Nous avons déjà indiqué que nous étions favorables à la suppression pure et simple de l'article 16, que nous estimons non seulement inutile, mais surtout extrêmement dangereux, parce qu'il autorise le chef de l'État à prendre, seul, des décisions relevant du domaine de la loi et de la protection des droits fondamentaux sans aucun contrôle juridictionnel.
L'article 5 propose l'instauration d'un contrôle renforcé de l'exercice des pouvoirs exceptionnels par le Conseil constitutionnel, dispositif qui représente, certes, une petite avancée, hélas très insuffisante. Il ne suffit pas que le Conseil constitutionnel puisse dire si les conditions exigées pour la mise en oeuvre des pouvoirs exceptionnels sont réunies ou non ; encore faudrait-il que ses avis soient contraignants.
Le comité Vedel avait proposé, en son temps, que le Conseil constitutionnel, saisi par le Président de l'Assemblée nationale et le Président du Sénat, puisse constater que les conditions ne sont plus réunies pour l'application de cet article et préciser la date à laquelle les pouvoirs exceptionnels cessent de produire leurs effets. Sans doute serait-il difficile de lui reconnaître un tel pouvoir. Pourquoi ne pas alors le reconnaître au Parlement et permettre à ce dernier de se prononcer, une fois l'avis rendu public, sur l'opportunité de mettre fin ou non à ces pouvoirs exceptionnels ? C'est ce que nous proposons dans cet amendement.
Si le juge constitutionnel n'a pas vocation à apprécier des situations qui n'ont pas nécessairement de caractère juridique – et nous comprenons les objections formulées par le rapporteur sur ce point – le Parlement possède, quant à lui, la légitimité nécessaire. En effet, les parlementaires sont les représentants du peuple, et il convient ici de se prononcer notamment sur la date à laquelle doivent prendre fin les mesures de nature législative prises par le Président en application de l'article 16. Le respect de l'équilibre des pouvoirs et de leur séparation, comme la sagesse la plus élémentaire, qui commandaient les préventions du comité Vedel, impose aussi, me semble-t-il, de souscrire à la proposition que nous formulons.
Cet amendement tend donc à substituer à l'alinéa 2 de l'article 5 les quatre alinéas suivants :
« Le Conseil constitutionnel peut être saisi à tout moment par le Président de l'Assemblée nationale, le Président du Sénat, soixante députés ou soixante sénateurs, un groupe politique, aux fins d'examiner si les conditions énoncées au premier alinéa sont réunies.
« Il se prononce dans un délai d'un jour franc par un avis public.
« Il procède de plein droit à cet examen.
« Une fois l'avis rendu public, le Parlement se prononce sur l'opportunité du recours au présent article, après un débat en séance publique. »