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Intervention de Camille de Rocca Serra

Réunion du 18 juin 2009 à 9h30
Dispositions relatives au fonctionnement de la collectivité territoriale de corse — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCamille de Rocca Serra :

Les aménagements proposés vont dans le sens d'une rationalisation du mode de scrutin qui permettrait de cliver le paysage politique – condition sine qua non à la confrontation d'idées et de projets devant les électeurs – et de dégager des majorités en mesure de mener des politiques ambitieuses et d'en être responsables devant les citoyens.

Alors que la Corse est la collectivité territoriale la plus décentralisée de la République et qu'à ce titre elle dispose de compétences élargies au premier rang desquelles on trouve l'adaptation de dispositions législatives et réglementaires, la difficile gouvernabilité de son organe délibérant l'empêche d'assumer pleinement les prérogatives et les pouvoirs qui lui ont été dévolus. Ainsi, le mode de scrutin contribue clairement aux difficultés de fonctionnement de l'assemblée et de la collectivité.

S'il est vrai que jamais le conseil exécutif n'a été renversé, n'oublions pas que sur des documents prospectifs ou des projets importants renvoyant à une vision sociétale, il n'a jamais été possible de dégager de majorité. Le retrait, lundi dernier, du plan d'aménagement et de développement durable de la Corse – PADDUC – en est le plus récent témoignage.

Or on ne peut se satisfaire d'une assemblée qui ne soit pas porteuse de projets politiques. Elle devrait pour cela compter en son sein les responsables qui ont mené les différentes listes et soutenu des projets lors de l'élection. On peut à cet égard regretter que les grands pourvoyeurs d'idées politiques – je veux parler de Paul Giacobbi, Émile Zuccarelli, Simon Renucci et Nicolas Alfonsi – aient abandonné le navire. Notre île n'a pas besoin d'un navigateur solitaire mais d'un équipage qui puisse la mener à bon port et construire la Corse de demain.

L'Assemblée de Corse doit redevenir la matrice de la Corse, le coeur de la démocratie insulaire, le lieu de conception de grands projets. Seule la réforme proposée peut nous permettre d'y parvenir.

Le présent texte est une proposition de loi déposée en 2007 par le sénateur radical de gauche de Corse-du-Sud, Nicolas Alfonsi, qui propose de rehausser de 5 à 7 % des suffrages exprimés le seuil d'accès au second tour, d'instituer un seuil de fusion des listes à 5 % et de doubler la prime majoritaire accordée à la liste arrivée en tête, qui passerait de trois à six sièges. La commission des lois a adopté un amendement relevant la prime à neuf sièges. En tant que président de l'Assemblée de Corse, je suis lié à la motion adoptée le 16 mars dans sa version originelle. Je ne m'oppose cependant pas à cet aménagement qui ne peut que renforcer la logique de la réforme.

La proposition de loi adoptée par le Sénat le 13 février 2007 a été transmise à l'Assemblée nationale le 4 juillet. Celle-ci ayant suspendu ses travaux en raison des échéances électorales présidentielles et législatives, le bureau n'a pu inscrire le texte à l'ordre du jour.

Conformément à l'alinéa 5 de l'article L. 4422-16 du code des collectivités territoriales, l'Assemblée de Corse aurait dû être saisie pour avis. Toutefois, cet article introduit par la loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse n'a pas donné lieu à des dispositions réglementaires précisant son application. En l'absence de telles dispositions, il suffit que l'Assemblée de Corse en ait eu connaissance et se soit exprimée sur le sujet. C'est ce qu'elle a fait le 16 mars dernier en adoptant une motion déposée par le groupe émanant du PRG, qui demandait la poursuite du processus législatif que nous clôturons aujourd'hui. L'avis favorable a bel et bien fait l'objet d'un consensus. Si d'aucuns considèrent que celui-ci n'est pas assez large, qu'ils sachent qu'il est difficile, voire impossible de dégager une unanimité dans une assemblée aussi émiettée.

La clef du dispositif est à mes yeux le seuil de fusion, qui devrait dissuader les personnalités non représentatives de constituer des listes dissidentes au premier tour. Ce mode de scrutin réformé aurait pour avantage de concilier les impératifs de gouvernabilité, puisqu'une majorité pourra être dégagée dès le verdict des urnes, et de représentativité, puisque les principales forces politiques de l'île, droite, gauche et nationalistes, pourront être correctement représentées dans l'hémicycle.

Lorsqu'en 2003 les régions françaises avaient été dotées d'un mode de scrutin efficace, la Corse avait été exclue du dispositif législatif. Au nom de quel principe républicain devrait-elle être privée plus longtemps de mécanismes en mesure d'assurer le bon fonctionnement de ses institutions ? Lors de ses travaux, le comité de réflexion sur la réforme des collectivités locales, présidé par Édouard Balladur, a constaté l'échec du système actuel et a inscrit, au titre de la proposition n° 19 de son rapport, adoptée à l'unanimité, la modification du mode de scrutin de l'Assemblée de Corse au rang des mesures prioritaires afin qu'elle soit effective avant l'échéance de 2010.

Mes chers collègues, en adoptant cette proposition de loi, vous permettrez à la Corse de se doter d'un régime électoral efficient. À ce titre, la réforme du mode de scrutin constitue un pas de plus vers la nécessaire consolidation de l'institution régionale. J'aurais souhaité que certains de mes collègues qui avaient partagé cette aspiration avec moi me suivent jusqu'au bout : ce qui est une vérité en Corse ne l'est pas moins ici. J'espère encore, cher Paul Giaccobbi, que nous pourrons nous rassembler au moment du vote, dans l'intérêt de la Corse. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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