Je voudrais vous faire part de ma perplexité mais aussi d'une certitude.
Perplexité car je suis de ceux, naïfs sans doute, qui ne voient pas en quoi l'intervention du Président de la République va bouleverser l'équilibre institutionnel de la République ni constituer une avancée historique.
J'essaie de me représenter ce que sera cette intervention, dans le cadre un peu désuet – il faut bien le reconnaître – de Versailles et dans le vague brouhaha que Mme Billard a fort justement évoqué, tel propos entraînant telle répartie qui suscitera des rires, d'ailleurs inaudibles pour les téléspectateurs : je ne suis pas sûr qu'il y ait là matière à bouleverser ni l'opinion publique ni nos institutions. Mais je ne vois pas non plus en quoi cela constituerait un épouvantable recul, puisque, comme cela a été rappelé, le droit de message figure déjà à l'article 18.
M. Lellouche n'a pas tort quand il rappelle que la Constitution mentionne que « le Président de la République communique avec les assemblées ». C'est le verbe qui compte ici ; quant au moyen, ceux d'entre nous qui ont eu l'occasion d'écouter debout des messages du Président l'ont fait, je présume, avec le sentiment qu'il y avait quelque chose d'un peu anachronique dans cette manière de procéder. Ni formidable avancée ni formidable recul, donc.
Monsieur Vallini, vous avez évoqué la séparation des pouvoirs. Mais elle n'empêche pas que ces pouvoirs communiquent entre eux. Lorsque le Président de la République assiste à la rentrée solennelle de l'institution judiciaire, le pouvoir judiciaire s'adresse à lui et le Président l'écoute. De même, avec son droit de message, le Président de la République nous parle, comme nous nous adressons à lui en votant une motion de censure ; en vérité, chacun de nos débat est un message que le pouvoir législatif adresse à l'exécutif.
Quant aux risques de pression, certains ont évoqué la grande ombre de Thiers, mais si les parlementaires sont assez fragiles pour être ébranlés par un discours du Président de la République, cela prouve que leurs convictions étaient chancelantes !
Je préfère, pour ma part, citer Herriot, qui disait : « Un bon discours m'a parfois fait changer d'avis, jamais de vote. » Il n'en ira pas autrement d'une intervention du Président de la République.
J'en viens maintenant à ma certitude. Il est inconcevable que le Président de la République s'exprime devant les assemblées réunies en Congrès sans entendre ce que les assemblées ont à lui dire en retour.