte, mais j'ai un désaccord profond sur la première, qui touche à la majoration de ce minimum. Actuellement, celui-ci est perçu par les retraités qui ont eu une carrière professionnelle complète ou qui ont liquidé leur retraite à soixante-cinq ans. Le montant en est calculé sur les salaires perçus et il est inférieur à un minimum fixé par décret. Son montant est de 584,48 euros. La loi de réforme des retraites d'août 2003 a mis en place un minimum contributif majoré afin de garantir à tout assuré ayant cotisé tout au long de sa carrière sur la base du SMIC un minimum de pension de 638,68 euros. Notons au passage que pour atteindre le taux de 85 % du SMIC, comme le prévoyait la loi de 2003, le minimum contributif aurait dû être porté à 711 euros mensuels par mois. On en est donc loin et le minimum contributif majoré est inférieur au minium vieillesse pour une personne seule.

Le I de l'article modifie les conditions de majoration. Actuellement, en cas de carrière incomplète et de liquidation de la retraite à soixante-cinq ans, le minimum contributif de base est calculé au prorata de la durée d'assurance validée et le supplément de pension est calculé au prorata de la durée d'assurance cotisée. Ce que vous proposez, c'est de réserver le supplément aux assurés qui, auraient cotisé pendant une durée minimum, et non plus de le calculer au prorata. Le ministre nous dira s'il entend retenir une durée de vingt-cinq ans ou de trente ans. En tout cas, cela aura des conséquences. Dans la durée validée, on inclut les périodes de chômage, de congé de maternité, de service militaire, de congé parental. Prenons, à partir de l'exemple développé par le rapporteur, celui d'une femme salariée qui a eu trois enfants et a pris pour chacun d'eux un congé parental de deux ans. Tout en ayant été assurée pendant trente ans, elle n'a en fait cotisé que pendant vingt-quatre ans. Si vous fixez, par décret, à vingt-cinq ans la durée de cotisations nécessaire pour avoir droit à la majoration, cette femme n'y aura plus droit. Elle perdra 387 euros par mois. Si elle est seule, elle percevra un complément de minimum vieillesse. Mais si elle vit avec un conjoint et que leur pension est inférieure au plafond pour les couples, elle perdra bien les 387 euros par mois.

Votre proposition ne touchera donc pas l'ensemble des retraités qui perçoivent le minimum contributif, mais va une fois de plus frapper particulièrement les femmes, puisque ce sont elles, en général, qui ont cotisé pendant le moins d'années. Dans son rapport pour la délégation aux droits des femmes intitulé « Les femmes et leur retraite », Claude Greff indique que le niveau des pensions versées aux femmes a subi de plein fouet les effets de la réforme de 1993, notamment en raison du passage aux vingt-cinq meilleures années comme assiette de calcul. La modification que vous proposez va encore aggraver cette situation.

Actuellement, trois femmes sur dix doivent attendre l'âge de soixante-cinq ans pour prendre leur retraite, alors que ce n'est le cas que d'un homme sur vingt. En 2004, seulement 41 % des femmes retraitées avaient validé une carrière complète contre 86 % des hommes. La retraite des femmes est en moyenne inférieure de 38 % à celle des hommes et plus d'une femme sur deux ayant pris sa retraite en 2006 a vu sa pension du régime général portée au minimum contributif. Et vous allez réduire les conditions d'attribution de la majoration du minimum contributif ! Les femmes seront bien les premières victimes de cette modification.

Certes, la CNAV va faire des économies. En revanche, le Fonds solidarité vieillesse n'en fera pas, car il devra prendre en charge un certain nombre de retraitées.

Certains font valoir qu'il n'y a pas de raison que les caisses de retraite financent les conséquences de la situation des femmes sur le marché de l'emploi. Reste qu'il est parfois difficile d'être femme : plus longtemps au chômage, plus souvent à temps partiel, plus souvent licenciée, touchant des salaires moins élevés, elles sont encore défavorisées en prenant leur retraite et s'entendent répondre que c'est sans doute dommage, mais que c'était avant qu'il fallait trouver la solution. Finalement, on dit aux femmes de ce pays qu'il n'y a jamais de solution pour elles, ni pendant les années de travail, ni pendant la retraite, et elles subissent leur vie durant une situation moins bonne que celle des hommes. On est encore loin de l'égalité entre hommes et femmes. Mais sans doute que, tant qu'il n'y aura que 18 % de femmes à l'Assemblée nationale, on aura du mal à progresser.

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