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Intervention de Luc Chatel

Réunion du 11 décembre 2007 à 9h30
Contrats d'assurance vie non réclamés — Discussion en deuxième lecture d'une proposition de loi

Luc Chatel, secrétaire d'état chargé de la consommation et du tourisme :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, votre assemblée est aujourd'hui réunie pour débattre d'une question qui touche des dizaines de milliers de nos concitoyens : les contrats d'assurance vie non réclamés.

Je voudrais tout d'abord féliciter les parlementaires pour le remarquable travail qu'ils ont accompli sur cet important sujet.

Ce texte a été un modèle de travail collectif. Un excellent travail de réflexion et de concertation a été mené. Il a mobilisé le Parlement, le Gouvernement, mais aussi le Médiateur de la République, sans oublier les associations défendant les intérêts des consommateurs et les compagnies d'assurance elles-mêmes.

Ce texte a été remarquablement amendé par les parlementaires, pour aboutir à une version que j'estime, à ce stade, à la fois complète et opérationnelle.

Je tiens plus particulièrement à rendre hommage aux deux auteurs de la proposition de loi : Yves Censi, qui connaît bien ces questions relatives à l'assurance vie, et Jean-Michel Fourgous, qui avait déjà signé en 2005 un amendement déterminant pour tous les détenteurs de contrats. En facilitant la conversion des contrats d'assurance vie en euros vers les contrats multi-supports, l'amendement Fourgous a permis le transfert de 45 milliards d'euros vers des contrats plus dynamiques et davantage orientés vers les investissements productifs.

Je souhaite aussi saluer le travail réalisé par votre rapporteur, Éric Straumann, qui a largement contribué à faire évoluer le texte. J'ai été d'autant plus favorablement impressionné, monsieur le député, que c'était la première fois que vous étiez rapporteur d'un texte. Merci pour votre investissement et pour la valeur ajoutée que vous avez apportée à cette proposition de loi.

Il existe 22 millions de contrats d'assurance vie en France. On sait que 20 % de ces contrats se dénouent par décès, et qu'une partie de ces 20 % n'est pas réclamée par leurs bénéficiaires. Le nombre de contrats non réclamés est aujourd'hui estimé par la profession entre 150 000 et 170 000.

En adoptant cette proposition de loi, vous permettrez de résorber significativement ce stock, au profit direct des bénéficiaires légitimes de ces contrats.

Votre proposition de loi a de nombreux mérites.

En premier lieu, elle résout concrètement un problème. Elle va mettre fin à une situation qui n'était pas acceptable d'un point de vue éthique : quand on a travaillé dur toute une vie pour réunir un capital, il ne faut pas que l'on puisse se le voir retirer en raison d'une réglementation inadaptée.

Deuxième mérite : à l'heure où le pouvoir d'achat est une préoccupation forte de nos concitoyens, cette proposition de loi permettra très concrètement de redistribuer aux bénéficiaires des contrats des sommes en monnaie sonnante et trébuchante.

Une évaluation de la loi nous permettra de constater le nombre d'ayants droit qui en auront bénéficié, ainsi que le montant des sommes versées. Mais nous pouvons d'ores et déjà nous réjouir du fait que des dizaines de milliers de bénéficiaires toucheront concrètement un capital dont le montant sera souvent significatif. À ces milliers de compatriotes, vous offrez, mesdames, messieurs les députés, un joli cadeau de Noël.

Troisième mérite : si je suis conscient du fait que le texte impose des contraintes nouvelles aux entreprises gestionnaires d'assurance vie, ces contraintes restent mineures au regard des bénéfices attendus pour les clients. Je suis aussi convaincu que l'obligation d'une plus grande transparence et d'une meilleure information des consommateurs n'est pas préjudiciable aux assureurs. Bien au contraire, elle est indispensable pour renforcer la confiance de leurs clients, ce qui est un élément essentiel pour le bon exercice de leur activité.

