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Intervention de Bernard Derosier

Réunion du 11 décembre 2007 à 9h30
Simplification du droit — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Derosier :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, si je comprends bien ce que nous ont dit le rapporteur puis le président de la commission des lois, la messe est dite. Si nous n'étions pas dans cette enceinte, nous pourrions entendre cette formule dans la mesure où ils nous invitent, d'entrée de jeu, à voter conformes les dispositions qui ont été adoptées au Sénat.

À quoi servons-nous donc si nous ne pouvons pas exercer notre droit d'amendement sur un texte qui est passé de treize à trente articles, et non pas à seize comme l'a indiqué M. Geoffroy qui, je l'espère, n'était pas professeur de mathématiques dans une vie antérieure ?

Les réserves que nous avions formulées lors de la discussion de ce texte en première lecture ne sont pas levées. Il continue de porter en germe les faiblesses d'un texte d'affichage.

Nous appelons votre attention sur le fait que cette proposition n'était pas en mesure de simplifier réellement le droit. Nos collègues sénateurs – et c'en est une démonstration – ont apporté des modifications substantielles plus ou moins contestables.

Ainsi, l'article 4 bis prévoit que les actes de notoriété seront dorénavant rédigés par un notaire, c'est-à-dire à titre onéreux, alors qu'ils étaient jusqu'alors établis par les greffiers en chef des tribunaux d'instance et cela à titre gratuit.

Cette disposition malvenue s'apparente à une remise en cause du service public gratuit. Les personnes les plus vulnérables se verront obligées de s'acquitter du paiement de l'établissement de l'acte. En plein débat sur le pouvoir d'achat, je trouve cette disposition pour le moins surprenante. Il n'y aura donc désormais pas d'autre alternative pour ces justiciables que de payer l'acte de notoriété.

En effet, sans oser vous attaquer de front aux principes fondamentaux du service public, vous continuez de le détricoter par des mesures ciblées et répétées qui, à terme, videront de sens la notion d'intérêt général.

Je ne peux que faire le rapprochement avec toutes ces mesures aussi perfides qu'injustes qui suscitent inquiétude et indignation dans l'opinion.

Je pense notamment à l'instauration de la franchise médicale ou encore à la fin de l'exonération totale du paiement de la redevance télévisuelle pour les personnes âgées.

Bref, tout ce que vous avez donné d'une main aux classes les plus aisées, vous êtes en train de le reprendre de l'autre aux plus démunis.

Les articles 14 et 15, qui visent à donner une habilitation au Gouvernement pour procéder, par ordonnances, à la codification de la partie législative du code des transports et modifier la partie législative des codes de la recherche et de l'éducation, sont tout aussi contestables. Le degré de complexité de notre corpus juridique a atteint un tel niveau aujourd'hui qu'il est en effet indispensable de le rendre plus accessible. Cette complexité menace aussi bien notre droit que notre société.

Tout doit être mis en oeuvre pour réduire la « fracture juridique », comme l'a qualifiée le Conseil d'État dans son rapport annuel de 2006.

Cependant, la tournure que prennent les travaux parlementaires m'incite à la plus grande réserve. La simplification du droit, telle qu'elle nous est vendue aujourd'hui, n'est qu'une illusion.

Par ailleurs, j'ai bien entendu les arguments qui m'ont été opposés lorsque j'ai défendu en commission l'amendement visant à étendre la compétence d'élaboration d'un schéma de cohérence territorial à un syndicat mixte ouvert. Pour rejeter cet amendement, le rapporteur nous a fait comprendre qu'il était urgent d'attendre, afin de consulter l'association des maires de France et de connaître également l'étude d'impact réalisée par le ministère de l'intérieur. Permettez-moi, mes chers collègues, de douter du bien-fondé d'une telle justification.

Cet amendement a été rejeté sous couvert du caractère prématuré de sa démarche. Je ne vois pas en quoi une telle mesure visant à assouplir une procédure actuellement bloquée devrait demander approfondissement et analyse.

Je regrette que la volonté d'adopter ce texte dans la précipitation conduise à rejeter toutes les propositions de l'opposition.

Plus symptomatique encore de l'illusion de simplification du droit est la disposition relative à l'instauration de la visioconférence dans les juridictions. Comment ne pas voir, à travers l'article 11 de la proposition de loi qui prévoit cette disposition, une dénaturation du texte de loi initial ?

N'ayons pas peur des mots : nous assistons là à une remise en cause du fonctionnement de la justice qui va bien au-delà de la simplification du droit. Ne serait-il pas opportun d'opposer utilement dans ce cas, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, la nécessité d'études préalables ?

Cette réforme, parce qu'elle altère en profondeur la manière dont la justice sera rendue dans notre pays, exige une réflexion approfondie.

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