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Intervention de Alain Vidalies

Réunion du 11 décembre 2007 à 9h30
Contrats d'assurance vie non réclamés — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Vidalies :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons en deuxième lecture la proposition de loi permettant la recherche des bénéficiaires des contrats d'assurance vie non réclamés ou en déshérence. Je rappelle qu'en première lecture les groupes socialistes de l'Assemblée nationale et du Sénat avaient voté en faveur de ce texte.

Notre assemblée a déjà évoqué à plusieurs reprises ce problème, notamment lors du débat sur la réforme des droits de succession. Le montant des avoirs en cause est d'ailleurs très incertain : le chiffre régulièrement avancé par la Fédération française des sociétés d'assurances est de 1 milliard d'euros depuis 1965 ! Or l'ensemble des avoirs déposés depuis cette période est passé de 500 milliards à 1 000 milliards d'euros. Certains observateurs, parmi lesquels d'ailleurs le Médiateur de la République lui-même, estiment que le montant des contrats non réclamés se situe probablement dans une fourchette entre 2 milliards et 5 milliards d'euros.

Les raisons de l'absence de réclamation de ces contrats sont bien connues : elles relèvent soit des aléas de la vie, soit des règles spécifiques aux contrats d'assurance vie. Ainsi, en l'état de notre droit, l'assureur n'est pas toujours informé du décès ou du déménagement du souscripteur, et tant que le décès du souscripteur n'est pas avéré, il a interdiction d'informer le bénéficiaire de la stipulation faite à son profit. En outre, la règle de l'irrévocabilité de la stipulation pour autrui n'incite pas le souscripteur à informer le bénéficiaire de cette stipulation.

Pour répondre à cette situation particulière, le législateur a tenté, dans un premier temps, d'améliorer l'information, tant du souscripteur que du bénéficiaire. La loi de sécurité financière du 1er août 2003 a instauré l'obligation pour les assureurs d'envoyer chaque année aux souscripteurs une information relative à leur contrat. La loi du 15 décembre 2005 a imposé l'indication dans le contrat d'une information relative aux conséquences de la désignation du bénéficiaire et, dans le nouvel article L. 132-8 du code des assurances, fait obligation à l'assureur informé du décès de l'assuré d'aviser le bénéficiaire de la stipulation effectuée à son profit, si ses coordonnées figurent au contrat.

En application de cette même loi, et de l'article L. 132-9-2 du code des assurances, les fédérations professionnelles ont mis en place le dispositif pour la gestion des informations relatives aux risques en assurance, dit AGIRA. Toute personne pensant être bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie peut interroger AGIRA sur l'existence d'une stipulation à son profit dans un contrat souscrit par une personne physique dont elle apporte la preuve du décès. Ce dispositif portait en lui-même ses limites dès lors qu'il ne visait que l'initiative du bénéficiaire potentiel, qui devait « subodorer » cette qualité. Or la nature même du contrat d'assurance vie implique que de nombreux bénéficiaires ignorent totalement cette qualité et, par voie de conséquence, ne se manifesteront jamais. Il n'était dès lors pas surprenant que, sur 6 000 demandes étudiées par AGIRA, seuls 625 bénéficiaires aient été retrouvés.

Ces résultats sont à comparer avec ceux d'un grand groupe d'assurance qui a pris l'initiative, au-delà de ses obligations légales, de rechercher les souscripteurs ou les bénéficiaires des contrats non réclamés. Sur un premier test portant sur 200 dossiers, il s'est révélé que deux tiers des assurés étaient toujours vivants, pour la plupart en maison de retraite et souvent sous tutelle. Sur 500 dossiers supplémentaires soumis à une recherche systématique, 90 % ont abouti à un résultat positif.

Cette comparaison, même en reprenant les chiffres avancés avec précaution, révèle l'absence d'efficacité satisfaisante du droit positif, y compris du dispositif AGIRA. Le Médiateur de la République, saisi de nombreuses réclamations, a souhaité, dans son rapport annuel, déposé début 2007, appeler l'attention du législateur sur la nécessité d'une initiative pour répondre à ce problème.

La proposition de loi dans sa version initiale reprenait uniquement une des propositions du Médiateur de la République, afin de permettre aux sociétés d'assurances de consulter les données figurant au répertoire national d'identification des personnes physiques et relatives au décès des personnes qui y sont inscrites.

J'observe avec satisfaction que la rédaction actuelle, à l'issue de nos travaux, en retenant que les entreprises d'assurances s'informent du décès éventuel de l'assuré, crée une véritable obligation de moyens à la charge des sociétés d'assurances susceptibles d'engager leur responsabilité en cas de carence.

J'avais moi-même signalé en première lecture cette différence entre « avoir accès » et « être dans l'obligation de s'en servir », ce qui va résulter de notre rédaction d'aujourd'hui.

Des améliorations ont été également apportées au texte initial pour modifier les conséquences du principe de l'irrévocabilité de la stipulation pour autrui, en raison de l'acceptation par le bénéficiaire. Ce principe, qui résulte de l'application des articles 1121 du code civil et L. 139 du code des assurances, est directement à l'origine de l'absence d'information de nombreux bénéficiaires par le souscripteur, qui souhaite, malgré tout, ne pas être confronté à l'irrévocabilité de sa démarche.

Sans remettre en cause les principes du droit des libéralités, l'acceptation par le souscripteur de l'acceptation du bénéficiaire renforcera l'information des contractants et répond à l'objection soulevée.

Le Sénat, dans les articles 1er A et 1er B, a retenu une rédaction qui n'est pas en l'état satisfaisante, s'agissant des conditions dans lesquelles, en cas de décès, intervient la revalorisation du capital garanti jusqu'à la production des pièces nécessaires au paiement dans les conditions prévues à l'article L. 122-23-1.

En laissant au seul contrat, c'est-à-dire en réalité aux seules sociétés d'assurances, la possibilité de fixer ce taux de revalorisation, la proposition de loi leur laisse la part belle et peut, dans son application, réserver de mauvaises surprises.

Le groupe UMP, ayant affirmé son objectif d'un vote conforme à la rédaction du Sénat sur l'ensemble de la proposition de loi, nous n'avons pas déposé d'amendement sur ce point. D'ailleurs, le rapport demandé, dans la rédaction du Sénat, nous permettra de vérifier, le moment venu, si nos craintes d'aujourd'hui se révèlent fondées.

Dans cette attente, et dès lors que cette proposition de loi, certes d'un objet limité, constitue néanmoins une réelle avancée, …

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