Monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous commençons aujourd'hui – j'allais dire « enfin ! » – l'examen de la transposition législative des travaux du Grenelle de l'environnement. Enfin, parce que l'attente était forte, après les conclusions du Grenelle, et légitime compte tenu du succès de cet exercice de démocratie qui a permis de faire dialoguer divers partenaires de ce qu'il est convenu d'appeler la société civile. Outre la méthode retenue, le Grenelle de l'environnement a légitimé à juste titre les associations environnementales comme partenaires indispensables des politiques publiques. Le succès du Grenelle de l'environnement a donc créé une attente de concrétisation d'autant plus forte que le sentiment général issu des travaux était celui de l'urgence des mesures à prendre pour atténuer le réchauffement climatique : en effet, celui-ci aura des répercussions dans tous les domaines de notre environnement. Si nous voulons limiter le réchauffement moyen à 2 degrés supplémentaires d'ici à 2050, nous devons passer le pic de CO2dans les vingt ans qui viennent.
M. Rajendra Pachauri, président du Groupe international d'experts sur l'évolution du climat, le confirme dans Le Monde du 8 juillet 2008 : « Pour contenir la hausse des températures en deçà de 2 degrés, 2,4 degrés, qui est la ligne à ne pas franchir pour ne pas se mettre gravement en danger, il ne nous reste que sept ans pour inverser la courbe mondiale des gaz à effet de serre. »
En effet, si le réchauffement est supérieur à 2 degrés, nous savons que les risques seront énormes, les bouleversements géopolitiques considérables et sources de grande violence. Je ne développerai pas davantage car je sais que nous sommes d'accord sur le diagnostic, l'adoption en commission de notre amendement rappelant l'urgence l'a montré.
Il y a donc urgence, mais ne tombons pas dans le catastrophisme qui n'est pas mobilisateur et qui conduit plutôt à la résignation. Considérons plutôt la question du changement climatique comme un des principaux défis du XXIe siècle, défi qui, pour la première fois dans l'histoire de l'Humanité, est planétaire, mettant en évidence la solidarité de fait qui lie les femmes et les hommes de notre planète.
Il y donc urgence à prendre des mesures permettant la mobilisation de chacun. Les opinions publiques occidentales sont prêtes : les dérèglements climatiques – canicule, violence des cyclones et ouragans, inondations – ont sensibilisé nos concitoyens aux travaux du GIEC, qui ont été repris par les médias. Chacun, soucieux de l'avenir de ses enfants et des générations futures, commence à s'interroger sur nos comportements collectifs avant de s'interroger sur ses propres comportements.
Les lois de mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement doivent répondre à cette attente. Or on a senti monter progressivement une inquiétude chez un certain nombre de partenaires du Grenelle et dans une partie de l'opinion : et si ces lois ne se réduisaient qu'à des effets d'annonce complètement inadaptés à l'urgence des mesures à prendre ?
D'où vient ce scepticisme ? Le climat créé par la crise financière actuelle est bien sûr défavorable, dans l'immédiat au moins, à la discussion de cette loi. D'abord, parce que les médias sont revenus dans le présent, alors que le Grenelle exige de se projeter dans le futur. Ensuite, parce que la crise financière est une crise du crédit.
Or, on semble oublier que crédit veut dire confiance : faire crédit à quelqu'un, c'est d'abord lui faire confiance, c'est ensuite seulement lui prêter de l'argent parce qu'on lui fait confiance. Cette crise financière est une crise de confiance qui touche l'ensemble de votre gouvernement, qui depuis un an nous répète que, comme le nuage de Tchernobyl, la crise ne nous atteindra pas. Ce manque d'anticipation n'est pas de bon augure quand on discute d'un texte où on doit se projeter dans le futur. Cette perte de crédibilité globale nuit ainsi à vos propositions du Grenelle, d'autant plus qu'elle renforce l'interrogation sur les moyens disponibles pour sa mise en oeuvre. On ne peut que regretter de n'avoir pas discuté de cette loi en juin dans un climat plus serein.
D'ailleurs, les reports successifs de l'examen de la loi avaient commencé à nourrir le scepticisme en donnant le sentiment que cette loi n'était pas prioritaire, et donc qu'il n'y avait pas d'urgence. Ce d'autant plus que la plupart des décisions prises en 2008 sont contraires à l'esprit du Grenelle de l'environnement. C'est d'abord l'annonce, sans concertation, par le Président de la République, de la construction du deuxième EPR.