Ce travail complexe a été mené, prolongé et approfondi au sein de trente-trois comités opérationnels qui ont rassemblé plus de 1 200 personnes, élus, professionnels, syndicalistes, experts, salariés, représentants des entreprises. L'objectif était de dénouer tous les pièges opératoires, d'élaborer tous les processus opérationnels pour rendre le Grenelle techniquement réaliste et crédible, bref, techniquement possible.
Aujourd'hui, ce travail gigantesque de la nation tout entière vient devant le Parlement qui va devoir trancher, et donner au pays un cap clair et une feuille de route précise avec des objectifs chiffrés, les moyens pour les atteindre et un calendrier.
Un sondage de l'institut SOFRES des 2 et 3 octobre 2008, montre – et ce n'est pas un hasard – que 88 % des Français approuvent la méthodologie du Grenelle. Mieux, ils considèrent que cette méthode, faite de concertation, de rapprochement des points de vue, d'acceptation et de gestion des contradictions, devrait être appliquée à d'autres chantiers économiques et sociaux.
Bien sûr, l'exercice est complexe : l'économie et la technique seules ne suffiront pas à résoudre cette équation à plusieurs inconnues sans un travail essentiel sur les causes. Complexe, parce que cette feuille de route doit réconcilier tous les acteurs de la société autour d'un projet commun pour faire émerger une société sobre en carbone, une société respectueuse de la nature et des fruits de la nature, une société réconciliant enfin le progrès et l'avenir. Complexe aussi, parce qu'il s'agit d'atteindre la plus haute ambition possible en faisant progresser tous les acteurs en même temps. Complexe parce que nous nous situons bien au-delà d'un champ de compétence unique, bien au-delà de la seule sphère publique ou de celle d'un ministère spécialisé. Complexe enfin, parce que cette mutation est tellement vaste qu'elle s'inscrit dans des échelles de temps incroyablement différentes.
Mais derrière un diagnostic sans concession, et parfois franchement alarmiste, il y a eu la conviction unanime que nous pouvions changer radicalement la donne et répondre à l'urgence. Au-delà du constat du Grenelle est alors apparue la possibilité d'une autre croissance, celle de l'efficacité, de la sobriété, de l'autonomie énergétique ; celle de l'indépendance par rapport à des cours mondiaux qu'on ne maîtrise pas ; celle de l'indépendance par rapport à des rentes de situation énergétiques et financières, responsables d'une partie des déséquilibres actuels.
Tous les acteurs du Grenelle, quel que soit le corps social qu'ils représentaient, seront, je crois, d'accord pour approuver les propos de Nicolas Hulot pour qui la crise écologique constituait « un horizon dépassable de l'humanité. » Selon lui, cette crise était aujourd'hui le centre de gravité de nos sociétés et, pour elles, « l'occasion unique de réussir là où elles avaient, jusqu'ici, peiné et échoué : la combinaison de l'efficacité économique, de la solidarité sociale et de la vie démocratique. »
Mesdames et messieurs les députés, la feuille de route qui vous est soumise propose un mode de gestion de la rareté inéluctable de certaines ressources, mais elle prend également en compte la recherche de nouvelles formes d'abondance. En effet, la force des marées est abondante, le vent est abondant, le soleil est abondant. Cette feuille de route doit donc permettre à notre société de faire un saut qualitatif : la croissance verte ou sélective est le chemin le plus court et le plus sûr vers une société de qualité – qualité de vie, qualité de l'air, de l'alimentation, des biens et des services.
Lors du Grenelle, l'unanimité s'est également faite sur l'idée que l'enjeu écologique était un facteur clef de la compétitivité de nos entreprises, parce qu'une économie qui consomme globalement moins d'énergie est nécessairement une économie qui dépense moins d'argent. Là se trouvent les relais de croissance de demain : dans le bâtiment, dans les énergies renouvelables, dans les emplois industriels et de service du traitement de l'eau, des déchets et de l'énergie. Dans dix ans, le secteur des énergies renouvelables représentera près de 16 % de l'emploi national : les produits les plus compétitifs ou les plus demandés par les consommateurs seront les produits les plus sobres en carbone et en énergie. Ne nous y trompons pas, le marché ira plus vite que nous…