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Intervention de Delphine Batho

Réunion du 23 juin 2009 à 21h30
Lutte contre les violences de groupes — Exception d'irrecevabilité

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDelphine Batho :

M. Estrosi avait raison d'écrire, page 37 de son rapport, que « cette disposition n'est pas une réécriture de l'incrimination prévue dans la loi anticasseurs, abrogée en 1981, qui présenterait de gros risques constitutionnels ».

Non, ce n'est pas une réécriture ; c'est bien plus grave. Et le gros risque constitutionnel est toujours là.

L'article 1er aurait ainsi, selon lui, une visée préventive. Il s'agirait de démanteler les bandes avant qu'elles n'agissent. N'en étant pas à un excès près dans la justification d'une telle interprétation, M. Estrosi était même allé jusqu'à prétendre que sa proposition de loi aurait permis d'éviter l'assassinat d'Ilan Halimi.

Pour agir en amont, nous avons besoin non pas de droit pénal, mais d'une précocité de la prévention et de la sanction telle que nous la défendons, d'une police judiciaire d'investigation au plus près du terrain, capable de conduire, en amont, les enquêtes nécessaires en utilisant la notion classique de bande organisée et d'actes préparatoires, d'auteurs et de co-auteurs. Or, selon le rédacteur de cette proposition de loi, l'article 1er s'appliquera alors qu'aucune violence ou dégradation n'aura été commise.

La logique de cet article ne manquera pas alors de poser un problème au Conseil constitutionnel, qui doit s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue, comme il l'a rappelé dans sa décision du 9 août 2007.

Le mécanisme que prévoit l'article 1er aboutit en effet à ce que l'intention de commettre un délit sera plus sévèrement punie que la commission du délit lui-même. Ainsi, l'intention de commettre des dégradations en groupe sera punie de trois ans, alors que la dégradation elle-même est punie de deux ans. De même, l'intention de commettre des violences sera punie de la même peine que si ces violences ont été effectivement commises et ont abouti à une ITT de moins de huit jours.

Songeons aux effets pervers qu'un tel mécanisme risque d'engendrer.

Comme le dit Sébastian Roché, chercheur au CNRS, spécialiste de la délinquance des mineurs, « si on introduit une procédure qui permet de condamner des personnes sur la base d'une intention, sans avoir de preuve de leur implication individuelle, il faut s'attendre à des retours de bâton, voire à des émeutes, comme des décisions de justice controversées ont pu en déclencher en France, aux États-Unis ou ailleurs ».

Enfin, nos inquiétudes concernant notamment les articles 2 et 7 de la proposition de loi n'ont pas été dissipées. Ces dispositions pourront être utilisées à une tout autre fin que la lutte contre les bandes.

Des policiers ont affirmé, lors des auditions, que, si ce texte sera difficile à appliquer et relativement inefficace concernant les phénomènes de bandes, il sera, en revanche, particulièrement applicable concernant les manifestations et les contestations sociales.

L'article 2, je le disais tout à l'heure, permettra de s'en prendre à un simple manifestant qui aurait participé tranquillement à un défilé si d'autres personnes, par exemple des casseurs, portent des armes.

L'article 7, lui, rend passible d'un an de prison et donc de la comparution immédiate n'importe quel parent d'élève ou lycéen qui se sera simplement maintenu dans un établissement scolaire, sans commettre la moindre dégradation. Cet article pourrait s'appliquer par exemple à la nuit des écoles organisée par des parents d'élèves, ou bien à une assemblée générale ou une occupation décidée par des lycéens.

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