Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, madame et monsieur les secrétaires d'État, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui un projet de loi très attendu. Je ne reviendrai pas longuement sur la présentation de ce texte, sinon pour rappeler son importance pour l'avenir. Face à l'urgence écologique, la France a un rôle majeur à jouer. Elle doit prendre les mesures nécessaires pour éviter les effets les plus catastrophiques liés au changement climatique et à la dégradation de la biodiversité. La mise en oeuvre des conclusions du Grenelle doit se traduire par une véritable révolution sociale et une mutation vers une économie durable.
Compte tenu de l'importance de ce projet de loi, la commission des lois a souhaité se saisir pour avis de trois de ses articles qui traduisent les engagements du Grenelle de l'environnement en matière de gouvernance écologique.
Les principes directeurs de cette gouvernance écologique sont les suivants : premièrement, prendre en compte des objectifs de développement durable, de manière transversale, dans les différentes politiques publiques ; deuxièmement, avant de prendre des décisions ayant un impact sur l'environnement, pratiquer plus largement la concertation notamment avec les partenaires institutionnels que sont les collectivités, les entreprises, les syndicats et les associations ; troisièmement, mieux informer le public en matière environnementale ; quatrièmement, revitaliser les procédures de participation du public préliminaires aux grandes opérations d'investissement public ou d'aménagement du territoire. Les articles dont s'est saisie la commission des lois ont une importance toute particulière ; je les détaillerai brièvement avant de vous présenter les amendements que nous vous proposons.
L'article 42, tout d'abord, prévoit que l'État doit être exemplaire en matière environnementale, aussi bien dans ses politiques que dans son fonctionnement courant. Il dispose notamment que l'État doit évaluer les conséquences environnementales de ses projets de décision, ce qui prendra la forme, en matière législative, d'études d'impact. Par ailleurs, les administrations devront réaliser des efforts de réduction de leur consommation d'énergie et de leurs émissions de gaz à effet de serre, ce qui sera mesuré par des indicateurs spécifiques transmis au Parlement. L'État devra également réorienter ses achats vers les produits écologiques, notamment pour les achats de véhicules.
L'article 44 donne plusieurs orientations en vue de mieux articuler les actions des collectivités territoriales et celles de l'État en matière de développement durable. Il existe aujourd'hui un enchevêtrement très complexe des compétences environnementales entre l'État et les différents niveaux de collectivités. Pour introduire une certaine coordination, l'article 44 demande notamment que la stratégie nationale de développement durable soit élaborée en partenariat avec les collectivités territoriales et que, au niveau local, les actions étatiques et locales soient articulées dans le cadre des « Agendas 21 » territoriaux. L'État devra par ailleurs jouer un rôle d'impulsion pour inciter les collectivités à réaliser des bilans carbone ou à lancer des actions de protection de l'environnement. Enfin, les évaluations environnementales réalisées avant l'adoption des documents d'urbanisme – notamment les SCOT – seront renforcées.
L'article 45 concerne plus spécifiquement les procédures d'information et de participation du public. Ces deux aspects sont indissociables car, sans information accessible et pertinente, les citoyens ne sont pas en mesure de participer réellement à la prise de décision. L'État devra réorganiser l'information environnementale et en faciliter l'accès, en regroupant par exemple les informations sur un site Internet unique. L'expertise sera également réorganisée pour que soient garanties sa fiabilité et son impartialité ainsi que l'indépendance des experts.
Enfin, l'article 45 prévoit également de rénover les procédures de débat et d'enquête publics dans le cadre des grands projets publics. Actuellement, ces procédures s'apparentent souvent à une concertation de façade dans la mesure où aucune variante n'est proposée dans les dossiers du projet. De plus, le système du dossier papier que l'on consulte en mairie avant d'émarger le registre d'enquête est obsolète, quand l'utilisation d'Internet permettrait de rendre la procédure plus interactive.
La commission des lois a adopté plusieurs amendements à ces trois articles, afin de définir plus précisément les engagements de l'État. La commission propose notamment de renforcer l'obligation d'achat de véhicules éligibles au « bonus écologique ». Un autre amendement prévoit une simplification des procédures d'enquête publique. Il existe en effet aujourd'hui une multitude de régimes d'enquête publique différents, qui ne sont pas régis par les mêmes règles. Ainsi, un même projet peut donner lieu à plusieurs enquêtes différentes. La commission des lois propose donc de regrouper ces régimes et de simplifier les procédures.
