Nous avons donc écouté les uns et les autres.
Que nous ont dit les personnes en difficulté ? Que quand on a quelques euros par jour de reste à vivre, on a beau vouloir travailler, on ne peut se permettre de sacrifier une petite partie de ses faibles ressources.
Que nous ont dit les travailleurs sociaux ? Qu'ils subissaient une injonction paradoxale : ne pas avoir les outils adaptés pour répondre à des demandes pressantes.
Que nous ont dit les chefs d'entreprise ? Que les dispositifs étaient si complexes qu'ils ne pouvaient pas toujours s'y repérer et que des besoins de main-d'oeuvre demeuraient insatisfaits pour mille et une raisons : la formation déclenchée trop tard – deux ans après ; l'accompagnement interrompu au moment de la reprise d'activité ; ou encore la personne qui, au moment de l'embauche, renonce, après avoir fait le calcul de ses revenus.
Que disent les économistes ? Qu'il existe des effets de trappe redoutables et que, pour des personnes dont la qualification est faible et la productivité inférieure à un certain coût du travail, des mécanismes d'impôt négatifs permettent d'augmenter les revenus sans peser sur les coûts de production.
Que nous disent les élus, de droite comme de gauche ? Qu'ils ont vu augmenter le nombre d'allocataires du RMI, sans toujours disposer des leviers pour mener une politique plus active, et qu'ils constataient ce climat délétère dans lequel ceux qui travaillent n'ont pas le sentiment de gagner plus que ceux qui ne travaillent pas, pendant que ceux qui ne travaillent pas ont la crainte de perdre, si un emploi leur était proposé, une part de leurs ressources, situation à l'origine de rancoeurs et d'aigreurs partagées et ô combien compréhensibles.