… ni même de travail, malgré votre prêchi-prêcha sur le travail, madame la ministre, mais uniquement de conditions de travail en grande partie imposées aux salariés, de cadeaux fiscaux fait à une infime minorité et de mesures non financées qui pèseront inévitablement sur les comptes publics.
En réalité, comme en 1993, déjà avec M. Sarkozy alors ministre du budget, et comme en 2002, avec une baisse précipitée de l'impôt sur le revenu qui avait immédiatement conduit le déficit public au-delà de 3 % du PIB, vous vous empressez de distribuer aux plus aisés des cadeaux fiscaux, au mépris de la situation précaire des finances publiques.
Malheureusement, votre « paquet fiscal » n'aura aucun effet positif sur le pouvoir d'achat et la croissance économique. Il dégradera au contraire inévitablement le déficit et la dette et conduira, comme cela a été le cas en 1993 et 2002, à l'alourdissement des prélèvements sur l'ensemble des ménages.
Loin de provoquer un choc de confiance, le projet de loi, qui veut provoquer un « choc fiscal » conduira à une vague de défiance et de désillusion des Français et à un « court-circuit » fiscal.
La situation est pour le moins surréaliste : le Président de la République se prend pour un ministre des finances et il va expliquer à nos partenaires européens qu'il ne tiendra pas les promesses faites dans le cadre de nos engagements européens pluriannuels, mais que, promis, il essaiera vraiment !
Pour cela, il s'engage à affecter tous les surplus de recettes fiscales tirés de la croissance à la baisse des déficits. C'est exactement la promesse faite pour 2007, que nous allons remettre en cause aujourd'hui. L'article 52 de la loi de finances pour 2007 dispose : « Pour 2007, les éventuels surplus mentionnés au 10° du I de l'article 34 de la loi organique […] relative aux lois de finances sont utilisés dans leur totalité pour réduire le déficit budgétaire».
Au total, aucun des engagements n'est tenu. Faut-il rappeler que le ratio de dette publique à 60 % du PIB n'est pas un objectif à atteindre pour 2010 ou 2012, mais une limite maximale dans le cadre communautaire, limite que nous avions constamment respectée entre 1997 et 2002, et que vous avez franchie, pour ne plus jamais en tenir compte depuis 2003, et atteindre 65 % de dette à l'heure actuelle.
Les promesses ne seront tenues qu'au prix d'un ajustement qui frappera de plein fouet les ménages modestes, et d'une nouvelle hausse des prélèvements obligatoires, qui n'ont cessé d'augmenter depuis 2003.
Cette semaine, nous parlons des cadeaux fiscaux. La semaine prochaine, dans le cadre du débat d'orientation budgétaire, nous parlerons rigueur, prétendue maîtrise des comptes publics, réduction d'emplois publics, avec la TVA antisociale en toile de fond pour dans un an ou deux.
C'est la continuelle contradiction de votre politique : cadeaux fiscaux ciblés pour les uns, hausse massive et globale des prélèvements pour les autres. Il est vrai qu'une baisse de l'ISF coûte toujours moins que ce que peut rapporter une hausse de la TVA compte tenu du nombre de personnes concernées.
L'exception d'irrecevabilité que je défends au nom du groupe socialiste, radical et citoyen, sera surtout l'occasion de démontrer que votre texte propose des entorses telles au principe d'égalité que nous le jugeons en grande partie inconstitutionnel.
Je débuterai mon propos par les critiques portant directement sur les ruptures du principe d'égalité et le non-respect des dispositions constitutionnelles. J'en viendrai ensuite à la question plus large des objectifs injustes et de l'inefficacité des moyens qui caractérisent le projet de loi.
Je commencerai par l'article 1er, qui ne respecte pas la Constitution à un double titre.
D'une part, il instaure des rémunérations et des traitements fiscaux et sociaux différents entre des salariés effectuant un même horaire de travail au sein d'une entreprise, d'autre part, le mécanisme de « réfaction » visant à exonérer de CSG et de CRDS les heures supplémentaires ne respecte pas la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur la prise en compte des capacités contributives et l'article 13 de la Constitution.
