Monsieur le Premier ministre, notre assemblée doit entamer la semaine prochaine l'examen d'un projet de loi organique qui représente une remise en cause grave du droit d'amendement des parlementaires, droit que le Président du Sénat a lui-même qualifié de « sacré ».
Sacré ou pas, pour les radicaux de gauche, le droit d'amendement est un fondement de la démocratie parlementaire. Toute mesure visant à l'encadrer, à le restreindre ou même à le « rationaliser » est à nos yeux au mieux dangereuse, au pire liberticide. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Disposer de temps pour défendre un amendement doit demeurer un droit individuel, inaliénable et imprescriptible pour chaque parlementaire. C'est la condition pour garantir l'expression de la diversité des opinions démocratiques de notre pays ! L'essence même du Parlement n'est-elle pas la discussion entre majorité et opposition, entre exécutif et législatif, ou même entre parlementaires, indépendamment des clivages politiques ?
Réfléchissez ! Sans la discussion de quelque 1 180 amendements, aurait-il été possible de parvenir à un vote quasi unanime sur le Grenelle de l'environnement ?
Le droit d'amendement, c'est d'abord du temps pour s'exprimer, pour débattre, pour échanger et pour convaincre.
C'est donc ce qu'il y a de plus précieux pour que chacun d'entre nous, membre d'un groupe politique ou pas, puisse, sans contrainte, exprimer ses convictions et porter les attentes et les craintes des Français dans cette enceinte de la démocratie représentative.
Or, si le texte proposé était adopté, ce ne serait plus possible, ou du moins cela deviendrait beaucoup plus compliqué – pour l'opposition comme pour la majorité. La première serait restreinte et bâillonnée, la seconde sommée de s'abstenir de déposer tout amendement jugé subversif. Et n'oublions pas que « toute majorité peut un jour devenir opposition », comme le rappelait récemment le président de notre assemblée.
Monsieur le Premier ministre, les députés radicaux de gauche ont, dans leur très grande majorité, approuvé la révision constitutionnelle du 21 juillet dernier. Celle-ci rend toujours possible une réelle revalorisation du Parlement. Mais vous n'en prenez pas le chemin !
Comme Gérard Charasse l'a indiqué hier en commission et l'a écrit au Président de la République au nom des députés radicaux, nous sommes, pour l'heure, loin du compte et loin de l'esprit de la révision constitutionnelle. Parce qu'elle est attentatoire au droit d'amendement et dangereuse pour notre démocratie, il vous faut impérativement revoir votre copie !
Pourquoi un tel texte, alors que le groupe de travail mis en place par le Président de l' Assemblée nationale n'a pas terminé ses travaux ? Pourquoi ne pas rechercher sur un tel sujet le consensus ? Et en attendant de le trouver, monsieur le Premier ministre, soyez raisonnable : pourquoi ne pas reporter sine die ce projet de loi organique, comme vous l'avez fait pour le travail dominical ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) À moins que vous n'attendiez son adoption pour mieux faire passer quelques couleuvres, que même votre majorité a du mal à avaler. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)