Tant les chefs d'entreprise que les pouvoirs publics savent en effet que, dans les entreprises comme au niveau de l'État, une négociation collective avec des syndicats représentatifs sera toujours préférable à une négociation atomisée avec des gens pour qui il est difficile de parler au nom de leurs collègues ou des autres salariés.
Je vous demande instamment, mes chers collègues, de faire très attention à cette disposition qui remet en cause un principe sur lequel s'est longtemps fondé – et heureusement – notre modèle social. Permettre à des salariés de s'affranchir individuellement d'accords collectifs pourra peut-être, dans un premier temps, plaire à certains, mais cela recèle en germe de véritables dangers – pour le dialogue social, bien évidemment, et pour la vie des entreprises, mais aussi, plus globalement, pour la vie sociale et probablement pour la vie démocratique de notre pays. Cet article ne rencontre donc pas, vous le comprendrez, d'assentiment de ce côté-ci de notre hémicycle.
Le deuxième article porte sur le déblocage de la participation. Pour vous, la chose est plus facile, puisque cette mesure ne fait que reproduire, à quelques détails près, une mesure déjà prise par la majorité précédente – à l'initiative d'ailleurs d'un ministre de l'économie et des finances qui a connu depuis lors un sort politique particulièrement glorieux puisqu'il est devenu Président de la République. Nous savons donc à peu près ce qu'il en est.
Tout d'abord, on ne peut pas dire qu'il s'agisse d'une augmentation du pouvoir d'achat, à moins d'estimer que le fait de permettre à des salariés de bénéficier de l'épargne qu'ils ont consentie en soit une. En réalité, les salariés gardent ce qu'ils avaient et peuvent le placer ailleurs, mais il ne s'agit en rien d'une augmentation de pouvoir d'achat. C'est au demeurant ce qui s'était passé en 2004 car, sur les 7 milliards d'euros débloqués au titre de la participation par les mesures dites « Sarkozy », 5 à 5,5 milliards d'euros avaient été épargnés d'une autre façon, même si cette autre épargne était probablement plus fluide que celle qui relevait de la participation dans les entreprises.
Il n'y a probablement rien à attendre de cette disposition en termes de consommation. En revanche, et comme l'avait, je le crois, très justement souligné un rapport parlementaire rédigé par François Cornut-Gentille et Jacques Godfrain – rapport qu'au demeurant la majorité précédente avait, me semble-t-il, adopté –, cette disposition présente de très nombreux inconvénients.
Le premier de ces inconvénients est qu'elle fragilise l'actionnariat d'entreprise. La participation est une chose à laquelle notre pays, les salariés et les entreprises se sont habitués depuis longtemps. C'est pour les salariés une façon d'épargner qui consolide la structure actionnariale des entreprises. Modifier les règles du jeu tous les deux ou trois ans ne me semble pas être une bonne manière à faire à des entreprises pour lesquelles on sait que la stabilité de l'actionnariat est essentielle, surtout dans les temps relativement troublés que nous connaissons, où fleurissent des offres publiques d'achat qui, le plus souvent, loin d'être amicales, sont tout à fait hostiles. Le premier inconvénient est donc, je le répète, la fragilisation d'un système de participation dont une des caractéristiques était de stabiliser l'actionnariat des entreprises.
Un deuxième reproche que l'on peut faire à ce déblocage est qu'il est intempestif et tout à fait impossible à anticiper. Cette mesure, dont les ministres présents au banc du Gouvernement ignoraient eux-mêmes, voici quinze jours, qu'elle serait prise, prive les entreprises d'une véritable visibilité financière et peut compromettre jusqu'à leur stabilité financière.
Troisième inconvénient : les organismes de gestion de la participation des salariés ont besoin, comme tout organisme de gestion de l'épargne, d'une vraie visibilité pour être en mesure de faire des choix, non de court terme, mais de moyen et long terme. Or, là encore, modifier les règles du jeu tous les deux ou trois ans empêche cette visibilité de long terme nécessaire à une bonne gestion. Pas plus que la précédente, donc, cette mesure ne me semble donc être une bonne manière à faire aux salariés ou aux entreprises, et certainement pas pour ce qui est de leur avenir.
Pour ce qui est du quatrième inconvénient, vous avez en partie répondu, monsieur le ministre, mais je n'ai pas entièrement compris vos propos et j'espère que vous aurez à coeur de me répondre plus complètement. J'avais cru comprendre – mais le temps m'a peut-être manqué – que cette disposition allait finalement au rebours de ce que vous sembliez souhaiter, à savoir de permettre aux salariés d'épargner pour leur retraite, et donc de disposer d'une épargne de long terme qui ne puisse être débloquée comme elle l'a été en 2004 et le sera bientôt de nouveau en 2008. Vous avez indiqué, me semble-t-il, que cette épargne consacrée à la retraite ne pourrait être mobilisée.
Permettez-moi de vous demander quelques précisions à cet égard. Quel est le pourcentage de l'épargne salariale qui sera consacré à la retraite et dont vous estimez qu'il ne peut être débloqué ? Quelle est, par conséquent, la part – il s'agit, je suppose, de la différence – qui peut l'être et quel est le volume que vous en attendez ? Peut-être aurons-nous ainsi une plus juste idée, sinon du pouvoir d'achat supplémentaire que vous donnez aux salariés ou que vous leur permettez d'avoir, du moins du montant de l'épargne que vous leur permettrez de déplacer d'une structure vers une autre, sans naturellement en profiter au titre notamment de la consommation.
Troisième mesure : la prime. Cette prime exceptionnelle – qui, par définition, ne pourra être utilisée qu'une fois –, d'un montant de 1 000 euros, reste à la totale appréciation des entreprises, qui ne la délivreront que si elles l'estiment possible. Sur le principe, la chose est relativement peu choquante, mais il est abusif de présenter cette mesure comme si elle devait être inévitablement appliquée. Cette prime sera sans doute décidée au cas par cas et même un ministre plein de fougue et d'élan, convaincu que ce projet sera déterminant – dans le portrait duquel je suis heureux, monsieur Bertrand, que vous vous reconnaissiez –, ne peut dire combien d'entreprises le décideront, combien de salariés en bénéficieront,…