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Intervention de Jean-Pierre Brard

Réunion du 10 juillet 2007 à 15h00
Travail emploi et pouvoir d'achat — Question préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Brard :

Enfin, l'expérience nous l'a déjà montré en matière de compensations par l'État, on peut avoir de grands doutes sur la réalité de la compensation des pertes de recettes pour la sécurité sociale, évaluées à 4 milliards d'euros en année pleine. Du reste, madame la ministre, cela venait comme mars en carême. Nous avons auditionné ce matin M. Woerth, qui a été très avare en matière de compensations. Pour résumer, il a plutôt été question d'un régime minceur pour la sécu comme pour les collectivités locales. Vous aurez sûrement quelque chose à dire sur ce point.

Ce texte comporte également un allégement des droits de succession ainsi présenté : « En outre, afin que le fruit d'une ligne de vie – on croirait entendre une cartomancienne lisant les lignes de la main – de travail puisse être transmis en franchise d'impôt, 95 % des successions en ligne directe seront exonérés de droits de mutation. Le conjoint survivant, qu'il soit marié ou lié par un PACS, sera entièrement exonéré ». Voilà de quoi souhaiter la disparition prématurée de son conjoint ! (Sourires.)

Mais aujourd'hui 90 % des successions sont déjà exonérés entre conjoints et 80 % entre parents et enfants. Si le taux maximal affiché paraît élevé, il ne s'applique en pratique qu'à une poignée de contribuables. Ainsi, entre époux ou en ligne directe, le taux de 40 % ne s'applique que sur la partie du patrimoine supérieure à 1,7 million d'euros, ce qui ne concerne que le 1 % des plus fortunés. Rien à voir avec le fruit du dur labeur d'un ouvrier (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) ou même des classes moyennes aisées ! Je crains d'ailleurs, madame la ministre, que vous n'ayez de ce dur labeur de l'ouvrier qu'une connaissance très intellectuelle. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Un smicard qui arriverait à épargner 300 euros par mois – ce qui peut paraître peu pour nombre d'entre vous mais qui est en fait un effort gigantesque puisque cela représente un tiers de son revenu – devrait travailler 472 ans pour arriver à mettre de côté une telle somme et bénéficier des privilèges que vous vous apprêtez à accorder. Heureusement que l'espérance de vie s'accroît !

Quant au ménage disposant de revenus médians, il devrait vivre deux siècles ! Ce sont donc des successions parmi les plus grosses qui vont bénéficier de la nouvelle mesure.

Est aussi prévue, dans ce projet, une aide à l'accession à la propriété. Je vous cite : « Les emprunts déjà souscrits ou à souscrire pour l'acquisition de la résidence principale donneront droit, les cinq premières années, à un crédit d'impôt sur le revenu égal à 20 % des intérêts versés, dans la limite d'un avantage fiscal annuel de 1 500 euros pour un couple. Pour que chacun puisse en bénéficier, ce crédit d'impôt sera remboursé aux ménages non imposables. »

Le plafond de la mesure étant de 1 900 euros par an, pour un couple avec deux enfants, l'intérêt du dispositif sera maximal pour les contribuables ayant une importante capacité d'emprunt. Dans cet exemple, le mécanisme joue à plein pour un emprunt de 200 000 euros.

Des spécialistes du marché immobilier, Geoffroy Bragadir, président d'Empruntis, et Cyril Blesson, directeur des services financiers au Bureau d'informations et de prévisions économiques, considèrent que cette mesure aura un effet pervers : « Les vendeurs utiliseront ce bonus fiscal comme argument pour résister à la pression à la baisse des prix », indiquent les spécialistes. Ainsi, alors qu'ils prévoyaient une baisse de 2 % des prix de l'immobilier en mars cette année, ils estiment désormais que la mesure entraînera... une hausse de 3 %. « La baisse des prix pourrait ne se concrétiser qu'en 2009 », ajoutent-ils.

Le Gouvernement, dans ce projet, accorde de nouvelles faveurs fiscales aux assujettis à l'impôt de solidarité sur la fortune, en tentant de les faire passer, comme l'indiquait le communiqué du conseil des ministres, pour des mesures destinées à « améliorer l'attractivité fiscale de la France ». Il est prévu que « le bouclier fiscal sera renforcé par la baisse de 60 % à 50 % de la part des revenus susceptibles d'être prélevés et par la prise en compte de la CSG et de la CRDS ». Et le Gouvernement ajoute : « Cette mesure contribuera au maintien ou au retour en France des personnes qui peuvent investir dans l'économie productive. »

Nous avons bien entendu, madame Lagarde, que vous songez à aggraver les difficultés de l'Eurostar en réduisant le nombre de passagers qui l'empruntent tous les lundis matins, tôt – il est vrai que le Président de la République a dit qu'il fallait penser à ceux qui travaillent dur et se lèvent tôt, mais je ne suis pas sûr que les gens dont vous parlez appartiennent à cette catégorie, qui vous est chère. Les personnes qui sont visées sont les émigrés fiscaux, les Coblençards d'aujourd'hui, vos amis Alain Prost, Johnny Halliday, et consorts. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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