Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs, monsieur le secrétaire d'État, parce que des millions de salariés et de demandeurs d'emploi attendent une réforme de ce secteur, je souhaite sincèrement que votre projet de loi sur la formation professionnelle tout au long de la vie connaisse plus de succès, en tout cas produise plus de résultats, que les précédents textes soutenus par votre majorité.
Je ne parle pas de la proposition de loi sur la banalisation du travail dominical que, dans sa grande sagesse, votre suppléant, monsieur le secrétaire d'État, notre collègue Jean-Pierre Marcon, n'a pas votée. (Sourires.) Au reste, je ne doute pas un seul instant que, de ce côté-ci de l'hémicycle, nos collègues seront beaucoup plus nombreux à soutenir votre projet de loi qu'ils ne l'ont été pour voter cette proposition de loi, qui a été adoptée de justesse cet après-midi.
Je pense plutôt aux derniers textes que vous avez défendus et sur l'efficacité desquels il est permis de s'interroger. Ainsi, la loi sur les droits et les devoirs des demandeurs d'emploi, qui comporte le dispositif emblématique de « l'offre raisonnable d'emploi », a été adoptée à contretemps. Cette mesure accroît en effet la pression exercée sur les demandeurs d'emploi, au moment où l'emploi se raréfie. Mais, fort heureusement, ce texte inapplicable n'est, dans les faits, pas appliqué.
Quant à la réforme du service public de l'emploi, elle a abouti à la création de Pôle emploi, issu de la fusion de l'ANPE et des ASSEDIC, dont nous constatons tous sur le terrain qu'elle se déroule dans les pires conditions et de façon chaotique, alors que des centaines de milliers de nouveaux chômeurs affluent dans les agences du nouvel organisme.
Comme pour ces textes, la question se pose donc de savoir si le projet de loi sur la formation professionnelle tout au long de la vie est bien à la hauteur de la situation économique et sociale et de la crise sans précédent que nous sommes en train de vivre.
Nous ne cessons de le répéter depuis plusieurs mois : à situation exceptionnelle, réponses exceptionnelles. Nous avons besoin, aujourd'hui plus que jamais, d'un service public de l'emploi et de la formation qui soit fort.
Certes, comme nous l'avons déjà dit, ce texte contient un certain nombre d'avancées, en particulier dans l'accès à la formation des salariés qui en ont le plus besoin : les salariés peu qualifiés, les demandeurs d'emploi ou les salariés des petites entreprises. On peut ainsi voir une avancée dans la création d'un fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, qui sera doté de 900 millions d'euros et pourra bénéficier à 500 000 salariés peu qualifiés et 200 000 demandeurs d'emploi ; on peut également en voir une dans le principe de portabilité du droit individuel à la formation, qui permettra aux salariés de bénéficier de droits acquis pour financer des formations pendant les périodes de chômage ou dans le cadre d'un nouvel emploi pendant une période de deux ans ; enfin, une autre avancée réside dans les mesures favorisant le tutorat dans les entreprises, avec l'augmentation significative de l'allocation destinée à assurer la formation des jeunes en alternance.
En dépit de ces quelques avancées, votre texte manque néanmoins d'ambition et n'est pas à la hauteur des enjeux. Premièrement, il n'instaure pas un vrai service public d'orientation professionnelle. Deuxièmement, il oublie la formation initiale différée, qui garantit le financement d'un an de formation continue aux jeunes sortis du système scolaire sans qualification ou diplôme. Troisièmement, il remet en cause la décentralisation. Alors que différents rapports sur la réorganisation territoriale appellent à une clarification des compétences entre collectivités et alors que la légitimité des régions en matière de formation est reconnue par tous les acteurs, le Gouvernement se lance dans une recentralisation à contre-courant qui aboutira, avec le principe du copilotage État-région, à diluer les responsabilités.
Enfin, ce texte est lourd de menaces pour la pérennité de l'Association pour la formation professionnelle des adultes. Les 11 000 salariés de l'AFPA sont légitimement inquiets pour l'avenir des missions de service public qu'ils remplissent au quotidien. Ils voient, dans le transfert des 900 personnels chargés de l'orientation, composante indissociable de la formation, la première étape d'un démantèlement programmé de l'AFPA. Monsieur le secrétaire d'État, vous qui vous dites pragmatique et affirmez vous inspirer, pour vos réformes, de ce qui marche…