Le projet de loi ne règle pas non plus l'articulation entre les politiques de formation et d'emploi. Il convient de noter la juxtaposition dommageable des CRE et des CCREFP, ainsi que les difficultés de Pôle Emploi à coordonner les actions de formation avec celles des régions.
Nous n'avons non plus aucune garantie sur les moyens supplémentaires apportés par l'État pour réaliser les politiques qu'il prétend vouloir mettre en oeuvre. Nous savons simplement qu'il s'agit d'un prélèvement sur les OPCA.
C'est un texte qui recentralise – je le regrette – et risque de mettre sous la tutelle de l'État les partenaires sociaux via leurs fonds nationaux et les régions.
Monsieur le secrétaire d'État, la majorité actuelle a voté en 2004 la loi « Liberté et responsabilités locales », qui a quasiment achevé le processus de décentralisation de la formation professionnelle. Le présent texte revient en arrière, au moment même où les régions ont acquis, depuis plusieurs années, compétences, savoir-faire, créativité et innovation dans ce domaine. Vous revenez sur cette compétence générale, ainsi que sur la clarification des compétences voulue par le Président de la République.
Les régions sont pourtant devenues le premier financeur des formations pour les demandeurs d'emplois. Au cours de l'année 2007, 594 000 demandeurs d'emploi sont entrés en formation. Les conseils régionaux ont financé 56 % des stages de formation contre 52 % un an plus tôt. Elles ont dépensé 16 % de plus en moyenne que les dotations qui leur ont été transférées et sept stagiaires sur dix retrouvent un emploi à l'issue de leur formation. Elles ont mis en place des actions territorialisées, construit des plateformes régionales d'orientation et innové dans la recherche d'une plus grande d'efficacité et d'une plus grande équité.
Savez-vous, monsieur le secrétaire d'État, que, lorsque les régions ont pris la responsabilité des formations sanitaires et sociales, les formations d'aides soignantes, personnes qu'on sort du RMI ou des fins de droits, étaient payantes, et que les bourses sanitaires et sociales, notamment pour les élèves infirmières, étaient différentes d'un département à l'autre ?
Les régions ont également investi massivement dans la remise en état des locaux des CFA et des centres de formation. Elles ont permis de revaloriser significativement l'enseignement professionnel et ont oeuvré à une véritable sécurisation des parcours professionnels, en assumant, ce qui est important, non pas simplement la formation elle-même – le transfert du savoir – mais également l'aide à la mobilité, à l'hébergement et au transport. Elles ont noué des partenariats avec les régions voisines pour l'accueil des stagiaires si bien que les formations à recrutement national fonctionnent sans aucune difficulté ; je l'ai vérifié.
Dans le même temps, ce qui est normal, elles ont pris en charge les interventions que l'État a abandonnées. Je pense notamment à la baisse, en 2009, de 61 % du fonds d'insertion professionnelle des jeunes, à la suppression, en 2006, des formations dédiées aux contrats aidés ou à celle, en 2005, des stages d'insertion et de formation. Dans ma région, cette mesure a concerné 8 000 demandeurs d'emplois de longue durée et coûté 10 millions d'euros.
L'alternative à votre projet est bien de confier aux régions un véritable service public de l'orientation, de la formation et de l'emploi, comme partout en Europe. Ce texte est à cet égard une occasion manquée. Si ces fonds étaient opaques, pourquoi se limiter à une partie de leur vérification ? Pourquoi ne pas étendre aux 26 milliards d'euros des OPCA ou de la formation professionnelle l'ensemble du dispositif d'évaluation ?
Je regrette qu'à l'intérieur du texte le PRDF, qui était un élément essentiel de concertation, soit maintenant à leviers multiples. Il était jusque-là à l'initiative des régions qui, je crois, prenaient leur fonction à coeur. Il faudra désormais un texte de compromis entre le président de la région et son assemblée, tous les partenaires sociaux, le préfet et le recteur : je ne pense pas que nous allions dans le sens d'un plus grand partenariat, d'une meilleure concertation ni d'une meilleure créativité.
Je le répète : il convient de confier aux régions un véritable service public de l'orientation, de la formation et de l'emploi. À l'État revient la mise en place de la formation initiale afin de permettre à tous d'accéder à un premier niveau de qualification et à son élévation. A l'État revient également la lutte contre le décrochage scolaire et les sorties sans qualification. Aux régions, il appartient de développer une véritable orientation aux métiers, le lien entre la formation et l'entreprise, qui relève de leurs compétences, la structuration de l'offre régionale de formation en lien avec les organisations professionnelles, ainsi que de véritables plateformes de formation et d'innovation dans les lycées, les CFA et les organismes de formation, stratégie d'ouverture qui permet de sauver de nombreux lycées, notamment en milieu rural, dans le cadre des trois formations initiale, continue et par apprentissage. Les régions doivent encore favoriser la promotion sociale par l'accès à la VAE et à la formation pour les salariés, en vue de faciliter les reconversions et l'acquisition de nouvelles compétences, et anticiper les mutations économiques, technologiques et organisationnelles par la formation.
Il ne faut pas hésiter, évidemment, à se poser la question de la pertinence de certaines formations ou de certains diplômes conduisant dans une impasse. Dans une situation économique et sociale tendue, la réussite à une formation doit être un tremplin vers l'emploi. Aussi ne doit-on plus voir des jeunes ayant réussi leur formation se tourner vers les missions locales ou Pôle emploi parce que, à l'évidence le diplôme obtenu ne les conduit pas à l'emploi.
Toutefois, certaines remises en cause ne doivent en aucun cas servir de prétexte pour complexifier l'offre de formation dans les territoires. Bref, il s'agit de créer, au travers d'agences régionales de l'orientation et de la formation tout au long de la vie, un vrai service public de l'orientation, de la formation et de l'emploi tout au long de la vie, qui soit lisible, visible, dans lequel les demandeurs d'emploi et les salariés puissent se retrouver.
L'État a évidemment son rôle à joue en tant que partenaire d'enjeux nationaux. Cependant il ne peut pas être à la fois arbitre et opérateur. Il faut que nous fonctionnions comme les pays européens et que soit réellement délégué aux régions l'ensemble des compétences qu'elles peuvent développer.
Monsieur le secrétaire d'État, nous sommes aujourd'hui face à un texte bien insuffisant au regard des différents enjeux. C'est une régression par rapport à la décentralisation. Il n'apportera pas la clarification nécessaire, même si, ici ou là, il comporte des dispositions positives. C'est un peu un geste manqué. Je comprends qu'aujourd'hui avec un hyper président, il y ait la volonté de recentraliser l'ensemble des dispositifs, je le regrette. Il faudra revenir sur ce texte, j'espère le plus tôt possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)