Puisque, en France, le quart des logements est chauffé au fioul et que 700 000 foyers modestes touchent la prime à la cuve, une taxe sur les profits pétroliers ne doit pas seulement aider les plus démunis à remplir leur cuve ; elle doit les aider également à changer leur système de chauffage en utilisant des énergies renouvelables.
Si nous en avons la volonté politique, nous pouvons dégager les moyens d'une réelle mise en oeuvre du Grenelle. Je laisserai le soin à mes collègues de développer plus précisément les divers thèmes abordés dans la loi, mais, compte tenu de son importance dans le sujet qui nous préoccupe, je souhaite, pour terminer, insister sur le bâtiment ou plus exactement sur le logement, qui illustre parfaitement l'approche que j'ai évoquée, en termes de développement durable.
Indicateur et moteur de l'activité économique, le logement répond à un droit social fondamental, et c'est, dans l'immédiat, la principale source d'économies d'énergie et de réduction des gaz à effet de serre. La loi Boutin est en préparation. Une loi commune aux deux ministères aurait permis de s'assurer que le traitement des urgences écologiques, dans le neuf ou la réhabilitation, était compatible avec des coûts économiques de sortie permettant l'exercice du droit au logement, et ce dans le public comme dans le privé.
En effet, la précarité énergétique n'existe pas que dans le logement social : plus de la moitié des familles modestes habitent dans des logements privés. Nous nous contentons de soigner le symptôme, les impayés de factures. Mais il est urgent de s'attaquer à la source du problème et d'effectuer les travaux nécessaires pour améliorer la performance énergétique des logements. Là encore, la solution écologique passe par le social. Nous n'atteindrons pas les objectifs du Grenelle en matière de lutte contre le changement climatique sans prendre en compte sérieusement les personnes n'ayant pas les moyens de financer les travaux d'économie d'énergie nécessaires à la réalisation de ces objectifs. Ou alors, elles subiront une exclusion supplémentaire.
Pour le neuf, les normes affichées sont ambitieuses. Elles resteront à vérifier lors de la discussion de l'article 4. Compte tenu de l'expérience de la HQE, la haute qualité environnementale, la question du contrôle se posera très vite, si l'on veut que les normes soient appliquées.
Quant à l'ancien, assez tergiversé ! Nous savons tous qu'il représente l'enjeu principal. Nous avons convenu qu'il y a urgence. Compte tenu de l'inertie dans le renouvellement du parc, il faut obliger à un minimum de travaux à la revente, permettant d'améliorer les performances thermiques et énergétiques des logements. Il faut aussi mettre en place des mesures incitatives permettant à tout moment aux locataires et aux propriétaires, d'un commun accord, de réaliser des travaux. Enfin, il faut aider ceux qui n'en ont pas les moyens, à sortir de la précarité énergétique.
Vous allez citer l'éco-PTZ, monsieur le ministre, mais celui-ci risque de ne pas être mis en place pour deux raisons : la contraction du crédit lié à la crise financière et le manque de main-d'oeuvre formée et disponible dans ces secteurs. L'éco-PTZ, bonne mesure en soi, doit être étendu au logement social mais, pour qu'il soit efficace, il faut de la main-d'oeuvre.
Le Comité économique et social l'a souligné : un effort de formation massif doit être entrepris en urgence. Nous avons des jeunes demandeurs d'emploi, des marchés porteurs de créations d'emploi, l'argent de la formation continue, des organismes de formation initiale et continue – autant dire que nous avons tout pour réussir. Il est indispensable que l'État réunisse les partenaires concernés, éducation nationale, régions ou grandes entreprises, pour mettre en oeuvre en urgence un plan pluriannuel de formation dans ces secteurs, qui permette de répondre à la demande. Sinon, l'éco-PTZ ne se mettra pas en place, ce que certains souhaitent peut-être, afin de ne pas augmenter la dépense budgétaire. La crédibilité des objectifs affichés concernant le bâtiment dépend donc d'abord, en amont, de l'effort de formation.
En conclusion, pour être crédible, la loi que vous nous proposez doit être l'occasion d'une vraie rupture dans les comportements et les politiques que vous avez soutenus jusqu'ici. Oui, l'État doit être exemplaire, non seulement dans les intentions, mais dans l'ensemble de ses actes. Je rappelle en particulier trois points qui nous paraissent essentiels.
Le premier est la réponse à la question du Comité économique et social sur le partage des charges du Grenelle entre les ménages, les entreprises, les collectivités territoriales et l'État, afin que l'on voie bien l'effort de chacun.
Le second consisterait à geler les réformes actuelles, en particulier celle de la carte hospitalière, de la carte judiciaire et de La Poste, mais plus généralement de l'ensemble des services publics, pour permettre une analyse en termes de bilan carbone global des déplacements induits par les réorganisations projetées. La proximité est indispensable non seulement à l'aménagement du territoire, mais aussi à la réalisation des objectifs du Grenelle. Je le dis à tous ceux qui sont attachés à la proximité des services, quel que soit le groupe auquel ils appartiennent.
Troisièmement, il faut profiter du questionnement lié à la crise actuelle pour abandonner la référence idéologique néolibérale concernant la réduction de l'impôt. Par ce biais, vous dégagerez les moyens de mettre en oeuvre le Grenelle de l'environnement et d'alléger la charge de la dette, prenant en compte ainsi les générations futures. Concrètement, il s'agit de revenir sur le bouclier fiscal, le paquet fiscal et de réfléchir à une fiscalité adaptée au XXIe siècle, c'est-à-dire plus juste socialement pour être efficace sur les plans économique et environnemental.
Aujourd'hui, de même que vous souhaitez une unité nationale à propos de la crise financière, certaines associations partenaires du Grenelle de l'environnement souhaitent une sorte d'unité nationale sur les questions écologiques. Mais celles-ci ne sont pas séparables de leur contexte économique et social. L'unité nationale n'est possible que dans la justice sociale. Pour pouvoir se projeter dans les générations futures, il faut d'abord pouvoir le faire dans sa propre histoire. Mme Brundtland ne disait pas autre chose en 1987, lorsqu'elle écrivait que la meilleure façon d'atteindre les objectifs écologiques était de lutter contre la pauvreté.
Dans ce contexte, monsieur le ministre, vous nous proposez une loi d'un nouveau type, qui n'est pas prévue par la Constitution : une loi d'intentions,…