Monsieur le président, madame la ministre d'État, mes chers collègues, nous nous trouvons ce soir dans une situation particulière. Quelles que soient les convictions de chacun, je saisis l'occasion qui m'est donnée de féliciter M. Estrosi pour ce que l'on comprend être une promotion – même si la nature du texte qu'il rapportait ne semblait pas le prédestiner à se voir confier le portefeuille de l'industrie – et de souhaiter le même destin à M. Ciotti, qui a repris au pied levé, et avec brio, le rôle de rapporteur du texte qui nous est soumis ce soir. Je félicite également Mme Alliot-Marie, dont nous interprétons le changement de ministère comme une promotion aussi.
Cela étant, ce n'est pas à ces changements-ci que la situation doit son caractère particulier. Elle ne le doit pas non plus à ce qui s'est passé hier à Versailles, lors du congrès du Parlement. Le Président de la République y a dressé un tableau intéressant des sujets qu'il considère comme essentiels pour la nation mais, étrangement, en particulier si l'on considère ce que l'on pense être au centre de son intérêt, les problèmes de sécurité n'ont pas été une seule fois mentionnés. Peut-être estimait-il que ces questions seraient traitées ce soir…
Non, le caractère particulier de ce débat tient à autre chose. Madame la ministre d'État, vous me corrigerez si je me trompe, c'est, je crois, la quinzième loi relative à la sécurité qui intervient depuis 2002. Or, ainsi que viennent de me le confirmer Mme Batho et MM. Urvoas, Pupponi et Raimbourg, grands spécialistes de ces questions, tous les textes précédents étaient des projets de loi. Cette fois-ci, il s'agit d'une proposition de loi. Je ne crois pas du tout à l'explication selon laquelle cela aurait un rapport avec la destinée particulière de M. Estrosi. Je crois en revanche à un argument juridique, auquel, je l'imagine, chacun ici sera sensible.
Comme vous le savez certainement, mes chers collègues, la différence entre un projet de loi et une proposition de loi, c'est que le Conseil d'État n'a pas à examiner la seconde. Or le Conseil d'État, qui est mon ancienne maison, est très à cheval sur les problèmes juridiques. Dans sa sagesse, et avant le Conseil constitutionnel, il se serait donc penché sur les arguments que Mme Batho, notamment, a énoncés avec beaucoup de force.
Du point de vue de la légalité des délits et des peines, principe général de notre droit, ce texte pose en effet une question particulière. Incriminer l'intention, et non pas le fait, serait une première en droit public français. Je ne reviendrai pas sur les autres arguments qu'avec pertinence, Mme Batho a rappelés.
Lorsque le Conseil constitutionnel sera saisi de ce texte – car il en sera ainsi –, il devra se prononcer, avec sa sagesse habituelle, mais aussi sans perdre de vue que, cette fois-ci, le Gouvernement – ce sont les mots du rapporteur et ils m'ont choqué en tant que député – a demandé à un parlementaire de présenter une proposition de loi, non pas pour rendre service à ce dernier, mais pour se garder de la censure préventive du Conseil d'État, laquelle nous aurait évité une partie de ce débat.
J'interviens ici comme parlementaire mais aussi comme quelqu'un qui, depuis bien longtemps maintenant, gère une ville, une ville ouvrière, et qui préside aujourd'hui une agglomération de près de 500 000 habitants. Je ne fais pas référence à l'expérience que j'ai pu avoir en dirigeant le Gouvernement. Mais puisque tel ou tel a fait allusion tout à l'heure à des sentiments personnels, je dirai que je n'ai jamais eu la réputation d'être du côté de la naïveté ou du laxisme. On m'en donnera volontiers quitus…