Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Delphine Batho

Réunion du 23 juin 2009 à 21h30
Lutte contre les violences de groupes — Exception d'irrecevabilité

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDelphine Batho :

…l'autre, archaïque, qui consiste à poursuivre dans la voie d'une inflation législative permanente et inopérante.

Cette proposition de loi trahit non seulement une méconnaissance des véritables urgences, ce qui est grave, mais elle constitue aussi, hélas, un refus d'y répondre, ce qui est dramatique.

Pour la quinzième fois en sept ans, on nous propose de légiférer en matière de droit pénal. En soi, c'est un élément.

Malgré cette prévention, nous avons voulu examiner ce texte de façon approfondie. Outre les auditions organisées par le rapporteur, nous avons, de façon complémentaire, organisé nous-mêmes vingt-sept auditions de policiers, de magistrats, de criminologues et de maires de banlieues.

Nombre d'élus socialistes sont confrontés à ces problèmes au quotidien et travaillent sur ces sujets depuis des années ; ils savent donc de quoi ils parlent. C'est pourquoi notre seule méthode, notre seule boussole, en examinant de façon approfondie votre texte, a été de nous demander s'il apportait quelque chose et s'il serait efficace.

Bien sûr, nous discuterons au cours du débat de chacune des dispositions et peut-être nous rejoindrons-nous sur certaines d'entre elles, notamment en ce qui concerne la protection des personnels de l'enseignement scolaire ou encore l'enregistrement audiovisuel des interventions de la police.

Mais là n'est pas le coeur de cette proposition de loi, qui vise les violences de groupes. Y a-t-il un vide juridique empêchant de lutter contre les bandes violentes ? La réponse est non.

Soit nous avons affaire à une bande structurée par l'économie souterraine, et elle tombe alors sous le coup des dispositions relatives aux bandes organisées, à savoir l'article 132-71 du code pénal : « Constitue une bande organisée au sens de la loi tout groupement formé ou toute entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'une ou plusieurs infractions. » On ne saurait faire définition plus large.

Soit nous avons affaire à des violences commises en groupe, et l'arsenal est, là aussi, très précis.

Si ces violences visent les forces de l'ordre, elles correspondent aux situations visées par les dispositions relatives à la rébellion, au guet-apens et à l'embuscade ; ce sont les articles 433-6 et suivants, 222-15-1 et 132-71-1 du code pénal.

S'il s'agit de violences entre bandes rivales, les dispositions réprimant la violence en réunion peuvent s'appliquer – huitième alinéa des articles 222-8, 222-10, 222-12, 222-13 –, de même que celles relatives aux atteintes aux biens commises en réunion – article 322-3-1 – et, préventivement, celles relatives aux attroupements – articles 431-3 et suivants.

Bref, tous les comportements que cette proposition de loi prétend viser sont déjà constitutifs de délits dans l'état actuel du droit pénal.

Ce texte sera-t-il efficace ? En d'autres termes, constituera-t-il un outil supplémentaire pour les policiers et les magistrats ? La réponse est non.

Le rédacteur du texte a tenté de répondre par une illusion aux difficultés que rencontrent parfois les policiers pour établir qui a précisément fait quoi. Cette illusion, c'est celle qui prétend que l'instauration d'une responsabilité pénale collective – j'y reviendrai – permettrait de contourner la nécessité de la preuve.

Mais des preuves, il en faudra toujours ! Ainsi, l'application de l'article 1er nécessitera toujours de prouver qu'un individu a, en connaissance de cause, pris part à une bande, dont il faudra prouver qu'elle avait elle-même le but de commettre des violences ou des dégradations. Loin de clarifier le droit, comme le propose notre amendement sur la notion de coauteur, chaque terme, chaque virgule de cet article 1er donnera lieu à interprétation.

C'est pourquoi de nombreux policiers et magistrats se sont montrés si réservés sur ce dispositif. Je citerai ceux que nous avons auditionnés.

C'est le Syndicat des personnels de direction de l'Éducation nationale qui dénonce des mesures « totalement inappropriées ».

C'est la proviseure du lycée de Gagny qui souligne que « la peur de la sanction ne fera rien ».

C'est Jean-François Molins, procureur de la République à Bobigny, qui écrit : « Je ne suis pas persuadé qu'en réalité la création d'une infraction nouvelle de participation à une bande armée apporte véritablement grand-chose en termes d'efficacité répressive par rapport à l'arsenal dont nous disposons. »

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion