Les objectifs poursuivis par l'article 45 méritent un examen très attentif de notre assemblée car ils concernent la qualité et le coût de l'approvisionnement en médicament des EHPAD. Nous y sommes tous très sensibles.
Quel que soit le mode d'approvisionnement choisi – officine ou pharmacie à usage intérieur –, il est de notre responsabilité de nous assurer que les dispositifs que nous votons garantissent une qualité équivalente de la prestation d'approvisionnement pour un coût comparable et pour tous les établissements.
Mais la mesure proposée est pour le moins prématurée, trop d'éléments faisant aujourd'hui défaut pour une application concrète. Notre commission a pris, en la matière, une position de sagesse.
Le rapport de l'IGAS de 2005, qui traite de ce sujet et auquel l'exposé de motifs fait référence, a préconisé des recommandations ayant pour objectif d'améliorer la qualité des soins, la sécurité de la dispensation et la mise en oeuvre d'une intervention renforcée du pharmacien d'officine au sein de l'établissement en coordination avec le médecin coordonnateur et l'équipe soignante.
C'est donc, très logiquement, dans le prolongement de ce rapport que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 a prévu la publication d'un arrêté fixant le cadre réglementaire des conventions à passer entre les EHPAD et les pharmaciens d'officine pour préciser le bon usage du médicament dans ces établissements en lien avec les médecins coordonnateurs.
Or, deux ans après le vote de la loi, cet arrêté n'est toujours pas publié. C'est pourquoi, avant d'envisager toute évolution de la tarification des médicaments prescrits en EHPAD, il faudrait préalablement donner aux acteurs de terrain la possibilité de conclure ces conventions et d'en mesurer les effets sur la gestion des médicaments dans les établissements concernés. Tel est du reste l'objectif que vous poursuivez et que nous poursuivons.
Le bilan sur la qualité et le coût de cette forme d'approvisionnement devra être fait en concertation avec tous les représentants des professions concernées.
Madame la secrétaire d'État, quand cet arrêté fixant les termes de la convention type organisant l'intervention du pharmacien d'officine dans les EHPAD sera-t-il publié ? Sa parution n'a en effet que trop tardé. Pouvez-vous prendre l'engagement de le publier dans les plus brefs délais et en tout cas avant le début de l'expérimentation ?
Il faut arbitrer très rapidement les questions qui restent à régler, à savoir la préparation des doses à administrer et le lieu de préparation des doses. Une juste rémunération du temps passé doit être définie pour le pharmacien qui accomplit ce travail. C'est du reste de cette façon que procèdent plusieurs pays européens.
Le médicament fait partie des soins et doit être assuré par un pharmacien d'officine de proximité, capable de se rendre dans l'EHPAD pour veiller à la bonne gestion et à leur bon dosage. Le droit européen n'y fait pas obstacle : la Cour de justice des communautés européennes vient de donner raison à l'Allemagne contre la Commission européenne sur un dossier similaire.
Le pharmacien d'officine de proximité doit participer au choix du médicament adapté le moins cher – c'est ce qui est proposé aujourd'hui – mais il doit également participer à sa bonne gestion et à la juste utilisation des médicaments.
Sur le fond de la mesure, l'argumentaire sanitaire qui est développé ne me paraît pas suffisamment pertinent pour justifier l'intégration des produits de santé dans les prestations de soins. Ce n'est pas en intégrant les médicaments dans la dotation de soins des EHPAD que l'on préviendra les accidents iatrogènes et la surconsommation médicamenteuse.
Lutter contre les maladies iatrogènes et la surconsommation médicamenteuse, c'est la mission normale et quotidienne du médecin, qui doit rationaliser et maîtriser ses prescriptions. C'est également celle du pharmacien, qui doit veiller aux contre-indications : certains du reste disposent déjà à cette fin du dossier pharmaceutique, appelé à se généraliser. C'est enfin celle du directeur de l'EHPAD, qui a pour obligation de recruter du personnel infirmier qualifié pour s'assurer de la bonne prise des médicaments.
Si vous voulez renforcer la lutte contre les maladies iatrogènes, il faut permettre aux pharmaciens d'officines de proximité de suivre la dispensation des médicaments dans les EHPAD.
Si les motivations de cette démarche sont financières, les économies attendues seront réalisées non pas par l'assurance maladie mais par les organismes complémentaires. D'ailleurs, le rapport de l'IGAS rédigé par de M. Delomenie estime qu'il est très difficile de chiffrer l'écart des coûts des médicaments, compte tenu de leur forte dispersion et de la diversité des formes d'approvisionnement. Les fourchettes obtenues sont en effet très larges.
L'inclusion des produits de santé dans les prestations de soins conduira l'assurance maladie à supporter l'intégralité des dépenses y afférentes, alors que leur prise en charge est actuellement assurée, pour partie, par les organismes complémentaires, comme pour tout soin dispensé en ville, du reste.
Cette mesure risque de conduire à un alourdissement des dépenses mises à la charge de l'assurance maladie et non pas à une économie que le PLFSS ne chiffre d'ailleurs pas. Aucune évaluation de l'impact financier n'est fournie à ce stade, ce qui est compréhensible car il est très difficile de se livrer à un quelconque exercice de prévision budgétaire en matière de médicaments – personne n'y est parvenu, à ce jour.
Soulignons également que le médecin coordonnateur n'a aucun lien hiérarchique avec ses collègues prescripteurs – qui demeurent libres de leurs prescriptions – et je ne vois pas comment le premier pourrait intervenir auprès du second.
Par ailleurs, cette mesure ne garantirait pas l'égalité d'accès aux médicaments entre les personnes dépendantes qui habitent à domicile et celles hébergées en établissement. D'un côté, certaines personnes âgées ne pourront bénéficier que d'un nombre de médicaments limité dans le cadre d'une enveloppe budgétaire restreinte ; à l'inverse, les autres relèveront du droit commun.
Il faut être attentif au fait que certaines personnes âgées pourraient ne pas avoir accès à des médicaments onéreux selon qu'elles vivent à leur domicile, ou qu'elles sont hébergées en EHPAD.
Pour l'ensemble de ces motifs – incertitudes sur l'existence d'économies, difficultés à les chiffrer, résultats incertains sur la santé des personnes âgées,…