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Intervention de Sébastien Huyghe

Réunion du 10 juillet 2007 à 15h00
Travail emploi et pouvoir d'achat — Reprise de la discussion

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Huyghe, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Dès le début de la xiie législature, elle a mené une réflexion sur le sujet, qui a débouché en 2003 sur un rapport d'information consacré à la gouvernance d'entreprise en France et, en 2004, sur une proposition de loi dont certaines dispositions ont été reprises à son compte par le Gouvernement lors de l'élaboration de la loi pour la confiance et la modernisation de l'économie du 26 juillet 2005.

Il y a quatre ans, la commission des lois avait considéré qu'il fallait laisser aux entreprises la possibilité de réguler elles-mêmes les rémunérations de leurs dirigeants, par l'élaboration de codes de bonne conduite interprofessionnels. Il faut bien reconnaître aujourd'hui, à la lumière d'exemples récents, que le renforcement de la transparence des émoluments des responsables de sociétés cotées n'a pas permis de mettre un terme à des abus isolés.

Il n'est d'ailleurs pas anodin que le Gouvernement présente, dès le début de cette xiiie législature, des mesures encadrant davantage l'une des composantes emblématiques de la rémunération des dirigeants d'entreprise, à savoir les indemnités de départ, plus connues sous l'appellation de « parachutes dorés », dans un projet de loi qui traite par ailleurs de la revalorisation du travail et du pouvoir d'achat des salariés les plus modestes.

Les parachutes dorés sont apparus aux États-Unis, où ils ont connu un essor important au début des années 80. Dans un contexte de crise économique consécutif au second choc pétrolier de 1979, les sociétés multinationales éprouvant de fortes difficultés de gestion ont cherché à attirer des dirigeants capables de redresser leur situation en leur octroyant, en cas de renvoi, des garanties financières équivalant à une ou plusieurs années de salaire. Le montant de ces indemnités a considérablement augmenté sous le double effet de la concurrence entre entreprises pour attirer les meilleurs gestionnaires et des mouvements de fusion-acquisition, le parachute devenant un argument très efficace des sociétés prédatrices à l'égard du management des sociétés cibles. Les formes des avantages accordés ont également évolué, l'indemnité se diversifiant pour mêler au strict aspect financier des avantages matériels ou boursiers.

Peu à peu, les sociétés européennes ont, elles aussi, eu recours à ce procédé. Les indemnités de départ se sont ainsi généralisées, y compris en période de reprise économique.

Devenues aujourd'hui une composante à part entière de la part variable de la rémunération des dirigeants de société, ces indemnités ont atteint une proportion plus que significative des salaires de base : selon une étude conduite par le cabinet Hay Group, en 2006, elles avoisineraient, dans les multinationales réalisant plus de 5 milliards d'euros de chiffre d'affaires, deux ans et demi de rémunération pour les mandataires sociaux allemands, deux ans pour leurs homologues français, un an pour les Britanniques et oscilleraient entre un et trois ans de rémunération pour les dirigeants américains. De fait, les pratiques en matière de fixation du montant des indemnités de départ versées aux dirigeants sociaux sont relativement similaires au sein des pays développés, ce qui n'est pas très étonnant dans un contexte d'économies fortement internationalisées.

L'importance des sommes allouées est incontestable, mais le problème principal réside plus particulièrement dans leur adéquation avec le bilan du dirigeant révoqué.

Il serait d'ailleurs inexact d'affirmer que l'attribution de tels parachutes dorés à des dirigeants d'entreprise s'est jusqu'à présent faite, en France, sans limites légales ni contrôle du juge.

D'une part, en effet, ces indemnités doivent être autorisées par le conseil d'administration ou de surveillance de la société, conformément au régime des conventions réglementées dont elles relèvent, en application des articles L. 225-38 et L. 225-86 du code de commerce. Le non-respect de ces procédures entache de nullité l'avantage consenti.

D'autre part, les dirigeants étant, pour les principaux d'entre eux, révocables ad nutum, c'est-à-dire à tout moment, sans préavis, ni motivation, la jurisprudence a été amenée à sanctionner toute indemnité présentant un caractère financièrement dissuasif et liant les décideurs dont relève la révocation. Dans certains cas, lorsque l'intérêt social s'est trouvé en cause, le juge a même pu exercer un regard attentif sur le montant des sommes allouées.

Néanmoins, comme l'a déploré le Président de la République, il n'existe pas de lien systématique entre le versement, lors du départ d'un dirigeant de société, d'une rémunération différée d'un montant substantiel et les performances que ce dirigeant a pu réaliser. Cette situation est d'autant plus regrettable que, fondamentalement, les dirigeants d'entreprise sont des gestionnaires, recrutés pour développer la société et la valoriser.

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