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Intervention de François Pupponi

Réunion du 23 juin 2009 à 21h30
Lutte contre les violences de groupes — Question préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Pupponi :

« Enfin ! » : voilà ce que je me suis dit lorsque j'ai appris qu'une proposition de loi avait été déposée afin de lutter contre la violence des groupes.

« Enfin ! », car, comme d'autres, je sais que l'aggravation de certaines formes de délinquance depuis plusieurs années est principalement due à la prolifération des bandes et à leur évolution.

« Enfin ! », car déposer cette proposition de loi, c'est aussi reconnaître que vous n'avez pas été capables, depuis sept ans, d'appréhender au niveau national ce phénomène qui trouble souvent, dans des conditions dramatiques, la vie de nos cités.

Comme Éric Raoult le rappelait, ce phénomène est connu et ancien – ces bandes sévissent depuis presque vingt-cinq ans sur nos territoires. Il traduit un durcissement de l'insécurité concentrée géographiquement, avec pour racines de graves carences dans la sociabilité adolescente, et l'installation de formes de contre-sociétés liées à la ghettoïsation et à l'influence culturelle des valeurs consuméristes véhiculées par l'économie souterraine.

Ces phénomènes de socialisation parallèle extrêmement inquiétants se nourrissent à l'évidence de l'échec scolaire et de la pauvreté et ils procurent un sentiment d'appartenance à un groupe social de substitution. Si tous les professionnels et spécialistes auditionnés soulignent que la situation française n'est, à ce stade, en rien comparable avec les phénomènes de gangs tels que peuvent les connaître des pays comme les États-Unis ou le Canada, tous soulignent une situation d'autant plus alarmante que de nouveaux paliers semblent avoir été franchis dans la gravité des actes commis : tirs d'armes à feu sur des policiers, guet-apens, rixes hyperviolentes. Les spécialistes estiment que le pire reste à venir.

Je voudrais, à ce propos, vous faire part de mon expérience de député de la huitième circonscription du Val-d'Oise, celle de Villiers-Le-Bel, où, il y a environ un an, deux jeunes sont décédés lors d'un accident de moto dans lequel était impliqué un véhicule de police. Quelques minutes plus tard, le commissaire Illy, que je tiens à saluer, était sauvagement agressé. Depuis un an, toutes les semaines, voire tous les soirs, des heurts se produisent entre les jeunes et la police. Le dialogue n'est pas renoué et, chaque nuit, je crains que l'on me réveille pour m'annoncer encore le décès d'un jeune ou d'un policier.

Comment en sommes-nous arrivés là ? Je suis convaincu que vous avez échoué parce que, soit par ignorance, soit par idéologie, vous n'avez jamais considéré que le phénomène des bandes était la cause première du développement d'une certaine forme de délinquance. Dès lors, vous n'avez pas pu mettre en oeuvre une politique efficace. Pis, certaines de vos décisions n'ont fait qu'aggraver la situation. Je pense en particulier à la suppression de la police de proximité – tant décriée à une certaine époque (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) et aujourd'hui partiellement remplacée par les UTEQ –, qui nous a fait perdre de nombreuses années dans la lutte contre les bandes. Je pourrais également citer la faiblesse des moyens destinés à la prévention ou la suppression de postes dans l'éducation nationale.

Parfois, la crise économique et la discrimination dont sont victimes les habitants de ces quartiers, en particulier les jeunes, n'ont fait qu'accélérer le processus. Comprenons-nous bien, il n'est pas question pour moi de trouver une excuse à des actes délictueux : rien ne peut justifier la violence et la délinquance. Mais il est parfois utile de comprendre comment celles-ci se développent pour lutter plus efficacement contre ces phénomènes.

Face à ce constat dramatique, il n'est pas question, pour nous, d'adopter, sur un sujet aussi grave, la posture politique simple et facile de l'opposition systématique. Nous voulons autant que vous, monsieur Raoult, éradiquer ce phénomène et mettre hors d'état de nuire les membres de ces groupes en mettant tout en oeuvre pour éviter qu'un jeune bascule dans la violence. Nous le voulons d'autant plus qu'au-delà de la lutte contre la délinquance des jeunes, qui est la priorité, les victimes sont souvent les plus vulnérables, qu'il s'agisse de jeunes qui, comme au Blanc-Mesnil, il y a trois jours, perdent la vie en prenant une balle perdue ou de personnes âgées agressées à la sortie du bureau de poste où elles ont retiré leur maigre retraite. C'est aussi pour elles que nous voulons lutter contre le phénomène des bandes.

Madame la ministre d'État, monsieur le rapporteur, une seule question m'intéresse : votre texte sera-t-il efficace ? Hélas ! la réponse est non. Et nous le vivons comme un drame, tant le sujet est important pour nos populations.

Pourquoi cette proposition de loi ne permettra-t-elle pas d'améliorer la situation ? Certes, beaucoup de thèmes importants y sont abordés : les bandes elles-mêmes, l'école – où elles se retrouvent souvent pour régler leurs comptes –, les cages d'escalier – qui sont, permettez-moi l'expression, leur siège social –, les cagoules et autres moyens de dissimulation du visage, qui correspondent à leur mode opératoire. Mais vous oubliez la prévention et, surtout, il manque l'essentiel : un vrai plan de lutte contre ce fléau. En effet, une succession d'articles, empilés les uns sur les autres dans une quatorzième loi sur la sécurité en sept ans, ne fait pas un plan réfléchi et efficace. Je vous le dis avec beaucoup de solennité, compte tenu de la gravité du sujet : vous manquez d'ambition. Or, en l'espèce, ce manque d'ambition peut être dramatique.

Je ne prendrai qu'un exemple de l'inapplicabilité et de l'inefficacité de votre texte : son article 1er. Celui-ci sera inapplicable pour des raisons non seulement juridiques, mais aussi pratiques. Il sera en effet très difficile pour les policiers d'établir une procédure solide et pour les magistrats de prononcer des condamnations, compte tenu de la difficulté qu'ils auront à démontrer la réalité du nouveau délit que vous nous proposez de créer.

Avant même de parler de condamnation, la mise en oeuvre pratique du dispositif sera quasiment impossible. En effet, le seul intérêt de cet article serait éventuellement de faciliter l'interpellation d'une bande lorsque celle-ci, à l'occasion d'un conflit avec une bande rivale, se déplace en force, armée et cagoulée, afin d'affronter l'adversaire.

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