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Intervention de François Rochebloine

Réunion du 18 juin 2009 à 9h30
Dispositions relatives au fonctionnement de la collectivité territoriale de corse — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Rochebloine :

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, le débat que nous avons aujourd'hui sur la réforme du mode de scrutin de l'Assemblée de Corse résonne d'un écho particulier alors que s'annonce désormais la réforme, tant de fois reportée, de nos collectivités locales. À ce sujet, je noterai que si nous examinons ce matin une proposition de loi adoptée voilà plus de deux ans par nos collègues sénateurs, réformer le mode de scrutin pour l'Assemblée de Corse, afin de permettre d'y dégager des majorités claires et cohérentes, figurait également au nombre des propositions formulées par le comité Balladur pour la réforme des collectivités locales.

En 1982, face à la spécificité des difficultés et des enjeux auxquels l'île était confrontée, le Gouvernement et le législateur d'alors avaient souhaité en faire une collectivité au statut particulier, aux structures et prérogatives sensiblement différentes de celles observables sur le continent. Ils avaient également fait le choix, hautement symbolique, de donner à son organe délibérant un titre inédit dans le paysage de nos institutions locales en en faisant l'Assemblée de Corse.

Depuis cette date, plusieurs lois, en 1991 puis en 2002, ont conforté cette tendance en renforçant progressivement les compétences de la collectivité de Corse. Le statut Joxe de 1991 est, pour sa part, également venu enraciner l'originalité de ses structures en distinguant organiquement l'assemblée locale, élue au suffrage universel, de l'exécutif élu en son sein, et en prévoyant, à travers le mécanisme de la motion de défiance constructive, une possibilité pour l'Assemblée de Corse de mettre en cause la responsabilité politique du Conseil exécutif de la collectivité.

Afin de permettre à cette institution de bénéficier de l'assise politique la plus large possible, la loi Joxe avait aussi déterminé, pour l'élection de l'Assemblée de Corse, un mode de scrutin particulièrement favorable aux petites listes en permettant à chacune de celles ayant recueilli plus de 5 % des suffrages de se maintenir au second tour, et en ouvrant à toutes les autres la possibilité de fusionner avec une liste présente au second tour.

Bien que se fondant sur une intention indéniablement louable, ce mode de scrutin n'a pas été sans poser des difficultés dans le fonctionnement quotidien de l'Assemblée de Corse. En effet, plutôt que de garantir ou de conforter le pluralisme politique de l'île, il a eu pour effet la multiplication, sans doute artificielle, de ces petites listes, et a ainsi contribué à un spectaculaire émiettement du spectre politique local.

Ainsi, sur la base d'un mode de scrutin inchangé depuis 1991, dix-neuf listes se sont présentées en 2004 pour siéger à l'Assemblée de Corse ; sept d'entre elles, ayant recueilli plus de 5 % des suffrages exprimés se sont maintenues, quatre autres, n'étant pas parvenues à franchir ce seuil, ont choisi de fusionner avec l'une des listes présentes au second tour. Sur la base de ces élections, les cinquante et un conseillers qui composent l'Assemblée de Corse ont pu former pas moins de dix groupes politiques différents, dont trois comptent seulement deux membres alors que le groupe numériquement le plus important n'en compte que seize.

Une telle fragmentation a des conséquences directes sur la bonne administration de la collectivité. Faute, le plus souvent, de majorités stables et cohérentes à l'issue des élections locales, les grandes décisions doivent être prises sur la base de majorités de circonstance, les difficultés à les réunir constituant autant d'encouragements à l'immobilisme.

Le fait d'être vue comme un terrain d'expérimentation institutionnelle permanente a sans doute porté préjudice à la Corse. C'est peut-être là une des raisons qui ont amené nos concitoyens corses à se prononcer contre le nouveau statut qui leur était soumis en 2003, lors d'une consultation locale. La réforme alors proposée du mode de scrutin pour l'Assemblée locale figure incontestablement au rang des victimes collatérales de cette consultation.

Cette réforme reste pourtant aujourd'hui nécessaire. Je retiendrai que c'est à l'occasion de l'examen d'un texte d'origine parlementaire que nous avons aujourd'hui ce débat. Mais il faut également souligner que, le 16 mars dernier, l'Assemblée de Corse elle-même a émis, par vingt-neuf voix contre deux, un avis favorable au texte adopté par le Sénat, même si un certain nombre de ses membres avaient quitté l'Assemblée, comme cela a été rappelé tout à l'heure.

Le texte dont nous discutons à présent propose de modifier à la marge le mode de scrutin. L'élection des membres de l'Assemblée de Corse continuera à prendre la forme d'un scrutin de liste à deux tours, mais la prime en sièges accordée à la liste ayant recueilli le plus de suffrages sera sensiblement augmentée. Afin de limiter aux seules listes véritablement représentatives l'accès au second tour du scrutin, il est également proposé de porter de 5 % à 7 % des suffrages exprimés le seuil permettant à une liste de se maintenir. Enfin, et alors qu'à l'heure actuelle toutes les listes, y compris celles ayant recueilli une part infime des suffrages, disposent de la possibilité de fusionner avec une liste présente au second tour, un seuil minimal serait fixé en deçà duquel aucune fusion ne saurait être admise.

Cette proposition de loi est également l'occasion d'introduire dans le code général des collectivités territoriales plusieurs aménagements d'ordre technique, permettant notamment de faciliter la constitution du Conseil exécutif de Corse, et qui font, je le crois, consensus entre nous.

Je tiens à rappeler ici l'attachement des parlementaires du Nouveau Centre au principe du pluralisme politique, condition essentielle de la vitalité du débat démocratique. Je souligne que si cette proposition de loi vise à faciliter la constitution de majorités claires à l'Assemblée de Corse, elle n'entravera nullement le pluralisme de l'île mais lui permettra au contraire de s'exprimer dans un cadre plus pérenne.

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