Dans son rapport 2009 sur l'état du mal-logement, la Fondation Abbé-Pierre consacre de longs développements à la question de la place faite aux plus fragiles de nos concitoyens dans l'espace urbain, aux risques de spécialisation sociale de certains quartiers et aux tensions entre l'objectif de mixité sociale et le droit au logement.
Nous sommes invités à conjuguer la mixité sociale et le droit au logement et non à opposer l'un à l'autre, afin de ne pas invalider les efforts déployés pour éviter que certaines zones du territoire ne basculent dans la logique du parking social.
Or ce texte prend l'exact contrepied d'une telle exigence. En effet, au lieu de revoir à la hausse les ambitions et les moyens de la politique de rénovation urbaine, vous contraignez les uns – les ménages moyens – à laisser leur place aux autres, les plus démunis, afin de vous dédouaner de vos responsabilités en matière de construction de logements sociaux économiquement accessibles.
Plusieurs habitants de Colombes m'ont fait part de leur colère et de leur incompréhension devant plusieurs dispositions du projet de loi, dont celles relatives à la mobilité contrainte et à l'abaissement des plafonds de ressources pour accéder au logement locatif social. Leur réaction est d'autant plus compréhensible que seulement trois logements sociaux ont été financés entre 2003 et 2006 sur cette commune de ma circonscription.
Selon ces personnes, la responsabilité de la crise du logement n'incombe ni aux locataires ni aux candidats à ce type de logements. De plus, ce n'est pas en interdisant l'accès des logements sociaux aux personnes à revenus moyens, notamment dans les zones où les loyers du secteur privé sont les plus élevés, que le nombre de logements construits augmentera et que les portes du logement social et du parc locatif privé seront plus faciles à ouvrir.
Mme Dominique Dujols, directrice des relations institutionnelles de l'Union sociale pour l'habitat ? a exprimé la même idée au cours de son audition devant la commission des affaires économiques : « La baisse des plafonds n'est pas la solution au problème de pénurie de logements. En effet, abaisser les plafonds fait diminuer le seuil d'exclusion des ménages à la limite des classes moyennes, alors même qu'il risque d'y avoir un écart de loyer important par rapport aux loyers du secteur libre, ce qui se passe en zone tendue. Faire partir les gens en zone détendue est peut-être flatteur, mais n'a aucune utilité en termes de politique du logement. Dans les zones tendues où ce serait utile, par exemple à Paris, où le rapport des loyers est de un à quatre, si l'on demande à un couple d'infirmiers, dont les revenus dépassent de 42 % les plafonds de ressources, de partir parce qu'il encombre le logement social, où va-il aller ? Les files d'attente sont telles que les ménages qui entrent aujourd'hui dans le parc ne sont pas au sommet des plafonds de ressources. Nous ne nous sommes donc pas battus sur les plafonds car cela n'a aucun effet immédiat sur les catégories de nouveaux entrants. Cela peut en revanche avoir un effet de gonflement des surloyers, dont le barème ancien était souvent très symbolique et pas assez élevé pour les dépassements élevés, le barème à venir, conjugué aux 10 % de baisse des plafonds devant s'appliquer au surloyer des locataires en place, ce que nous ne souhaitons pas. Il serait en effet logique qu'un ménage entré dans les plafonds ne paie pas, après quelques mois, un surloyer parce que les plafonds ont baissé. II ne s'agit pas là d'une politique porteuse ! »
Considérant que ni la baisse des plafonds de ressources ni la pénalisation financière des actuels locataires de logement sociaux ne sont des solutions à la pénurie du logement social, considérant en outre, avec la Fondation Abbé-Pierre, que ces mesures auront des effets négatifs sur la mixité sociale, nous vous proposons de supprimer l'article 21. (« Très bien ! » sur les bancs des groupes GDR et SRC.)