C'est particulièrement vrai dans le domaine des transports. Monsieur le président de la commission des affaires économiques, vous avez dit tout à l'heure : « Le Grenelle, rien que le Grenelle, mais tout le Grenelle ! ». Je vous réponds : « En matière de transports, chiche ! ». Car il y a d'énormes écarts entre les engagements, pris et réitérés par le Président de la République, et ce que le texte nous propose aujourd'hui.
Même si on acceptait un Grenelle réduit parce que l'intention est là, que les orientations sont intéressantes, qu'il y a un virage – à gauche ou à droite, peu importe, l'essentiel, c'est qu'on y aille ! –, comment faire sans aucune marge de manoeuvre budgétaire ? Je vous entends bien, monsieur le ministre d'État. Vous nous dites que ce sera financé par les économies qui découleront du dispositif. Mais ce genre de raisonnement n'est pas toujours validé. La crise financière actuelle risque de porter aux espoirs un coup encore plus fatal. Un grand patron que nous avons rencontré ce midi, Carlos Ghosn, nous a exprimé ses craintes : non pas que les salariés obtiennent des augmentations de salaires ou que les composants de la marge évoluent, mais que, faute de crédits, il ne puisse bientôt plus investir suffisamment dans le développement durable. En plus, nous craignons qu'ensuite, une fois cette crise en diminution, ce soient les salariés et les collectivités publiques qui jouent le rôle d'amortisseurs pour que ceux qui ont été à l'origine de la crise bénéficient, plus tard, d'un amortissement encore plus confortable.
Il est vrai que des enjeux nouveaux sont posés par de nombreux progressistes. Le programme des Nations unies pour l'environnement n'émane pas de bolcheviques échevelés. (Sourires sur divers bancs.) Ceux qui l'ont élaboré disent pourtant que si l'on veut résoudre la crise écologique, il faut arrêter la privatisation généralisée des ressources et des services. C'est la reconnaissance que l'énergie, l'air et l'eau constituent des biens communs de l'humanité.
Il faut aussi sans doute inventer un nouveau type de développement, non productiviste, susceptible de préserver la planète pour notre génération et pour celles qui viennent tout en maintenant et en poursuivant notre ambition d'égalité et de justice sociale. Une telle ambition est absente de l'article 1er de votre texte de loi, monsieur le ministre d'État. Sans doute que cet oubli sera réparé pendant la discussion des articles, mais, jusqu'à présent, les aspects sociaux n'étaient pas pris en compte dans le cadre du développement durable. Le Grenelle a suggéré des questions nouvelles, parmi lesquelles : produire comment, en faveur de qui et pour répondre à quels besoins ? Comment garantir l'accès de tous aux biens et aux services indispensables ? Comment mettre l'être et son environnement naturel au coeur du développement, alternative aux logiques à court terme du profit ?