Quatrième mérite : ce texte permettra de remettre de l'argent dans le circuit économique sans coût budgétaire supplémentaire. Il ne coûte pas un centime au budget de l'État. Dans le contexte budgétaire que vous connaissez, je crois que ce point mérite d'être souligné.

Cinquième mérite : en vous penchant, sur le sujet de l'assurance vie, vous touchez plus qu'un produit financier, vous touchez à un symbole. Les contrats d'assurance vie représentent 38 % du patrimoine financier des Français. Pour beaucoup de nos concitoyens, l'assurance vie est synonyme de préparation de l'avenir, de transmission de patrimoine à ses proches. Elle représente le plus souvent des années de travail et d'effort.

Ce texte permettra vraisemblablement de conforter cet engouement considérable, en donnant aux assurés des gages de confiance supplémentaires. D'un point de vue économique et politique, il est en parfaite cohérence avec la volonté du Gouvernement de promouvoir les intérêts des consommateurs et leur confiance dans l'économie.

La première lecture au Sénat a permis de maintenir les grands équilibres du texte que vous aviez adopté le 11 octobre dernier.

Le Sénat, sur un rapport de M. Henri de Richemont au nom de la commission des lois et sur un avis de M. Philippe Marini au nom de la commission des finances, a examiné cette proposition lors de sa séance du 7 novembre 2007.

Il a adopté dans le texte de l'Assemblée nationale l'article 1er bis relatif à l'obligation de recherche du bénéficiaire de l'assurance sur la vie en cas de décès de l'assuré par les entreprises d'assurance, ainsi que l'article 3 imposant la même obligation à celles de leurs mutuelles et de leurs unions qui distribuent des produits d'assurance sur la vie.

Il a modifié le texte adopté par l'Assemblée nationale, au-delà de quelques modifications formelles, sur quatre points significatifs.

Tout d'abord, il a étendu la suppression de l'interdiction de rachat à l'ensemble des contrats d'assurance sur la vie, y compris aux contrats d'assurance de groupe en cas de vie, dont les prestations sont liées à la cessation d'activité professionnelle. C'est l'objet de l'article 1er B.

Le Sénat a ensuite prévu que la révocation d'une clause bénéficiaire ne peut intervenir lorsqu'elle concerne un majeur protégé que dans le respect des dispositions prévues par la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, c'est-à-dire avec l'autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille, lorsque celui-ci est constitué.

Troisièmement, en ce qui concerne l'encadrement des conditions d'acceptation par le bénéficiaire d'une clause faite à son profit, il était important d'éviter toute confusion entre le délai de renonciation, fixé à trente jours par le code des assurances, et le « délai de latence » prévu par le code de la mutualité, et lui aussi fixé à trente jours par la présente proposition de loi. Le Sénat a prévu que ce délai de latence court à compter du moment où le stipulant est informé de la conclusion du contrat ou de son adhésion à la mutuelle. C'est l'objet de l'article 4.

Enfin, pour que ce délai de latence ne bloque pas une opération de crédit adossée à la conclusion d'un contrat d'assurance sur la vie, le Sénat a réservé l'imposition d'un tel délai au seul cas où la désignation du bénéficiaire intervient à titre gratuit. Cette disposition figure également à l'article 4.

En outre, le Sénat a ajouté quatre nouveaux articles, dont le premier demande au Gouvernement de présenter un rapport au Parlement, afin de faire le point, avant le 1er janvier 2009, sur le processus de désignation des bénéficiaires, sur la recherche des bénéficiaires des contrats non réclamés et sur l'application de la future loi en général.

L'équilibre du texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture ayant été préservé, les précisions apportées par le Sénat étant utiles, rien ne justifie de retarder l'adoption de la présente proposition de loi.

Encore une fois, je tiens à vous remercier, mesdames, messieurs les députés, pour votre engagement sur ce sujet si important pour la vie quotidienne de nos concitoyens. Je suis convaincu que nous sommes sur le point de renforcer ensemble la confiance dans l'assurance vie et de réparer une situation à bien des égards injuste pour des dizaines de milliers de Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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