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Intervention de Michèle Alliot-Marie

Réunion du 23 juin 2009 à 21h30
Lutte contre les violences de groupes — Discussion d'une proposition de loi

Michèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés :

Nous disposons aujourd'hui d'un certain nombre de moyens. Les attroupements sur la voie publique peuvent être effectivement sanctionnés. Toutefois, les phénomènes de bandes ou de groupes de jeunes, parce qu'ils ne sont pas statiques, ne constituent pas un attroupement au caractère permanent et immobile. Il en va de même de l'association de malfaiteurs, incrimination qui n'est pas adaptée à la réalité de ce que sont aujourd'hui un certain nombre de bandes.

L'incrimination nouvelle prévue par la proposition de loi qui vous est soumise aujourd'hui tend justement à combler ces lacunes du droit qui ne nous permettent pas d'agir efficacement contre la violence des bandes ou d'un certain nombre de groupes.

Il est donc prévu – vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur – que la participation à une bande constituée pour commettre des atteintes aux personnes ou aux biens sera désormais punie de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. Cette disposition présente l'avantage de ne pas avoir à attendre que le groupe ait déjà commis des violences, des agressions et ait déjà réalisé des dommages. Ce texte permet une action préventive efficace. Celui qui a été confronté à l'action de ces bandes – c'est le cas d'un certain nombre d'élus locaux de la région parisienne – sait que l'action préventive représente effectivement le seul moyen d'agir.

De plus, l'infraction de participation à une bande violente permet d'appréhender le phénomène dans son ensemble, qu'il s'agisse du regroupement de personnes qui se connaissent, telles les bandes dans les quartiers, ou qui ne se connaissent pas mais se retrouvent dans un lieu commun pour mener une action violente, préméditée ou non. C'est essentiellement le cas des « black blocs », dont on a pu constater, par exemple à Strasbourg, l'impact des actions menées. C'est vrai aussi des groupes de casseurs que l'on rencontre, dans un certain nombre de cas, dans les manifestations. Ces gens s'y joignent sans aucune idée à défendre – je rappelle que la possibilité de manifester est une liberté fondamentale dans notre pays – mais sont essentiellement, voire uniquement, là pour causer des dégradations ou pour mener des actions violentes.

Cette nouvelle incrimination permet également de lutter contre l'impunité souvent recherchée par des personnes qui agissent en groupe. L'idée du groupe, c'est de se mettre au milieu, d'agir et de déclarer, lorsque l'on est interpellé, que l'on n'y est pour rien. Il est essentiel, comme l'envisage la proposition de loi, d'imputer précisément et personnellement à chaque individu arrêté des actes qu'il a lui-même commis et de le poursuivre, comme c'est effectivement le cas aujourd'hui, mais de pouvoir également le faire sans avoir à apporter spécifiquement la preuve qu'il a directement participé aux violences ou aux dégradations commises.

Je tiens à préciser très clairement que l'incrimination prévue dans la loi n'établit en aucun cas une responsabilité collective. Vous savez que c'est un point sur lequel notre droit est très ferme. Chacun des membres du groupe poursuit, en fait, un même objectif délictueux qui le rend personnellement coupable. Pour le reste, chacun demeure bien entendu pénalement responsable de ses actes et des violences ou dégradations commises. Ces incriminations sont spécifiques.

La proposition de loi qui vous est soumise complète très utilement ce dispositif de lutte contre les bandes par l'introduction d'une nouvelle circonstance aggravante applicable aux infractions le plus souvent commises à visage dissimulé. Vous le savez, j'ai déjà eu l'occasion d'en parler à un certain nombre d'entre vous. Dans notre pays, quand on veut manifester des idées et des positions, on peut le faire à visage découvert.

Quand on est en groupe, quand on va dans une manifestation en se dissimulant le visage, en essayant de faire en sorte que son identité ne puisse pas être prouvée, c'est en général que l'on a des arrière-pensées qui ne sont pas si claires que cela. C'est bien la raison pour laquelle il est prévu une aggravation des peines pour les actions commises à visage couvert.

Cela va d'ailleurs dans le sens du décret en Conseil d'État du 19 juin 2009 que j'avais fait rédiger, qui incrimine le fait de dissimuler volontairement son visage en marge d'une manifestation afin de ne pas être identifié dans des circonstances faisant craindre des atteintes à l'ordre public. En l'espèce, comme c'est normal pour un décret, il s'agissait d'une contravention, mais la disposition de la loi est totalement légitime lorsqu'il s'agit d'actes répréhensibles.

Ces phénomènes de bandes et d'exactions commises à visage caché rendent d'autant plus légitime une autre disposition de cette proposition de loi : l'enregistrement audiovisuel par les services de police de leurs interventions, que ce soit en maintien de l'ordre public ou dans un cadre judiciaire.

Je pense très sincèrement que cela permet d'améliorer le fonctionnement de la justice. Il est important que, même lorsque quelqu'un a essayé de dissimuler son visage, des images permettent a posteriori de disposer d'éléments objectifs pouvant contribuer à confondre les auteurs d'agressions. Cet enregistrement facilitera l'administration de la preuve, qui est souvent difficile dans un contexte de violences de groupe.

C'est également un gage de bonnes pratiques policières. L'enregistrement permet, en effet, et j'y tiens beaucoup, d'établir la vérité sur les circonstances et sur les actions menées par les services de police. L'on évitera ainsi des critiques appuyées, comme je l'ai souvent constaté, sur des images prises à la sauvette par des manifestants qui, bien entendu, ne montraient que les aspects qui les intéressaient. Avec des images bien encadrées, il n'y aura pas de contestation possible.

