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Intervention de Philippe Tourtelier

Réunion du 8 octobre 2008 à 15h00
Grenelle de l'environnement — Exception d'irrecevabilité

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Tourtelier :

…qui nous paraissaient essentiels, par exemple sur l'urgence, la place de l'outre-mer, la formation, l'allocation de base pour l'électricité. Mais il faut bien admettre que c'est plus facile d'obtenir ce bon climat pour une loi très peu normative. On est d'autant plus facilement d'accord sur les bonnes intentions, que, comme on dit chez moi, « ça ne mange pas de pain », car l'article 40 a permis d'éliminer tous les amendements qui fâchent, mais qui auraient pu redonner de la crédibilité à la loi en complétant des listes d'opération ou en précisant la participation financière de l'État pour atteindre les objectifs énoncés.

Ainsi, le positionnement de votre ministère dans l'architecture institutionnelle actuelle du Gouvernement ne vous a pas permis d'atteindre vos objectifs législatifs : une véritable loi programme. En fait, la RGPP ne répond pas à la nouvelle façon de poser les problèmes du XXIe siècle. Or, vous l'avez dit vous-même, monsieur le ministre, si nous voulons répondre aux défis du XXIe siècle, c'est un changement profond de fonctionnement de nos sociétés, sinon un changement de civilisation.

C'est d'abord, en particulier en Occident, la remise en cause de notre façon de penser la place de l'homme dans la nature. Depuis plusieurs siècles, l'homme se définit par sa culture, c'est-à-dire par son opposition à la nature qu'il aurait vocation à dominer et à exploiter. Mais s'il est vrai que l'homme est un être de culture, il n'en demeure pas moins dans la nature. Toute agression définitive à la nature est, à terme, une agression contre lui-même. D'où l'importance, d'une part, de préserver la biodiversité ; d'autre part, de considérer le caractère fini de certaines ressources naturelles. Ce dernier point va à l'encontre des modes de pensée et de comportement de nos sociétés de consommation : puisqu'on n'est pas dans un monde sans limite, il faut sortir, selon le mot d'Edgar Morin, de notre « intoxication consumériste », qui a été rendue possible en particulier par un pétrole bon marché et considéré comme inépuisable. On privilégie le quantitatif, alors que toutes les études sociologiques montrent que l'accumulation des biens matériels ne suffit pas pour le bonheur, individuel ou collectif.

Il faut passer au qualitatif, poser les vraies questions et les vraies réflexions : la qualité de vie et le sens de la vie, ce qui, par exemple, pose la question du temps de travail tout au long de la vie, bien au-delà de la question des 35 heures.

Autre révolution copernicienne dans nos modes de pensée : en économie, le prix doit intégrer non seulement le coût du capital et le coût du travail, mais aussi le coût du prélèvement sur les ressources naturelles ou de leur renouvellement, et le coût des externalités négatives comme le réchauffement climatique. On voit la difficulté de le faire à tous les niveaux, que ce soit au niveau mondial avec le protocole de Kyoto ou au niveau national avec le bonus-malus.

C'est une remise en cause du fonctionnement actuel de l'économie de marché qui ne peut envoyer des « signaux prix » efficaces pour l'allocation de ressources puisque les prix sont faux. C'est aussi une remise en cause de la mesure de performance de nos économies par le PIB qui est uniquement quantitatif : la catastrophe de l'Erika pollue nos côtes, mais augmente le PIB.

Le Président de la République a eu raison de solliciter deux prix Nobel pour réfléchir sur de nouveaux indicateurs qui nous obligeront à sortir de la logique économique ultra-libérale actuelle, car elle ne peut conduire à un développement économiquement durable, et elle a des conséquences sociales et écologiques souvent désastreuses.

Mais il ne faut pas se limiter à la remise en cause des indicateurs. La réussite du Grenelle de l'environnement est incompatible avec la politique néo-libérale menée par le Gouvernement. Notre situation budgétaire, particulièrement dégradée par la politique fiscale menée depuis 2002, a amené le Président de la République, dans un contexte mondial certes difficile, à revenir sur plusieurs de ses engagements comme la baisse des prélèvements obligatoires. Il faut aller plus loin pour que la France retrouve les moyens financiers de mener des politiques. Il faut revenir sur le bouclier fiscal et le paquet fiscal, qui ont montré leur inefficacité à relancer notre économie et nous privent, dans l'immédiat, de capacités de réaction dans la crise financière mondiale actuelle et, à l'avenir, de moyens pour mettre en oeuvre les mesures du Grenelle de l'environnement.

La majeure partie de ces cadeaux faits aux plus riches est allée alimenter la spéculation financière ambiante. Il faut réorienter ces sommes vers le soutien du Grenelle de l'environnement dont les actions proposées peuvent être créatrices de milliers d'emplois durables à condition qu'elles soient financées.

Le Président de la République a raison de vouloir mettre de l'éthique dans les systèmes financiers, mais il faut aussi en mettre dans notre fiscalité. Le bouclier fiscal est aussi immoral que les parachutes dorés : ce sont deux instruments pour protéger les plus riches. Or, la fraternité, c'est d'abord de protéger les plus faibles. Pourquoi certains – les plus aisés – seraient-ils exonérés des efforts demandés à l'ensemble de nos concitoyens ?

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