Cet amendement tend à jeter la suspicion, en faisant l'amalgame entre la réforme de la carte judiciaire et le développement de la visioconférence dans les juridictions. La réalité est tout autre. On ne peut quand même pas imaginer qu'en France des tribunaux importants se mettent à juger par visioconférence des affaires qui se seraient déroulées à 40 ou 50 kilomètres, sans que le justiciable puisse se présenter devant eux. Cet amalgame ne tient évidemment pas !
De quoi s'agit-il ? Rappelons que la visioconférence est déjà inscrite dans notre droit, et qu'elle est utilisée dans les zones d'attente et les zones de rétention administrative depuis le 20 novembre 2003. Après un examen précis, le Conseil constitutionnel a admis le principe de son utilisation. Mais il ne s'agit pas d'un principe général, et l'usage de la visioconférence est très encadré. Plusieurs conditions doivent être réunies : les parties doivent être consentantes ; la confidentialité des transmissions doit être assurée ; lorsque l'audience est publique, la publicité des débats doit être garantie dans les lieux où sont émises et réceptionnées les images.
J'insiste surtout sur le consentement des parties, condition qui devrait dissiper les réserves et les inquiétudes de Bernard Derosier. Un avocat peut s'opposer à l'utilisation de la visioconférence s'il estime qu'elle ne permet pas le respect des principes fondamentaux des droits de la défense. Je rappelle aussi que la visioconférence existe déjà devant le juge pénal et devant le juge administratif pour les tribunaux d'outre-mer.
Nous avons mené une mission d'information sur l'exécution des peines en France, ce qui nous a donné l'occasion de visiter un certain nombre de tribunaux petits, moyens ou grands. Nous avons pu prendre la mesure du retard pris par notre système judiciaire en matière d'utilisation des nouveaux moyens informatiques, mais surtout des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Alors que la visioconférence se répand dans beaucoup d'administrations et d'entreprises – parfois les plus simples –, alors que l'utilisation de ces technologies se développe dans le monde entier, il faudrait que la justice s'en garde ? On invoque des risques d'atteintes aux droits fondamentaux, et on prétexte une justice de proximité pour vouloir conserver la présence systématique des témoins et des experts. Mais enfin, au XXIe siècle, qu'est-ce que cela veut dire ? Pourquoi demander à un expert parisien de se rendre dans un tribunal de province, dans le midi de la France, pour commenter son rapport d'expertise, alors qu'il pourrait le faire depuis son bureau, en visioconférence avec un tribunal qui serait en mesure de lui poser toutes les questions jugées utiles ?