Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, nul n'est censé ignorer la loi : cet adage est l'un des fondements du droit positif français. Les principes d'intelligibilité et d'accessibilité du droit ayant acquis en 1999 une valeur constitutionnelle, les concepts d'État de droit, de démocratie, de citoyenneté ne sauraient y déroger. Pourtant, en l'an 2000 déjà, on décomptait quelque 8 000 lois et plus de 120 000 décrets dans les différents corpus législatifs tandis que, en moyenne, soixante-dix lois, cinquante ordonnances et 1 500 décrets sont adoptés chaque année. Il est dès lors impossible, même pour les professionnels du droit, de maîtriser l'ensemble des lois et règlements en vigueur dans notre pays. L'accès à la connaissance du droit pour la majorité de nos concitoyens est un enjeu politique. C'est pourquoi, comme beaucoup de mes collègues maires, j'ai créé dans ma ville, à Ivry-sur-Seine, une maison de la citoyenneté où des conseillers orientent les administrés dans leurs démarches juridiques. Il s'agit en quelque sorte d'un GPS du droit. (Sourires.)
Votre proposition de loi, frêle barrage contre un océan de complexité et d'opacité, n'endiguera en rien la frénésie législative qui agite la xiiie législature. Le diktat du fait divers est aujourd'hui source de droit puisque, à un événement tragique, les membres du Gouvernement réagissent en brandissant avec empressement un projet de loi. Les derniers textes sur la lutte contre les accidents de manège ou les chiens dangereux le prouvent. Le risque existe de voir le marketing politique prendre le pas sur la réflexion et l'efficacité de l'action législative.
Monsieur le secrétaire d'État, vous soumettez au vote de notre assemblée un texte visant à simplifier certaines procédures juridiques mais, dans le même temps, la garde des sceaux propose la refonte de la carte judiciaire, dont le coût est estimé à 1 milliard d'euros par le Syndicat de la magistrature, et non à 500 millions comme le Gouvernement l'a annoncé. Sur le fond, cette réforme signifie la fermeture de vingt-trois tribunaux de grande instance, de 176 tribunaux d'instance, et de soixante-trois conseils de prud'hommes, ce qui ne simplifiera pas le rapport entre les citoyens et la justice. Les dispositions de simplification destinées aux particuliers, énumérées dans le chapitre Ier de cette proposition de loi, qui permettent par exemple aux parties de se faire représenter par leur concubin ou la personne avec laquelle elles sont pacsées, ne faciliteront certainement pas la vie des justiciables, si le tribunal auquel ils doivent se rendre se trouve à plusieurs dizaines de kilomètres de leur domicile. Il s'agit là d'une véritable atteinte au service public de la justice.
De plus, l'article 1er dispose que « l'autorité administrative est tenue d'abroger tout règlement illégal ». Cette disposition est louable, mais quelles seront les sanctions si ladite autorité s'abstient de le faire ? Rien n'est mentionné dans le texte. Dès lors, nous pouvons être certains que cet article ne restera qu'une bonne intention et qu'il n'aura aucune application concrète.
Le texte est mal structuré. Les articles se succèdent en balayant des sujets divers sans rapport les uns avec les autres. Certains articles simplifient effectivement des dispositions de notre droit, mais d'autres, paradoxalement, le complexifient. Ainsi, l'article 11 n'a aucun rapport avec la simplification de la loi puisqu'il traite de l'utilisation de nouvelles technologies dans les procès judiciaires, notamment en étendant le recours à la visioconférence. C'est l'organisation même de notre système judiciaire qui est ici remise en cause.
Le texte prévoit en outre la simplification du fonctionnement des collectivités territoriales. Le chapitre III est un chapelet de réformettes bien faibles face à la lourdeur et à la complexité des procédures administratives et juridiques auxquelles sont soumises les collectivités, sous le poids d'un étatisme renforcé. J'en sais quelque chose en tant que maire.
Pour simplifier efficacement le droit, il conviendrait, avant toute chose, d'optimiser les conditions d'élaboration, de discussion et d'application de la loi en donnant par exemple les moyens de fonctionnement nécessaires à tous les groupes politiques représentés dans cette assemblée, ce qui n'est pas le cas. Les parlementaires devraient pouvoir mener au mieux leur travail d'investigation et d'analyse alors que nous assistons à la valse des ordres du jour, en séance publique comme en commission. J'en veux pour preuve le nouveau report de la réunion sur les coopératives européennes qui devait avoir lieu aujourd'hui même.
Les députés communistes et républicains sont bien évidemment favorables à un processus de simplification du droit. Cependant, la proposition de loi, telle qu'elle nous est présentée, reste insuffisante. Notre pays a besoin d'une loi annuelle de simplification législative associant l'Assemblée nationale au Conseil constitutionnel, au Conseil d'État, au Médiateur de la République, et dans l'intérêt des citoyens, lesquels attirent bien souvent notre attention sur le caractère inadapté de certaines dispositions.
Nous pourrions envisager qu'une initiation au droit soit proposée dès le lycée en complément des cours d'éducation civique, car simplifier le droit, c'est avant tout le rendre plus accessible. Ce n'est pas ce que fait cette proposition de loi et c'est pour cette raison que les députés de la Gauche démocrate et républicaine s'abstiendront.