Concernant tout d'abord la question du traitement social et fiscal des salariés au sein de l'entreprise, un salarié pourra, pour une même heure de travail effectuée, se voir appliquer des cotisations sociales puis une imposition sur le revenu différentes, sans compter que son salaire sera directement impacté par un mécanisme de réfaction aux effets aussi variables qu'imprévisibles.
De même, nous n'avons toujours pas reçu de réponse satisfaisante à la question posée quant à l'articulation du dispositif avec le mécanisme de la prime pour l'emploi. Dans quelle mesure l'effet sera-t-il défavorable en termes de rémunération ? Combien de salariés pourront-ils être privés de la prime pour l'emploi en dépassant, du fait des heures supplémentaires effectuées, les plafonds de ressources pour accéder à cette prime ?
La question est autant, sinon plus, prégnante en ce qui concerne le revenu fiscal de référence. En l'état actuel du texte, des salariés très modestes à qui l'on fait miroiter une progression du pouvoir d'achat et une exonération totale au titre des heures supplémentaires pourraient se trouver dans une situation où ils perdraient le bénéfice de certaines exonérations telles que la taxe d'habitation, et certains droits ou avantages sociaux compte tenu de ces heures supplémentaires et de la hausse de leur revenu fiscal.
Votre dispositif crée des effets de seuil, mais qui ne frapperont que les salariés les plus modestes quand les salariés mieux traités bénéficieront, eux, effectivement pleinement de l'exonération sociale et fiscale de leurs éventuels revenus supplémentaires.
Ces effets sont réels, le rapporteur général en reconnaît l'existence dans son rapport. Il est inadmissible que nous n'en connaissions pas l'ampleur, et qu'aucun correctif ne soit apporté à ces injustices.
Il serait particulièrement choquant que, dans le même temps, une entreprise voie l'effet du dispositif proposé neutralisé en ce qui concerne les allégements de cotisations sociales dont elle bénéficie, et son salarié pénalisé au titre de la prime pour l'emploi par le refus explicite d'un tel mécanisme de neutralisation.
Concernant ensuite la pseudo-exonération de CSG, je souhaite rappeler que, sous le gouvernement de Lionel Jospin, nous avions souhaité introduire une exonération de CSG au bénéfice de l'ensemble des salariés en activité, afin d'inciter au retour à l'emploi.
Sur le plan des principes, notre proposition était très éloignée de celle qui nous est faite aujourd'hui, puisque nous visions bien l'incitation des salariés et le retour à l'emploi, et non l'intensification des horaires de travail pour ceux qui ont déjà un emploi.
Mais surtout, dans sa décision du 28 décembre 2000, le Conseil constitutionnel a clairement affirmé que l'exonération prévue dans le cadre de l'article 3 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, en ne prenant pas en compte les facultés contributives de chaque foyer, introduisait une rupture caractérisée de l'égalité devant l'impôt.
Il a été censuré, ce qui nous avait amenés à mettre en place la prime pour l'emploi qui est, elle, familialisée et s'impute sur l'impôt sur le revenu.
Quelle conséquence en tirer aujourd'hui ? Nous contestons la constitutionnalité du mécanisme complexe de pseudo-exonération de la CSG et de la CRDS que vous proposez dans le cadre de l'article 1er.
Pseudo-exonération car, contrairement une nouvelle fois à ce que vous aviez déclaré dans la presse, il s'agit non pas réellement et directement d'une exonération de CSG, comme l'a justement rappelé notre rapporteur général en commission, mais d'une réfaction.
Mais cela ne change rien au fond. Si nous vous prenons au mot, le mécanisme sera calé pour assurer l'équivalent d'une exonération de CSG-CRDS sur les heures supplémentaires aux salariés concernés. Et dans ce cadre, elle ne sera en aucun cas familialisée et ne tiendra évidemment pas compte des capacités contributives des contribuables, qui doivent s'apprécier au regard des impositions de toute nature que constituent la CSG et la CRDS, caractérisées par leur proportionnalité, leur universalité et leur simplicité.
