Nous avons eu maintes fois l'occasion de vous le dire au cours de ce débat, monsieur le haut-commissaire : nous aurions pu nous laisser séduire par l'objectif du RSA si vous n'aviez pas accepté d'avaler autant de couleuvres et si le revenu de solidarité active n'était lui-même devenu au fil du temps tout autre chose que ce que les travaux de la commission que vous animiez en 2005 pouvaient laisser espérer – quand, notamment, vous jugiez que 6 à 8 milliards étaient nécessaires au bon fonctionnement du dispositif. Le RSA n'est plus l'outil de lutte contre la pauvreté promis. Il est devenu un dispositif de plus dans la stratégie gouvernementale et patronale de casse du droit du travail, de baisse du coût du travail et de précarisation de l'emploi.
Le RSA se situe désormais dans la continuité des dispositifs qui, telles la prime pour l'emploi ou les exonérations de charges patronales sur les bas salaires, ont alimenté la spirale de la pauvreté laborieuse, contre laquelle ce revenu de solidarité active serait censé lutter. Ce qui progresse avec ce texte, c'est l'incitation faite aux entreprises de recourir plus encore aux petits boulots mal payés, avec la bénédiction et l'appui financier de l'État. C'est-à-dire qu'en l'échange de quelques dizaines d'euros supplémentaires, les allocataires du RSA seront demain contraints d'accepter n'importe quel emploi, n'importe quelles conditions de travail, et devront de surcroît renoncer à tout espoir de sortir un jour de la précarité. Comme de nombreux spécialistes, y compris parmi les pères fondateurs du RSA, nous ne voyons pas bien en quoi votre mesure constitue un progrès.
Nous le disons avec force : nous n'acceptons pas le chantage politique auquel se livre le Gouvernement, et nous dénonçons l'imposture qui consiste à présenter le RSA comme une révolution sociale. Vous prétendez qu'il permettra de réduire la pauvreté ; comme beaucoup, nous contestons cette analyse. À court comme à long terme, l'effet du RSA sera malheureusement négligeable. Rien n'est prévu, en effet, pour les millions de bénéficiaires de minima sociaux qui ne sont et ne seront pas en situation de retrouver un emploi, à commencer par les personnes âgées pauvres, ni pour les 18-25 ans, y compris ceux qui ont un travail, ni pour les chômeurs peu ou pas indemnisés.
De même, le RSA est insuffisamment doté. Le quelque 1,5 milliard d'euros dont il est question, et qui aura suscité tant de débats, masquant la question de fond, sera insuffisant pour permettre aux bénéficiaires d'espérer davantage en travaillant que d'atteindre le seuil de pauvreté.
Le débat sur le financement du dispositif aura permis à nos concitoyens d'observer à quel point le Gouvernement et sa majorité sont viscéralement attachés à préserver les intérêts de la caste de privilégiés pour laquelle ils travaillent assidûment depuis 2002.
Vous avez, dans le même esprit, refusé nos propositions de financement du RSA par la taxation des stock-options…