Ainsi amendées, les différentes mesures du projet de loi en matière de gouvernance écologique devraient permettre à l'État et aux collectivités territoriales de mieux prendre en compte les préoccupations environnementales et, plus largement, les conséquences à long terme de leurs actions.
Je voudrais, dans un second temps, évoquer d'autres aspects du texte qui me paraissent essentiels. Ce projet de loi me semble cohérent et fidèle aux conclusions du Grenelle de l'environnement, Cependant, comme tout texte, il peut être amélioré, et c'est en ce sens que j'ai déposé un certain nombre d'amendements.
L'article 36 énonce des objectifs relatifs au traitement des pollutions lumineuses nocturnes et des nuisances sonores, deux sujets sensibles auxquels il est important de prêter attention. Je suis particulièrement satisfait que ma proposition de loi relative aux pollutions lumineuses, déposée en mai 2008, ait pu être intégrée au projet de loi, et je rappelle qu'en 2005, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, alors députée, avait, elle aussi, déjà déposé un texte à ce sujet.
En effet, toute lumière émise au-delà du strict nécessaire représente autant d'énergie gaspillée, ce qui va à l'encontre des engagements contenus dans le protocole de Kyoto pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. J'ai donc proposé un amendement afin de prendre en compte les pollutions lumineuses intérieures. En effet, les éclairages intérieurs ne sont pas toujours utiles, et il convient de les limiter. La pollution lumineuse par l'émission généralisée et croissante de lumières artificielles liée aux activités humaines provoque des perturbations biologiques : les lumières excessives perturbent la faune, la flore et la santé humaine. Le « suréclairage » est donc à l'origine d'un dérèglement de la biodiversité et d'un gaspillage énergétique qui peut facilement être réduit si l'on modifie la conception, l'implantation et la gestion des luminaires. Il ne s'agit bien évidemment pas de supprimer l'éclairage artificiel – dont chacun reconnaît la nécessité – mais plutôt d'en faire un usage raisonnable de manière à réaliser des économies d'énergie.
En tant que nouveau président du Conseil national du bruit et député d'une circonscription particulièrement touchée par ce type de nuisances, je sais à quel point les nuisances sonores, notamment aéroportuaires, importunent nombre de riverains. Aussi, les articles 11 et 36 du texte, qui traitent spécialement de ce type de nuisances, ont-ils attiré toute mon attention et justifié que je dépose ou cosigne plusieurs amendements. Les mesures liées à l'insonorisation des bâtiments sont particulièrement importantes : la maîtrise de l'urbanisation autour des aéroports constitue un enjeu majeur pour éviter que de nouveaux administrés ne soient soumis aux nuisances sonores. Cependant, il existera toujours des riverains qui souffriront des nuisances, et il faut penser à des moyens pour les protéger et pour les indemniser. L'ACNUSA jouant un rôle particulièrement important dans la mesure et le contrôle des nuisances sonores générées par le trafic aérien, il me semble souhaitable d'élargir ses compétences afin de faire de cette autorité une véritable référence en matière de prévention des nuisances sonores.
Je tiens également à appeler votre attention sur le chapitre sensible du traitement des déchets. L'article 41 de la loi de programmation fixe les objectifs en la matière, pour réduire la production des déchets, améliorer le recyclage ainsi que l'encadrement réglementaire et l'accompagnement économique. Ce sont en effet des points essentiels à prendre en compte. Cependant, un sujet n'a pas été abordé et me paraît important : le suremballage.
Le volume croissant des déchets ménagers pose d'importants problèmes, et la prévention du traitement des déchets est une réelle priorité. Le suremballage représente une proportion importante des déchets ménagers collectés par les collectivités locales. Le 25 octobre 2007, lors de la conclusion du Grenelle de l'environnement, le Président de la République s'est exprimé en faveur de toute initiative permettant « d'interdire ou de taxer les déchets inutiles comme le suremballage ». Il convient donc d'encourager et d'amplifier ce mouvement en faveur de la réduction des emballages indésirables, et j'ai déposé un amendement en ce sens.
Bien entendu, l'ensemble du texte est essentiel. Cette loi de programme sera la base même du projet de loi dit « Grenelle II ». Les principes consacrés par ce projet de loi devront ensuite être mis en oeuvre, et la préparation des mesures concrètes qui seront proposées lors d'une seconde phase mobilise dès à présent tous les acteurs du Grenelle de l'environnement.
La mécanique est d'ores et déjà lancée, et le projet que nous examinons est une première étape vers la nécessaire mutation environnementale de la société française. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)