L'article 4 de la proposition de loi fixe, très opportunément, le régime juridique applicable à ces enregistrements lorsqu'ils sont joints à une procédure judiciaire. Ce régime, inspiré de celui applicable aux enregistrements audiovisuels des gardes à vue, est équilibré : c'est une garantie pour les droits de la défense, qui ne fragilise pas les procédures.

La disposition supplémentaire introduite par votre commission des lois à l'article 4 bis va dans le même sens. Elle permettra aux services de police d'exploiter les bandes de vidéosurveillance des immeubles d'habitation pour les besoins de leurs missions. C'est un élément extrêmement important, qui nous a notamment permis de retrouver des assassins.

Je terminerai par le dernier volet de la proposition de loi, celui qui vise à sanctuariser l'école. Je vous en parlais tout à l'heure et c'est un souci exprimé par tout le monde : l'école doit être absolument protégée, ce qui suppose la protection des lieux eux-mêmes et de leurs abords, mais également celle des personnes qui y travaillent.

Le rapporteur l'a justement relevé : l'intrusion dans un établissement scolaire est punie seulement aujourd'hui d'une contravention de cinquième classe. Les événements récents ont démontré la nécessité de rehausser le niveau de répression. C'est ce qui vous est proposé à l'article 7. Pénétrer dans l'enceinte d'un établissement sans y être autorisé sera un délit puni d'un an d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende. La peine pourra aller jusqu'à sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende lorsqu'il est commis par plusieurs personnes armées.

Le texte n'aurait toutefois pas été complet sans un amendement de votre rapporteur adopté par la commission des lois. Si c'est un élève de l'établissement qui y vient avec des armes pour commettre un certain nombre d'actes, la peine sera de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. C'est un élément qui doit amener à réfléchir et donc à renforcer la sécurité dans les établissements.

Il y a aussi ce qui se passe autour des établissements. Des agressions ont en effet lieu régulièrement à l'extérieur. L'article 6 de la proposition de loi complète le code pénal en ajoutant une même circonstance aggravante pour les faits de vols et d'extorsions commis aux abords des établissements scolaires. Quand on fait du chantage à des jeunes, quand on leur arrache leur portable, quand on les menace, il faut pouvoir sévir.

Enfin, la sécurité des personnels eux-mêmes doit être renforcée, à l'intérieur des établissements bien entendu, mais également à l'extérieur. Un enseignant peut en effet se faire agresser dans une boutique ou dans un stade, non par hasard mais bien parce qu'il est l'enseignant de l'élève. Il doit être protégé. Sinon, on n'assurera pas le contexte de sécurité que l'on souhaite établir, qui est nécessaire pour que l'enseignement se passe dans un lieu où chacun se sente bien, et soit donc apte à développer le plus possible ses capacités.

Ce texte permettra d'améliorer concrètement, pragmatiquement et de façon équilibrée la sécurité face à des phénomènes qui se développent et qui, si nous ne les arrêtons pas, risquent de représenter un véritable danger pour les lieux les plus fragiles de la société – je pense à un certain nombre de quartiers, mais aussi aux établissements scolaires et à ceux qui les font vivre. Je souhaite donc qu'il soit largement approuvé.

Vous savez, l'autorité de l'État ne peut en aucun cas s'accommoder d'une logique telle que l'on utilise la violence pour contester des événements quels qu'ils soient ou des personnes.

Ce qui me frappe, c'est que nous sommes dans une société où l'autorité est contestée en soi. Les forces de police ou de gendarmerie sont l'objet d'agressions. À plusieurs reprises au cours de ces dernières années, des pompiers ont été attaqués et n'ont pu faire les gestes de premier secours, ce qui a causé la mort de certaines personnes, tout cela parce qu'ils représentaient l'autorité. Des conducteurs de bus sont attaqués, non pour être volés, mais parce qu'ils représentent une autorité.

Je m'adresse aux représentants de la nation : l'autorité de la loi, qui doit être sereine, doit être aussi respectée. La loi, c'est le fondement de l'unité de notre société. Nous n'avons pas le droit de laisser certains, au nom d'on ne sait quoi, contester cette autorité en mettant à mal la vie ou l'intégrité des autres. C'est aussi le problème que nous avons à régler, sur tous les bancs. La justice est un facteur de l'unité nationale ; il est indispensable de donner ce message très fort.

Des hommes et des femmes ont décidé de consacrer leur vie à la défense des autres, au respect de la justice. Nous devons leur donner les moyens de le faire, en sachant qu'ils ne vont pas agir seuls. La sécurité de tous et l'autorité de l'État ne pourront résulter que d'une action commune. Les élus, les maires, la justice, la police, la gendarmerie et les associations ont leur rôle, mais, sans les fondamentaux de notre société, c'est-à-dire la sécurité et le caractère pacifié, les autres actions sont impossibles.

Soyez-en persuadés, la détermination du Gouvernement en la matière est totale, car c'est notre responsabilité d'assurer de façon permanente, en tout lieu et en tout temps, les règles qui sont celles de la République et qui commencent d'abord par la protection des personnes et des biens.

C'est la raison pour laquelle je vous invite à voter ce texte. Je suis persuadée que c'est un moyen supplémentaire pour que chacun se trouve bien dans ce pays, pour que l'on retrouve l'envie de partager un destin commun à tous parce que chacun s'y retrouve. Au-delà des divergences idéologiques que nous pouvons avoir, c'est un devoir pour nous, ne l'oublions pas, et c'est aussi la grandeur de notre mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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