Comme l'a souligné le Conseil constitutionnel à l'encontre de l'exonération de CSG que nous avions proposée, la disposition est inconstitutionnelle, car elle ne tient compte ni des revenus du contribuable autres que ceux tirés d'une activité, ni des revenus des membres du foyer, ni des personnes à charge au sein de celui-ci.
Pour reprendre la conclusion du Conseil, le choix ainsi effectué par le législateur de ne pas retenir l'ensemble des facultés contributives crée, entre les contribuables concernés, une disparité manifeste contraire à l'article 13 de la Déclaration de 1789, en vertu duquel les contributions obligatoires pesant sur les personnes physiques doivent être réparties à raison des capacités contributives.
Encore une fois, le fait que vous créiez un équivalent d'exonération par un mécanisme de réfaction n'y change rien : quand la prime pour l'emploi avait été créée, pour être elle-aussi un équivalent de l'exonération de CSG, nous avions assuré la prise en compte de la composition et des revenus du foyer fiscal des contribuables concernés.
Je quitte un instant le terrain constitutionnel pour une remarque portant sur la question du niveau de l'exonération de CSG-CRDS.
La réfaction sera fixée en fonction du niveau actuel de la CSG et de la CRDS. Mais qu'adviendra-t-il dans quelques mois, quand vous serez forcés, pour tenter de juguler une dette sociale que vous creusez sans cesse, de majorer les taux de ces impositions ?
Car je rappelle qu'aux termes de l'article 20 de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale que votre majorité, sous son incarnation précédente, a fait voter, a été institué dans l'ordonnance du 24 janvier 1996 un article 4 bis en vertu duquel « tout nouveau transfert de dette à la Caisse d'amortissement de la dette sociale est accompagné d'une augmentation des recettes de la caisse permettant de ne pas accroître la durée d'amortissement de la dette sociale ».
Cette disposition a été reconnue de niveau organique par une décision du Conseil constitutionnel. Si donc vous songez à ajouter, à court terme, plusieurs dizaines de milliards d'euros de dette sociale supplémentaire aux plus de 50 milliards d'euros que vous avez déjà transférés en 2004 dans le cadre de la loi de réforme de l'assurance maladie, il vous faudra trouver un autre expédient que celui que vous aviez alors utilisé : allonger la durée de vie de la CRDS. Si le résultat sera le même – faire payer à tous les Français vos erreurs et cadeaux fiscaux –, la forme sera plus difficile à assumer. Et, en tout état de cause, l'exonération annoncée aujourd'hui sera immédiatement rendue partielle par cette décision.
Au total, votre mesure sur les heures supplémentaires est donc injuste, dangereuse, inconstitutionnelle pour une part, et j'ajouterai inefficace. En effet, comment pouvez-vous continuer à prétendre à l'existence d'un lien entre la durée de travail des salariés et le taux de chômage ?
J'ai repris les tableaux proposés par notre rapporteur général. Le pays où le nombre moyen d'heures travaillées est le plus bas est la Norvège : son taux de chômage est, selon l'OCDE, de 3,5 % de la population active en 2006. Viennent ensuite les Pays-Bas : leur taux de chômage est de 3,9 %. A l'inverse, les pays où le nombre d'heures travaillées est le plus élevé sont la Pologne, la République Tchèque et la Grèce : leurs taux de chômage sont respectivement de 13,8 %, 7,2 % et 8,9 %. Beaucoup de prétendues exceptions qui viennent infirmer votre soi-disant règle ! Ainsi, affirmer comme le font le Gouvernement et le rapporteur général que « les comparaisons internationales sont claires » et que « c'est plutôt dans les pays où la durée de travail par actif occupé est élevée que le taux de chômage est faible » relève au mieux de la propagande. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)