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Intervention de François de Rugy

Réunion du 15 juillet 2009 à 21h30
Formation professionnelle tout au long de la vie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Rugy :

On peut regretter que les effets du dernier accord pour une réforme de la formation professionnel, signé en 2003, aient été contraires au but recherché. En effet, les entreprises de moins de dix salariés, qui avaient bénéficié de 42 % des dépenses de « professionnalisation » en 2004, n'en ont absorbé que 27 % en 2006.

Alors, s'il convient de saluer chaque avancée en matière de négociation sociale entre les syndicats de salariés et les organisations patronales, il faut aussi rester lucide sur le niveau encore très faible du dialogue social et ne pas s'emballer parce qu'un accord a été signé.

Malgré les constats relatifs aux inégalités des dispositifs en place, le système français de formation professionnelle a-t-il un effet significatif chez ceux qui arrivent à accéder à une formation ? Après tout, peut-être le système aide-t-il vraiment les chômeurs à trouver un emploi ou assure-t-il vraiment la promotion sociale des salariés. À vrai dire, nous n'en savons pas grand-chose et, de notre point de vue, il s'agit bien là d'un problème supplémentaire. En effet, aucune évaluation sérieuse des programmes de formation n'est effectuée, alors que nous dépensons pour les financer 27 à 28 milliards d'euros par an !

Bien entendu, tous les parlementaires ont reçu, il y a quelques semaines, une montagne de rapports dits « de performances », destinés à nous éclairer pour l'examen du projet de loi de finances pour 2010. Un de ces rapports, intitulé «Travail et emploi», propose une batterie d'indicateurs, plus de vingt, si mes souvenirs sont bons, censés montrer l'efficacité de la formation professionnelle.

Ces indicateurs vont du « taux d'accès à une formation qualifiante à l'issue d'une formation en ateliers pédagogiques personnalisés » au « taux de placement dans l'emploi durable, CDI ou CDD de plus de six mois, des stagiaires de l'AFPA ayant obtenu un titre professionnel délivré par le ministère de l'emploi », en passant par «le taux de réussite à l'examen à l'issue d'une formation dans les centres agréés » ou «la proportion des personnes ayant acquis un titre du ministère par la voie de la validation des acquis professionnels». Au premier abord, ces indicateurs peuvent sembler intéressants, mais ils sont en réalité bien insuffisants, voire trompeurs.

Prenons l'exemple du « taux de placement dans l'emploi durable – donnée qui peut paraître très importante –, CDI ou CDD de plus de six mois, des stagiaires de l'AFPA ayant obtenu un titre professionnel délivré par le ministère de l'emploi».

Il est évidemment sous-entendu qu'il serait bon que cet indicateur augmente chaque année, mais, en fait, il serait plutôt intéressant de savoir si les personnes ayant obtenu un titre professionnel après un stage de l'AFPA décrochent plus souvent un contrat que celles qui ne l'auraient pas suivi et, le cas échéant, si ce contrat est d'une durée plus longue. En réalité, la seule évaluation qui aurait un sens devrait se fonder sur la question suivante ce que seraient devenues les personnes ayant suivi un stage de l'AFPA et ayant obtenu un diplôme professionnel si elles n'avaient pas bénéficié de ce stage. En clair, sans comparaison avec un groupe témoin, les données que nous possédons ont peu de valeur et participent du flou qui entoure l'évaluation d'un sujet aussi important que la formation professionnelle.

Prenons l'exemple du droit individuel à la formation.

Imagine-t-on vraiment que quelques heures de formations par an, dispensées par des prestataires qui ne sont soumis à aucun contrôle ni à aucune réglementation, ont un quelconque effet sur la carrière des salariés ? Si, selon les études internationales, une année entière de formation peut permettre au salarié, après une amélioration de sa position dans l'entreprise, d'accroître son revenu annuel de 5 à 15 %, à combien peut donc s'élever cette augmentation après seulement vingt heures de droit individuel à la formation ?

Malheureusement, des structures plus ou moins fiables se sont multipliées parmi les milliers d'organismes privés de formation se disputant un marché aussi important. Un magazine grand public y a consacré, le mois dernier, un dossier intitulé : « Le scandale de la formation professionnelle. » Un de ses articles est consacré aux « programmes fantaisistes ». Peut-on vraiment dire que le stage « guérir à main nue », qui affirme que le corps humain produit ses propres ondes électromagnétiques et qui coûte, tout de même, plus de 10 000 euros, participe au développement des compétences des salariés, à leur promotion sociale ou au développement économique ? Qu'en est-il du stage de découverte du « Coaching à cheval », facturé 3 000 euros pour deux jours, ou encore des stages de reconversion en « praticien en guérison du passé » et en « spécialiste des techniques méridiennes d'apaisement émotionnel » ? Il y a évidemment de quoi être surpris.

Je cesse mes critiques pour m'étonner, cela ne vous semblera pas déplacé venant d'un député Vert, du peu de cas qu'il est fait de l'écologie dans ce projet de loi.

Plus personne ne nie – pas même le Président de la République si l'on en croit son discours au Congrès de Versailles – que nous faisons face à une crise d'une ampleur telle qu'elle nous oblige à repenser en profondeur notre mode de vie, nos modes de production, notre manière de travailler et de consommer.

Plus personne ne nie, à part quelques vieux mammouths, si je puis dire, que le changement climatique soit dû à l'activité humaine.

Plus personne ne nie non plus que la prochaine révolution industrielle sera une révolution « verte », génératrice de millions d'emplois. Nous ne sommes pas les seuls à l'affirmer puisque nous sommes rejoints par de nombreux organismes, parmi lesquels le Bureau international du travail.

Plus personne ne nie, enfin, que nous sortirons de la crise économique actuelle, la plus importante depuis quatre-vingts ans, par une sorte de New green deal, par un effort massif d'investissement en matière de nouvelles technologies, comme l'éco-construction ou l'éco-énergie. Il s'agit précisément du choix fait par les États-Unis, depuis que Barack Obama a été élu, ce qui constitue une rupture considérable par rapport à la présidence précédente. Et pourtant, rien de tout cela n'est mentionné, ne serait-ce qu'une seule fois, dans le projet de loi.

Il y a quelques semaines, nous avons présenté une proposition de loi relative à la transformation écologique de l'économie. Son article 21 portait sur la formation professionnelle et la reconversion des salariés dans les bassins d'emploi particulièrement touchés par la crise, notamment dans le secteur de l'automobile. La majorité n'avait pas adopté ce texte, mais il n'est jamais trop tard pour bien faire. En tout cas, nous considérons que la formation professionnelle constitue l'un des axes centraux de la transformation écologique de l'économie et de la sortie de crise, dont cette dernière est selon nous porteuse.

Nous promouvons un New Deal écologique et social, avec la création d'emplois écologiquement et socialement utiles qui seront, par définition, non délocalisables : ni les cols bleus ni les cols blancs ne disparaîtront, mais ils se déploieront vers d'autres activités.

Cette période de crise doit donc être mise à profit pour que les salariés acquièrent les compléments de formation nécessaires afin de pouvoir travailler dans ces activités nouvelles. Comme ces préoccupations sont absentes du projet de loi, nous proposerons de les réintroduire par le biais de différents amendements.

Il s'agit, pour nous, de rendre l'individu acteur de la conversion écologique de son métier ainsi que de son orientation professionnelle. De ce fait, l'individu peut accroître la valeur de sa force de travail, donc accéder plus facilement à l'emploi, passer d'un emploi à un autre en le choisissant plutôt qu'en le subissant.

Il revient donc aux structures d'accueil, d'information et d'orientation, depuis celles de l'éducation nationale jusqu'à Pôle emploi, en passant par les missions locales ou les maisons de l'emploi, en association avec les partenaires publics et sociaux, d'organiser leurs activités dans ce sens. Or, aujourd'hui, ces structures ne travaillent pas forcément ensemble, voire se font concurrence ou s'ignorent, comme nous pouvons tous nous en apercevoir sur le terrain. Elles ne partagent parfois aucun objectif commun. Les personnes concernées - tous les députés ont eu l'occasion de le constater - sont malheureusement ballottées d'une structure à une autre sans, trop souvent, trouver de réponse adaptée à leurs besoins ou à leurs difficultés. Le parcours qui leur est proposé s'apparente trop souvent à un parcours du combattant. Pour orienter vers les formations préparant et accompagnant la conversion écologique de l'économie, nous avons besoin de structures mieux organisées et réellement porteuses de cet enjeu.

Il convient de faire travailler ensemble, plus étroitement et plus régulièrement, les syndicats de salariés et les représentants patronaux, sur le terrain, afin de rendre prioritaires certaines formations, dont les formations aux nouvelles activités écologiques, dans le cadre des plans de formation des entreprises, des congés individuels de formation, du droit individuel à la formation, etc.

Les syndicats de salariés peuvent jouer un rôle d'information, de mobilisation des salariés, et obtenir la mise en place de plans de formation dans les entreprises, ainsi qu'un élargissement de leur accès pour les salariés. De plus en plus de syndicalistes, nous le constatons dans les discussions que nous avons avec eux, s'interrogent en effet sur le modèle économique actuel, le modèle productiviste, qui détruit non seulement l'environnement, mais aussi et surtout les emplois.

Cette émancipation de l'individu dans son parcours professionnel et dans sa vie doit être favorisée au moyen d'une adaptation des temps de formation à tous les moments de la vie, en les rendant plus compatibles avec les situations individuelles les plus complexes, qu'il s'agisse des périodes de reconversion, de chômage partiel, ou encore de congé parental.

Ensuite, il faudra « verdir » les métiers existants en accompagnant et en rendant possible cette mutation par de nouveaux référentiels de formation, de nouvelles certifications, mais aussi de nouvelles grilles de compétences transversales dès les formations initiales. Le contenu et la transférabilité de ces certifications sur le marché du travail constituent l'un des points positifs de ce projet de loi.

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