Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Philippe Tourtelier

Réunion du 8 octobre 2008 à 15h00
Grenelle de l'environnement — Exception d'irrecevabilité

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Tourtelier :

…qui dira : « L'idée de déréguler le marché du travail était une idée folle. Elle a installé les Français dans la précarité qui occulte l'avenir. Ne pouvant se projeter dans le futur, ils ne pouvaient se préoccuper de l'environnement et des générations futures. »

Alors, passons aux actes car il est vrai, comme le dit le Président, qu'il faut « un nouvel équilibre entre l'État et le marché. » L'ère de la concurrence toute-puissante est en effet derrière nous. La demande de régulation des marchés est très forte. Le protocole de Kyoto essaie d'ailleurs d'associer un dirigisme d'État planétaire par les quotas, ainsi que des mécanismes de marché pour la répartition de ces quotas. Les certificats d'économie d'énergie, les bonus ou les malus, tentent aussi de réguler les marchés, en orientant les conditions de la concurrence.

Cette régulation est nécessaire, car nos concitoyens contribuables ne pourront admettre plusieurs Crédit Lyonnais ou autre Dexia. Si l'État est acculé aujourd'hui, dans l'urgence, à sécuriser les dépôts des Français, le retour de l'État préconisé par le Président de la République ne peut se réduire à une garantie pour les actionnaires assurée par les contribuables, avec une privatisation des profits et une socialisation des pertes. « Travailler plus pour gagner plus » peut-être, mais pas pour enrichir les rentiers qui, eux, ne font travailler que leur argent. L'État doit réguler les « forces libres du marché » qui sont dans le court terme, car il est garant du long terme : le développement durable.

Mais comment assurer le retour de l'État souhaité par le Président de la République avec moins de rentrées fiscales ? Si nous voulons le développement durable, il faut une réhabilitation idéologique de l'impôt, que critiquent depuis plus de vingt ans les néolibéraux. Avec le terme d'impôt, on n'a retenu que la contrainte : chacun doit payer ce qui est imposé. Mais on oublie que cet impôt est perçu par le service des « contributions directes ». Or ce dernier terme est beaucoup plus positif. Ce que l'on paie, c'est sa contribution à la bonne marche économique du pays, à sa cohésion sociale, au maintien d'un environnement sain et agréable, bref aux politiques menées par ceux qui ont été élus après des débats démocratiques. N'est-il pas paradoxal de voir ceux qui ont été élus sur des projets politiques se priver volontairement des moyens de les mener, en se fondant sur une idéologie économique dépassée et qui, surtout en ce moment, montre ses limites ?

D'ailleurs, les responsables locaux que nous sommes ou que nous avons été, pour beaucoup d'entre nous, s'ils essaient tous de modérer l'augmentation des impôts locaux, les baissent très rarement. En effet, dans la proximité de nos collectivités territoriales, ils voient immédiatement le lien entre l'impôt et le service rendu, et ils perçoivent la demande croissante de services. Au lieu d'asséner au niveau national des pseudo-vérités néolibérales, faisons de la pédagogie comme nous le faisons dans nos collectivités. Nous aurons alors des moyens pour mener nos politiques, moyens qui manquent à cette loi de mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement.

La question de la répartition des charges a été posée par le Conseil économique et social, cela vient d'être rappelé : quelle doit être la répartition dans le temps entre les ménages, les entreprises, les collectivités territoriales et l'État ? Elle n'a reçu aucune réponse. Je ne peux croire que vous n'ayez pas fait des calculs pour fixer des ordres de grandeur, dans le temps, du coût des mesures du Grenelle et de leur répartition. Mais il est indispensable que nous en discutions, car, sans justice sociale, il ne peut y avoir de mobilisation environnementale. Réfléchir sur la place réciproque de la fiscalité et du marché dans la répartition des charges et des ressources est essentiel. Cela nous permettra peut-être d'inventer les instruments adaptés aux nouvelles régulations du XXIe siècle. La réflexion sur le bonus-malus qui oriente le marché est une de ces pistes. Encore faut-il s'assurer que, socialement, chacun puisse en profiter.

Il faut aussi réfléchir sur la contribution climat-énergie, demande forte du Grenelle, qui est à peine reprise dans ce projet de loi, le COMOP devant l'étudier n'ayant pas encore été mis en place.

Enfin, la proposition faite par la mission « Effet de serre » d'asseoir une partie des cotisations sociales – je parle bien de cotisations et non de charges – sur des critères environnementaux, qui se substitueraient aux cotisations sur le travail, mérite d'être étudiée, en particulier avec les partenaires sociaux, mais aussi avec les organisations environnementales. Depuis 1999, il existe en Allemagne une démarche de ce type, qui n'est plus remise en cause aujourd'hui. Entre 1999 et janvier 2003, elle a permis de réduire la consommation et de transférer 60 milliards d'euros aux caisses de retraite, ce qui a abaissé de 2 % le coût des cotisations des salariés et des employeurs. Voilà qui mérite réflexion.

Pour terminer sur les moyens à mobiliser, est-il immoral d'instituer un prélèvement sur les profits des compagnies pétrolières ? Rappelons que le rendement des actions de Total au premier semestre 2008 est de 30 %. Monsieur Ollier, vous faisiez allusion en commission aux profits capitalistiques excessifs de certains promoteurs d'éoliennes. Luttons plutôt contre les profits excessifs liés au pétrole, activité qui nous coûte très cher par ses conséquences sur le réchauffement climatique, que contre ceux qui proviennent d'une activité qui nous aide à lutter contre ce réchauffement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion