Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, si j'en crois le nombre d'orateurs inscrits dans cette discussion générale, la formation professionnelle est un sujet qui mobilise sur tous les bancs de notre assemblée. On ne peut que s'en réjouir ; c'est un bon signe, d'abord parce que ce projet de loi vient concrétiser un accord entre les syndicats de salariés et les organisations patronales ensuite parce que la formation professionnelle est souvent en tête des programmes politiques et des programmes électoraux, mais encore faut-il que ces mots trouvent une traduction concrète !
La France consacre d'ailleurs environ 28 milliards d'euros par an, soit 1,5 % de son produit intérieur brut, à la formation professionnelle. L'enjeu est donc extrêmement important. Les sommes sont énormes et nous pourrions en être fiers si, comme la loi l'affirme, elles favorisaient vraiment l'insertion ou la réinsertion professionnelle des travailleurs, si elles permettaient leur maintien dans l'emploi, si elles favorisaient le développement de leurs compétences et l'accès aux différents niveaux de la qualification professionnelle, ou si elles contribuaient au développement économique et culturel ou à leur promotion sociale. Or nous savons tous, quels que soient les bancs sur lesquels nous sommes assis, qu'il n'en est rien et que le tableau est loin d'être aussi idyllique.
Deux des meilleurs économistes français, Pierre Cahuc et André Zylberberg constataient, en 2006, dans un rapport du centre d'observation économique de la chambre de commerce et d'industrie de Paris : « Le système français de formation professionnelle est inéquitable pour au moins trois raisons. Tout d'abord, il profite surtout aux salariés les mieux formés et les mieux payés au départ, dont les formations sont financées par les salariés moins bien payés qu'eux. Ensuite, il offre peu de véritables perspectives de promotion sociale. Enfin, il ne permet pas aux chômeurs les plus éloignés de l'emploi de suivre des formations longues et coûteuses, qui seules pourraient favoriser leur retour vers un emploi stable. »
À Valence, le 9 mars dernier, Nicolas Sarkozy, lui-même, stigmatisait les inégalités « criantes » concernant l'accès à la formation : « Moins vous êtes qualifié, moins vous bénéficiez de la formation professionnelle » disait-il en dénonçant le fait qu'un cadre ait « une chance sur deux d'y accéder », contre seulement « une chance sur sept » pour un ouvrier. Il n'était pas moins sévère avec les inégalités « inacceptables » dans l'accès à la formation selon la taille de l'entreprise : « Plus votre entreprise est petite, moins vous bénéficiez d'une formation. Un salarié dans une entreprise de moins de dix salariés a cinq fois moins de chance de se former qu'un salarié d'une entreprise de plus de cinq cents salariés. »
En ce qui concerne la mutualisation des sommes prélevées sur les entreprises par les organismes collecteurs agréés, qui devraient permettre de faire financer la formation des salariés des petites entreprises par les grandes, notre collègue M. Cherpion ne peut que reconnaître dans son rapport que « l'effet redistributif semble inexistant, voire aller à l'envers ». En France les très petites entreprises ou les petites et moyennes entreprises payent la formation des salariés des très grandes entreprises : c'est tout de même un comble !